Quant à l’opinion où sont nos Auteurs, que la Comédie ne trouve plus de caracteres sur lesquels elle puisse s’exercer, elle est fausse ; & avec un peu d’attention, ils en conviendront aisément. […] Si son but n’est que d’amuser, je conviens qu’elle a parfaitement réussi, & même qu’elle a atteint le degré de perfection ; mais si son but est d’instruire, je crois avoir démontré qu’elle n’a pas suivi le chemin qu’il falloit suivre pour y parvenir.
De ces paroles il est facile de connaître combien les Scéniques ou Histrions étaient différents des Tragédiens : car ceux qui récitaient les Tragédies ne dansaient ni ne chantaient, et ces deux choses ne convenaient qu'aux Chœurs ; Mais ceux qui par leurs danses exprimaient les actions des Héros avec cette Musique impétueuse, et quelquefois en prononçant des vers, étaient les Mimes et Pantomimes que ce Philosophe nomme Scéniques par opposition formelle au Chœur de la Tragédie, qui faisait partie de la troupe des Tragédiens, à la société desquels les Mimes n'étaient point reçus. […] D'où l'on peut conclure assurément que si on les a mises sur le Théâtre aux Jeux Scéniques, c'était pour en varier le divertissement, et les rendre plus pompeux ; Et comme elles ne leur étaient pas attachées de nécessité, le nom de Scéniques ne leur a jamais convenu que par analogie, et seulement parce qu'elles étaient représentées dans le lieu nommé Scène ou Théâtre, autrement il les faudrait aussi nommer Megaliennes, Romaines, et du nom de tous les Spectacles, dans lesquels elles étaient données au peuple.
On y voit de l’amour, j’en conviens ; mais il serait à souhaiter que tous les amours de Théâtre, et que toutes les Scènes des Amants ne s’éloignassent point de la Méthode qu’on observe dans les Femmes Savantes. […] Les mœurs des hommes en général sont l’objet naturel de la Comédie qui les critique pour les corriger ; mais il y a pourtant une espèce de mœurs, que la Comédie ne saurait peindre sans se dégrader, et qui n’appartient qu’à la farce ; si l’on savait traiter comme il faut la bonne critique, et distinguer ce qui convient à la farce, on ferait des ouvrages fort utiles à la République.