Il la vit, en devint amoureux, lui déclara sa passion, & lui plut. […] La fille déclara qu’elle ne vouloit pas être Religieuse, mais épouser le Duc N…, & le mariage étant convenable, la famille y donna les mains. […] Il recommande à son successeur d’être obéissant au Saint Siege Apostolique, de craindre Dieu, d’observer ses commandemens, d’honorer les gens d’Eglise, de procurer sur toutes choses l’exaltation de la foi, de sacrifier toutes choses pour la défense & l’avancement de la Religion Catholique ; & si quelqu’un se trouvoit infecté des bérésies & doctrines condamnées, Sa Majesté le déclare incapable de regner, & le prive de tout droit à la Couronne, &c. […] Filding, homme célebre dans la littérature Angloise, s’est aussi déclaré contre elle, & a prié très-sincerement Garrik, le premier Acteur & le Directeur du théatre Anglois, de la supprimer, comme plus capable d’autoriser le vice, que d’inspirer la vertu.
Ce qui met le comble au prodige, elle avoit passé la moitié de sa vie dans les états les plus opposés à la piété & à la grandeur qui ne devoient naturellement la conduire qu’à la frivolité, à la bassesse & au vice ; elle étoit née Protestante, aussi-bien que Montausier, de la famille la plus déclarée contre les Catholiques : d’Aubigné son père se fit enfermer dans une prison de Niord avec sa femme pour ses dérangemens. […] Cet hommage lui plut infiniment, car quoique très-vertueuse elle n’étoit pas encore déclarée pour la haute spiritualité ; l’Abbesse de Salfines avec ses Religieuses, la plupart jeunes, jolies, & toutes filles de condition, se rendirent dans la salle du festin pour voir la fête, elle fut admise dans le cercle. […] Sa conduite étoit l’original que peignoient ses crayons ; Épicurien déclaré & Philosophe voluptueux qui ne modéroit la vivacité de ses passions & l’excès du plaisir, que pour le mieux goûter & en jouir plus long-temps, prétendoit que tous les hommes devoient plutôt suivre les mouvemens de la nature, que les réflexions de la raison qui jettent l’homme dans des égaremens aussi dangereux que ceux des passions . […] Sa Majesté déclare en faveur des étrangers qui voudront acquérir lesdites rentes ou leurs héritiers donataires, légataires ou autres représentant même sujets des Princes & États, avec lesquels elle pourroit être en guerre ; que lesdites rentes seront exemptes de lettres de marques & réprésailles, droit d’aubaine, bâtardise, confiscation ou autres auxquels Sa Majesté renonce expressément. […] Qui ignore que dans le siècle passé Armand de Bourbon, Prince aussi distingué par ses vertus & ses lumières, que par ses dignités & sa naissance, se déclara hautement contre elle par un ouvrage immortel ; les sentimens héréditaires dans son auguste famille doivent à jamais fermer au spectacle les portes d’une maison où ils ont été si solennellement condamnés.
Philippe obligé de se désendre, lui déclara la guerre à son tour, envoya contre elle une flotte immense à laquelle l’Angleterre n’eut pu résister, si elle fut entrée dans les ports ; mais Dieu dont les desseins sont impénétrables permit que dans le trajet, des tempêtes dispersèrent tous les vaisseaux ; un grand nombre fut englouti, une partie se brisa sur les côtes, & fut la proie des Anglois ; il en revint très-peu en Espagne. […] La Gouvernante de l’Église Anglicane ajoutoit à son sexe la glorieuse qualité de bâtarde adultérine, solennellement déclarée par trois Souverains ses prédécesseurs, & par le Parlement. […] Sa vie fut un tissu de scènes pareilles, elle s’empara du Havre-de-Grâce à titre d’ôtage pour de l’argent avancé, & ne veut plus le rendre, il faut un siége pour le lui arracher, elle fait faire par ses vaisseaux toutes sortes de pirateries sur toutes les nations, on lui en fait des plaintes de toutes parts ; elle en rit & en plaisante, elle ordonne plusieurs mois à l’avance au Capitaine Drack d’attaquer en Amérique les Espagnols, certain jour qu’elle lui désigne, auquel elle déclare la guerre. […] L’entreprise ayant manqué, Elisabeth joua un nouveau rôle, & lui envoya une magnifique ambassade pour la féliciter de son heureuse arrivée ; cette Reine voisine l’inquiétoit, c’étoit l’héritière légitime du royaume d’Angleterre, elle devoit exclurre Elisabeth qui étoit bâtarde, elle avoit même pris le titre de Reine d’Angleterre, elle pouvoit lui déclarer la guerre ; le voyage n’est pas long d’Edimbourg à Londres, elle y avoit bien des partisans ; tous les Catholiques se seroient déclarés pour elle ; une bataille gagnée l’auroit mise sur le trône. […] Le Parlement rendit justice au fils de Marie, indigné de ces horreurs & de ces farcés, il le désigna successeur d’Elisabeth sans la consulter, elle fut forcée de l’approuver, de dissimuler son chagrin, mais en mourut bientôt après ; c’étoit en effet la condamnation la plus authentique de sa conduite ; déclarer le fils de Marie Roi d’Ecosse, & légitime héritier du Royaume d’Angleltrre, c’étoit reconnoître les droits & la souveraineté de la mère qu’il représentoit, & par conséquent l’injustice de sa mort.