Si ces deux poëtes immortels, d’une analogie si frappante pour le caractère de leur esprit & la délicatesse de leur conscience, eussent déposé leurs scrupules dans le sein d’un casuiste, tel que le P. […] L’apologiste du théâtre termine sa lettre par cette réflexion : « D’autres que vous me feront peut-être un crime d’avoir suivi l’opinion la plus favorable, & m’appelleront casuiste relâché, parce qu’aujourd’hui c’est la mode d’enseigner une morale austère, & de ne la pas pratiquer : mais je vous jure, monsieur, que je ne me suis pas arrêté à la douceur, ou à la rigueur de l’opinion, mais uniquement à la vérité. » Un prêtre, un religieux, qui entreprend de laver le théâtre de son ancien opprobre, étoit capable de rassurer bien des consciences : mais le P. […] Cromwel, sans périr sur la scène, mais toujours tourmenté par sa propre conscience, toujours environné de spectres, toujours défiant & livré à une agitation plus cruelle que la dissolution même de son être, ne seroit-il pas un sujet théâtral ?
En effet, il ne faut pas attendre de l’homme qu’il réprime ses injustes penchants, ni qu’il renonce à ses plaisirs, quand nul motif ne l’engagera à se faire ces violences : il ne se mettra guère en peine de la vertu, si elle est sans récompense : la voix de la conscience ne l’inquiétera guère, si ce n’est qu’une idée en l’air, un fantôme, un effet de la mélancolie.
Et, sans aller si loin, vous savez bien que vous-même vous vous en confessez, parce que vous ne pouvez étouffer le remords de votre conscience qui vous en reprend ; mais vous vous en confessez en vous moquant de Dieu et de votre confesseur, puisque vous avez volonté d’y retourner une autre fois, quand l’occasion s’en présentera.