Ils ont encore moins de droit de solliciter la destruction de ce charmant spectacle, le seul où ils puissent prendre des leçons de chant et de goût, et où leurs compositeurs puissent se former. […] Rousseau, Dict. de musique, édition in-8°, tome 2, page 11, lui auroit appris « que nome signifioit chez les Grecs tout chant déterminé par des regles qu’il n’étoit pas permis d’enfreindre : tels étoient le nome Lydien, le nome Phrygien, etc., etc. ».
L’Opéra étant un Spectacle aussi dispendieux qu’inutile aux mœurs, dangereux en lui-même, par ses chants, sa morale & sur-tout par ses Actrices ; qui ne peut qu’exciter la tempête de toutes ces passions fougueuses dont le mouvement règlé fait le bonheur & la vertu du sage : il ne doit être toléré qu’en tant qu’il est propre à montrer le goût de la Nation, dans les Arts capables d’exciter l’admiration des Etrangers, de les attirer à la Capitale, & de verser dans l’Etat une portion de richesse : & comme il est à présumer que les raisons qui portent le Gouvernement à le protéger ne sont autres que celles qu’on indique ici, on est bien éloigné de les combattre. […] Sans la vérité, point de Drame : une Tragédie lyrique peut être nonvraie ; lorsque ses Acteurs font oublier le fond par les accessoires ; qu’ils sacrifient, comme les Italiens, la vérité à la beauté du chant ; qu’ils s’amusent dans la passion, à perler des cadences, on ferme les yeux sur tout cela ; mais une Pièce de déclamation doit avoir la vérité des mœurs, soit passées, soit actuelles : des situations suffisent pour l’Opéra, & ses Héros peuvent rester noncorrigés ; les seules inconvénances que le Drame lyrique doive absolument éviter, sont celles des Danses & de la Musique : mais une Tragédie, une Comédie, doivent, ou nous toucher par de bonnes actions, ou nous éclairer, au moyen des mauvaises, sur les vices à éviter. […] La Musique fait de deux fortes de peintures, de physiques, lorsqu’elle imite le chant des oiseaux, le siflement des vents, les tempêtes &c. […] Aussi lorsque je considère l’agrément des voix & du chant, le charme des Danses, la forme des habits, &c. je ne trouve nulle part ce que j’ai nommé l’Actricisme, dangereux comme à l’Opéra. […] Parce qu’on y réunit deux choses incompatibles, dans un personnage qui n’est pas fou, le chant & la parole.
Saint Basile au commencement de son Homélie 4. sur l’Hexaméron, parle des chants de musique dont on se servait dans les spectacles, qu’il dit être fort dangereux S. […] » expliquant ces paroles du chap. 5. de Saint Matthieu, Celui qui voyant une femme concevra un mauvais désir envers elle, a déjà commis le péché dans son cœur ; ce Père parle du danger qu’il y a d’assister à la Comédie, par rapport aux femmes qui paraissent sur le Théâtre. « Si une femme négligemment parée, dit-il, qui passe par hasard dans la place publique, blesse souvent par la seule vue de son visage celui qui la regarde avec trop de curiosité ; ceux qui vont aux spectacles, et non par hasard, mais de propos délibéré et avec tant d’ardeur, qu’ils passent un temps considérable à regarder des femmes infâmes, auront-ils l’impudence de dire qu’ils ne les voient pas pour les désirer, lorsque leurs paroles dissolues et lascives, leurs voix et leurs chants impudiques, les portent à la volupté ? […] Si la chaussure de Judith fut capable de ravir les yeux et le cœur d’un homme guerrier, que fera le visage, la taille, la bonne grâce, la danse, le chant d’une femme qui n’a point d’autre dessein que de paraître belle, et de plaire pour attirer plus de monde à la Comédie. […] » : « Lorsque vous voudrez, dit-il, vous relâcher l’esprit, vous pourrez prendre beaucoup d’autres divertissements que ceux des spectacles : vous pourrez vous aller promener dans des jardins, ou sur le bord des ruisseaux et des rivières, vous pourrez réjouir votre vue par la beauté de la campagne, vos oreilles par le chant des oiseaux ; vous pourrez visiter les Temples : tout cela contribuera à votre santé ; et ce qui servira à vous divertir agréablement, vous sera un grand avantage pour l’âme : car vous ne souffrirez aucun dommage, vous n’en aurez aucun chagrin ni aucune tristesse.