Il ne faut donc pas que notre Docteur prononce si souverainement que Saint François de Sales n’a point interdit l’usage de la Comédie, puisqu’il le rend comme impraticable par les conditions qu’il demande ; et que d’ailleurs il en dit assez pour en détourner tout à fait les Ames un peu chrétiennes. […] Or il est aisé, à ce qu’il dit, de faire voir qu’aucune de ces conditions ne manque à la Comédie d’aujourd’hui, et que par conséquent elle est bonne et entièrement permise. » Suivons-le jusqu’au bout, et en supposant avec lui qu’il ne faut que ces trois conditions pour supporter les Comédies, quoique saint François de Sales en ait demandé bien d’autres, voyons quel est l’examen qu’il en fait, et dont il nous fait fête par avance. Quant à la première condition ; il croit, dit-il,« avoir suffisamment prouvé que les Comédies d’aujourd’hui sont châtiées et exemptes de toute action et de toute parole déshonnête ». […] Et par là on voit qu’il est impossible que la gravité et l’harmonie de l’âme ne se perde point dans les Spectacles : ce qui est néanmoins la seconde condition que saint Thomas demande dans l’usage des jeux, et que notre Docteur s’efforce d’ajuster au Théâtre. Passons avec lui à la troisième condition, qui consiste à prendre garde aux circonstances des temps, des lieux et des personnes.
Lorsqu’après avoir admiré une Muse qu’éleve le Cothurne, & qui porte le Sceptre & la Couronne, on voit sa Compagne en brodequin, qui n’a d’ornemens que son Masque, on est porté à la mépriser : elle a donc un merite très-rare, quand malgré la bassesse apparente de sa condition, & la simplicité de son langage, elle parvient à se faire admirer. […] Lorsque dans les Plaideurs, le Portier du Juge vante sa condition, parce qu’on n’entroit pas chez son Maître sans graisser le marteau, & qu’il ajoute, Il est vrai qu’à Monsieur, j’en rendois quelque chose, Nous comptions quelquefois, ces derniers mots dits sérieusement, font rire du Portier & du Juge.
Honorius et Arcadius importunés par le Peuple en ordonnèrent le rétablissement, par une Loi du vingt-quatre Avril 396. mais à « condition de n’y rien représenter qui put blesser la pudeur, ou qui fut en quelque autre manière contre les bonnes mœurs. » LeL. 2. […] Par cette même Loi, pour ne pas jeter le Peuple dans la tristesse, par une trop grande austérité sur cette matière des spectacles, ne ex nimia harum restrictione tristitia generetur ; ils permirent la représentation des autres jeux, à condition d’en retrancher toutes sortes de licences contraires à l’honnêteté, et aux bonnes mœurs.