Le public, qui estime, qui respecte, qui craint, voit avec autant de douleur que de surprise éclipser cette réputation de sagesse, ébranler cet édifice de vertu qui lui en imposait, par des démarches qui la supposent bien faible et la rendent bien suspecte, et retombent sur le corps dont on est membre. […] Ces excès de licence ne sont pas aujourd’hui à craindre, l’autorité du Roi et le respect du peuple sont mieux établis ; aucun Comédien ne serait assez hardi pour attaquer son maître, il ne le ferait pas impunément.
Ce seul point devroit faire tout craindre pour ses enfans à une mere Chrétienne. […] Qu’on cherche dans la journée d’une femme une minute pour l’étude, un coin dans la chambre pour mettre un livre sérieux, qu’on cherche sur-tout l’ombre de goût pour rien approfondir, ce n’est qu’à la faveur de la dorure, des estampes, des contes qu’un almanach, une comédie, un roman peuvent passer jusqu’à elles, & arracher à la toilette un moment d’audience ; la parure & la galanterie n’ont point de rivaux à craindre dans leur cœur. […] Mais, qu’il ne craigne rien, ces belles mains n’iront point se salir à son service, ces riches habits ne se gâteront point en touchant ses haillons.
Car quelque insensé que l’on soit, on a néanmoins assez de courage pour ne pas craindre la mort ; parce qu’on la regarde comme un tribut dû à la nature : mais pour le plaisir, l’attrait est si puissant, que les plus sages n’en sont pas moins frappés, que les fous ; parce que le plaisir fait le plus doux charme de la vie pour les uns et pour les autres. […] Quoi, disent-ils, si je vais au cirque hors du temps des spectacles, dois-je craindre que mon âme y contracte quelque souillure ? […] Du moins ces malheureuses, qui ont étouffé en elles toute pudeur, craignent-elles en certain jour de montrer au peuple les indécences de leurs gestes : du moins rougissent-elles une fois l’an ?