C’est ici que commence le caractère le plus plaisant et le plus étrange des Bigots ; car la Suivante ayant dit que « Madame n’a point soupé », et Monsieur ayant répondu, comme j’ai dit : « Et Panulphe », elle réplique qu’« il a mangé deux perdrix et quelque rôti outre cela », ensuite qu’« il a fait la nuit toute d’une pièce », sur ce que « sa Maîtresse n’avait point dormi », et qu’enfin, « le matin, avant que de sortir, pour réparer le sang qu’avait perdu Madame, il a bu quatre coups de bon vin pur ». […] Car celui-ci se sentant attendrir, se ravise tout d’un coup, et se disant à soi-même, croyant faire une chose fort héroïque : « Ferme, ferme, mon cœur, point de faiblesse humaine ». […] C’est que jamais il ne s’est frappé un plus rude coup contre tout ce qui s’appelle galanterie solide en termes honnêtes, que cette pièce ; et que si quelque chose est capable de mettre la fidélité des mariages à l’abri des artifices de ses corrupteurs, c’est assurément cette Comédie ; parce que les voies les plus ordinaires et les plus fortes par où on a coutume d’attaquer les femmes, y sont tournées en ridicule d’une manière si vive et si puissante, qu’on paraîtrait sans doute ridicule, quand on voudrait les employer après cela ; et par conséquent on ne réussirait pas.
Il pouvoit ajoûter, parce que les fables des uns & des autres portent des coups mortels à la religion & aux mœurs, l’hérétique ouvertement par un parti formé, & un systême réfléchi de doctrine, le Comédien sourdement par l’insinuation du plaisir, le ridicule apparent de la vertu, l’exemple réel du vice.
Voilà quels sont les grands coups que l’on veut porter au nouveau Spectacle, Ses énnemis prétendent l’accabler par de fortes raisons, tandis que ses partisans croient que tout doit se réunir en sa faveur : au milieu de tant d’avis différens il n’est pas difficile de reconnaître ceux qui suivent le parti de la vérité.