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419. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE IV. » pp. 68-81

Ainsi la censure de toute personne attachée au Théâtre étant bien réelle, comme je l’ai fait voir, la Comédie Francoise s’y trouve nécessairement comprise. […] Mais la Comédie Françoise n’est point, Mademoiselle, dans le cas de se plaindre, votre Apologiste a beau crier à l’injustice, on n’est point obligé de l’en croire. […] Voilà l’une des sources du Déisme qui fait aujourd’hui des progrès si rapides : on ignoroit ce monstre, tandis que la bonne Comédie étoit ignorée, le rétablissement de cette partie des Lettres, a fait tomber en décadence la simplicité de la foi ; c’est depuis cette époque fatale à la Religion, que les incrédules se sont tellement multipliés, qu’un étranger arrivant en France, sur-tout dans les grandes Villes, & n’étant pas prévenu, auroit bien de la peine à se persuader que nous habitons un Royaume où la Religion Catholique est la seule tolérée.

420. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — Extrait des Registres de Parlement, du 22 Avril 1761. » pp. 210-223

La question touchant l’Excommunication encourue par le seul fait d’Acteur de la Comédie, sur laquelle il appartient également au Théologien & au Jurisconsulte de donner son avis, (mais qui doit être traitée par l’un ou par l’autre avec autant de sagesse que de lumieres ;) cette Question, disons-nous, est soutenue affirmativement & décidée audacieusement en faveur des Comédiens par la Consultation, fondée uniquement sur les faux principes avancés dans deux Mémoires à consulter, & sur des maximes odieuses, hazardées dans les autres piéces qui la précédent, notamment dans sa Lettre à l’Actrice, conçue en termes les plus outrés & les plus scandaleux : l’uniformité du stile, la répétition fréquente d’expressions singulieres, l’adoption des mêmes idées à sa propre Lettre, font connoître évidemment que le tout est l’Ouvrage du même homme, suivant qu’il en a été convaincu dans la premiere Assemblée. […] C’est une critique indecente de tout ce qui condamne la Comédie & frappe sur les Acteurs. […] On fait la comparaison blasphématoire de la Comédie, non-seulement avec les Panégyriques des Saints, dans la Chaire, mais encore avec les Cérémonies de l’Eglise dans la Semaine Sainte, & à l’usage de certaines Eglises où la Passion est chantée à trois voix.

421. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Neuvième Lettre. De la même. » pp. 233-241

Presque toutes les Villes un peu considérables ont déja un Théâtre : il ne s’agirait plus que de quelques Décorations, objet peu dispendieux pour nos Comédies ordinaires. […] Les Ouvriers qui buvaient le Dimanche, quelquefois le Lundi, & qui par-là se trouvaient hors d’état de travailler le Mardi, vont aujourd’hui à la Comédie : ils en retirent cet avantage, que lorsqu’ils buvaient, ils perdaient tout le jour ; au lieu qu’à présent, ils travaillent courageusement le matin, & ne donnent au Spectacle que quelques heures de l’après-midi ; temps le moins précieux, sur-tout en hiver, où l’on est obligé de se servir de chandelle. […] Je trouverais bien un autre inconvénient dans ce goût des Spectacles devenu trop commun : c’est que les Grands dédaigneront peut-être de le partager avec le Peuple : alors plus de chef-d’œuvres à espérer dans le Dramatisme ; plus de grands Acteurs, dans le Mimisme ; la Comédie retournerait sur les tréteaux : car, qui voudrait écrire pour le peuple ?

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