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24. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE I. Réformation de Riccoboni. » pp. 4-27

Les Romains avoient des esclaves & des affranchis, toujours prêts à servir leurs passions, souvent les premiers à les corrompre. […] L’amour le plus pur perd sur le théatre son innocence, en faisant naître des idées corrompues dans le spectateur le plus indifférent. […] Vous me déshonorez : d’une femme d’honneur vous faites une prostituée qui n’est bonne qu’à corrompre. […] Les chemins par où on passe pour arriver à ces exces, ne sont propres qu’à corrompre le cœur. […] Il faut au cœur corrompu un mauvais caractère, pour se livrer à la haine, à la vengeance, aux soupçons.

25. (1685) Dixiéme sermon. Troisiéme obstacle du salut. Les spectacles publiques [Pharaon reprouvé] « La volonté patiente de Dieu envers Pharaon rebelle. Dixiéme sermon. » pp. 286-325

Voilà M. le doux poison de la vie civile & la maladie contagieuse qui corrompt les meilleurs naturels, lors qu’ils imitent plutôt les vices d’autruy qui nous entraînent par une force agreable, & qui flatte la nature, que les vertus qui nous attirent par un charme contraire, qui choque ses inclinations : & c’est si je ne me trompe cette pernicieuse inclination d’imiter tout ce qui se passe dans le monde, qui a donné le commencement à la comedie, & la naissance aux Comediens. […] Cyprien appelle, magistros & doctores non erudiendorum, sed perdendorum puerorum , des Maîtres & des Docteurs plus propres à perdre & à corrompre la jeunesse qu’à l’instruire & à la bien élever ; quels Chrétiens contre lesquels l’Ordonnance de Charles IX. […] Jean, il est tout gâté & corrompu de malice & de peché, mundus totus in maligno positus estEpist. […] Voilà la raison pour laquelle on trouve aujourd’huy si peu de sainteté dans le monde, & si peu de Saints parmy les Chrétiens : en effet, M. je soûtiens aprés y avoir bien pensé, & m’en être bien convaincu, qu’il n’y a rien entre toutes les vanités du siecle & tous les plaisirs de la vie, qui soit plus propre à corrompre la pureté du christianisme, & l’innocence des mœurs des Chrétiens, que les divertissemens du theatre & de la comedie. […] L’experience nous apprend que comme les especes du vice frappent les gens d’une maniere plus douce & plus agreable, & qu’elles sont de plus fortes impressions dans l’ame que toutes les images de la vertu, ce n’est pas merveille si le cœur en est plûtôt corrompu, & si toutes les passions en sont plus promtement déreglées.

26. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

Quoique le Poète ait la liberté de changer quelques circonstances de son Histoire, d’en supprimer une partie, d’en ajouter de nouvelles ; il ne lui est pas permis cependant d’altérer les événements principaux, et qui sont connus de tout le monde : Il n’est pas cependant obligé de suivre mot à mot la vérité de l’Histoire, pourvu qu’il ne la corrompe pas dans les points essentiels, et qu’il ne confonde point par des changements notables les idées du spectateur. […] Il faut que le Poète exprime, et fasse sentir ces incertitudes, pour faire comprendre aux spectateurs, que la raison condamne ces crimes, et que ce sont des effets de la nature corrompue. […] La Comédie qui avait été instituée pour corriger les vices des hommes, et pour réformer les mœurs, servit bientôt à les corrompre par l’abus que l’on en fit, et par les choses licencieuses qu’on y mêla : Mais qu’y a-t-il que les hommes ne puissent corrompre, puisqu’ils abusent de ce qu’il y a de plus saint dans la Morale et dans la Religion, pour favoriser leur libertinage et leurs erreurs ? […] Saint Louis, plein de zèle pour la véritable piété, chassa de son Royaume tous les Comédiens, comme gens pernicieux et capables de corrompre les bonnes mœurs de ses Sujets. […] Ce sont, Madame, à peu prés les raisons, dont se servent ceux qui veulent que l’on bannisse la Comédie, parce que c’est une école dangereuse, où la vérité et les bonnes mœurs se corrompent ; où tout ce que l’on voit et tout ce que l’on entend, conduit au relâchement et au libertinage ; où l’amour et toutes les autres passions se glissent par les yeux et par les oreilles.

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