Mais à la bonne heure, me direz-vous, que ceux qui connoissent leur foible, s’en éloignent, en cherchant dans une vie retirée, un asile à leur innocence, & qu’ils ne chargent point les autres du soin de leur salut ; mais ceux qui n’ont rien à craindre de ce côté là, ne peuvent-ils pas y assister sans s’en faire un point de conscience ? […] Je fonde, Messieurs, ce danger sur ce que ces spectacles nous mettant devant les yeux tout ce que le monde a de plus contagieux, il est toûjours à craindre que ceux qui y trouvent tant de plaisir, ne se conforment enfin à cet esprit du siecle & du monde, que Saint Paul juge si pernicieux aux Chrétiens, qui y ont si solemnellement renoncé : ad Rom. […] Si donc c’est un crime & une espece d’Apostasie, comme nous avons déja dit, d’aimer & de rechercher les vanitez de ce monde, n’est-ce pas un sujet de craindre qu’on ne les aime, & qu’on ne s’y attache, que de s’y plaire, d’y courir avec ardeur, & d’en faire son plus grand divertissement ? […] Que si ces spectacles nous mettent ainsi en danger de prendre l’esprit du monde, il n’y a pas moins de sujet de craindre qu’il ne nous en imprime les sentimens, & les maximes, sur lesquelles ensuite l’on regle sa vie & sa conduite ; puisque ces spectacles sont comme une école, où l’on enseigne une Morale toute contraire à l’Evangile, & à la Religion. […] Ne me dites point, que vôtre âge, vôtre profession & vôtre état vous mettent à couvert de ce danger ; car cela même est le plus dangereux écueïl où vous puissiez donner, de croire, contre le sentiment de tous les Saints, & contre l’experience de tous les hommes ; que vous n’avez rien à craindre des surprises d’une passion, que les Solitaires mêmes, aprés avoir blanchi dans les austeritez de la penitence, ont crû si redoutable, & qui n’ont pû trouver d’autre moyen de s’en défendre, que la fuite des occasions, & des objets capables de l’exciter.
3.° Le théatre invite au divorce, & enseigne à n’en point craindre les malheurs. […] Les familles font semblant de craindre les exhortations d’un Moine qui séduit les enfans & leur donne la vocation religieuse, & elles ne craignent pas les vocations théatrales que donnent les pieces & les Actrices, en les éloignant du mariage & les rendant malheureux. […] On a raison, c’est pour cela même que je le dis une très-mauvaise école, où bien loin d’enseigner les devoirs, on craint d’en parler. […] Vous l’emporterez sur-tout : le vrai mérite d’une femme est de craindre Dieu, de faire son devoir ; ses œuvres seules font son éloge. […] On craint moins Dieu ; le connoît-on ?
On ne craint chez soi ni la censure du parterre, ni l’animadversion de la police, ni la sagacité du réviseur de la piece ; on n’a que des amis indulgens, des amans passionnés, des libertins décidés. […] Craignons de tomber dans la même dépravation. […] Mais, direz-vous, vous ne craignez pas les dangers du théatre, votre cœur est à l’épreuve des traits de l’amour, vous êtes une héroïne de chasteté ; le théatre public, le théatre de société vous voient braver tous les orages. […] Je vous dirai pourtant avec Rousseau : Le péril le plus à craindre, c’est celui qu’on ne craint pas. […] Il n’y a jamais eu dans Toulouse qu’un seul théatre public, & jusqu’à ces dernieres années il n’y a eu de théatre particulier que celui du Collège des Jésuites : on n’a pas à craindre qu’il s’en élève d’autre public ; les actionnaires n’ont besoin d’exclure personne.