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55. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-huitieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre IV. Henri IV. » pp. 121-168

Ce n’est ni la place, ni les propos, ni les arrangemens d’un grand général, au moment critique d’un combat qui doit décider du sort de la France. […] Le Roi oublie le combat qui va se livrer, pour écouter les propos de ces amans, & suivre le fil de cette intrigue. […] Pendant tout ce temps le théatre demeure vuide, comme si tout le monde étoit allé se battre ; la scène ensuite est dans le silence, comme si l’on attendoit la nouvelle de l’évenement du combat. […] Si, au milieu des combats & des victoires, vous le faites chanter, danser, boire rasade, placer une cocarde, caresser une paysanne, vous en faites un imbécile : c’est un général à la tête de ses troupes, en bonnet de nuit & en robe de chambre. […] Sully, au contraire, aussi capitaine que soldat, aussi politique que guerrier, a assiégé & emporté plusieurs villes fortes, & fait gagner trois batailles, s’est trouvé dans un grand nom-nombre de combats, en est sorti avec avantage & beaucoup de gloire.

56. (1700) IV. Sermon des spectacles, comedies, bals, etc. [Sermons sur tous les sujets de la morale chrétienne. Cinquiéme partie] « IV. Sermon des spectacles, comedies, bals, &c. » pp. 95-126

D’autrefois c’étoit des tournois & des combats, qui devenoient de veritables Tragedies, par les funestes catastrophes qui en faisoient l’issuë. […] Je vous avertiray seulement, que je ne comprends point entre ces spectacles dangereux & préjudiciables à l’innocence des spectateurs, ces réjoüissances publiques qui se font aux Entrées des Souverains, ou par l’ordre des Magistrats, pour les heureux succez de l’Etat, ni les marques de magnificences, que les Princes donnent quelquefois au public ; telles que sont les courses de Bague, Carrousels, representations de combats, feux d’artifice, triomphes, ni tous les autres dont la vûë n’a rien qui puisse porter au crime, & dont même les personnes de pieté ont pris occasion d’élever leur esprit à Dieu, & de penser aux joyes que Dieu leur avoit preparées dans le Ciel, S. […] non, encore une fois ; car comme la plûpart des veritables vertus, qui sont celles de l’Evangile, n’y peuvent trouver de place, & que ce seroit un Heros d’un caractere bien nouveau, d’y representer un homme patient, humble, insensible aux injures, & en un mot, un veritable Chrétien ; on a substitué de fausses vertus, pour exprimer, & pour exciter ces sentimens que le monde appelle nobles & genereux ; le point d’honneur, pour lequel on expose sa vie dans un combat singulier, la passion de dominer, & de s’élever par toutes sortes de voyes, des fourberies, des trahisons, des perfidies, des amitiez qui engagent dans le crime pour servir un amy ; on y voit enfin couronner le vice, authoriser l’injustice par d’illustres exemples, & les maximes les plus contraires à la Religion, passer pour de grandes vertus, & pour des exploits signalez, sans quoy le Theâtre languiroit ; il faut donc pour l’animer, y representer des choses conformes au goût & aux inclinations des spectateurs. […] Or c’est ce que nos spectacles, tout innocens qu’on les croit, ont de commun avec ceux des premiers temps, contre lesquels les saints Peres se sont récriez avec tant de force ; aussi pressoient-ils cette raison, quand on leur alleguoit que tous les spectacles n’étoient pas criminels, qu’il y avoit des jeux, des combats de Lions contre d’autres bêtes feroces, des courses de chevaux, & des Tournois qui étoient plus innocens que nos bals & nos comedies : ces Peres répondoient, qu’ils étoient toûjours dangereux à un Chrétien, qui y reprenoit insensiblement l’esprit du siecle, qu’on ne revenoit pas si facilement de la dissipation d’esprit où l’on s’étoit jetté, en se permettant ces divertissemens trop mondains, & que les personnes de pieté devoient s’en éloigner comme d’un écueïl funeste à la dévotion.

57. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien troisieme. Le danger des Bals & Comedies découvert par l’Auteur des Sermons sur tous les sujets de la morale Chrétienne de la Compagnie de Jesus. » pp. 26-56

D’autrefois c’étoient des tournois & des combats qui devenoient de veritables Tragedies, par les funestes catastrophes qui en faisoient l’issuë. […] Je vous avertiray seulement, que je ne comprends point entre ces spectacles dangereux & préjudiciables à l’innocence des spectateurs, ces réjoüissances publiques qui se font aux Entrées des Souverains, ou par l’ordre des Magistrats, pour les heureux succez de l’Etat, ni les marques de magnificences, que les Princes donnent quelquefois au public ; telles que sont les courses de Bague, Carrousels, representations de combats, feux d’artifice, triomphes, ni tous les autres dont la vûë n’a rien qui puisse porter au crime, & dont méme les personnes de pieté ont pris occasion d’élever leur esprit à Dieu, & de penser aux joyes que Dieu leur avoit preparées dans le Ciel, Si talis est Roma terrestris, quid erit Jerusalem cœlestis ? […] non, encore une fois ; car comme la plûpart des veritables vertus, qui sont celles de l’Evangile, n’y peuvent trouver de place, & que ce seroit un Heros d’un caractere bien nouveau, d’y representer un homme patient, humble, insensible aux injures, & en un mot, un veritable Chrétien ; on a substitué de fausses vertus, pour exprimer, & pour exciter ces sentimens que le monde appelle nobles & genereux ; le point d’honneur, pour lequel on expose sa vie dans un combat singulier, la passion de dominer, & de s’élever par toutes sortes de voyes, des fourberies, des trahisons, des perfidies, des amitiez qui engagent dans le crime pour servir un amy ; on y voit enfin couronner le vice, authoriser l’injustice par d’illustres exemples, & les maximes les plus contraires à la Religion, passer pour de grandes vertus, & pour des exploits signalez, sans quoy le Theâtre languiroit ; il faut donc pour l’animer, y representer des choses conformes au goût & aux inclinations des spectateurs. […] Or c’est ce que nos spectacles, tout innocens qu’on les croit, ont de commun avec ceux des premiers tems, contre lesquels les saints Peres se sont récriez avec tant de force ; aussi pressoient-ils cette raison, quand on leur alleguoit que tous les spectacles n’étoient pas criminels, qu’il y avoit des yeux, des combats de Lions contre d’autres bêtes feroces, des courses de chevaux, & des Tournois qui étoient plus innocens que nos bals & nos comedies : ces Peres répondoient, qu’ils étoient toûjours dangereux à un Chrétien, qui y reprenoit insensiblement l’esprit du siecle, qu’on ne revenoit pas si facilement de la dissipation d’esprit où l’on s’étoit jetté, en se prrmettant ces divertissemens trop mondains, & que les personnes de pieté devoient s’en éloigner comme d’un écueïl funeste à la devotion.

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