Il a toujours voulu le quitter pour faire son salut, mais ne savoit comment briser les liens dont l’habitude, le besoin, les liaisons de famille, le goût du plaisir, le tenoient enchaîné. […] On n’a pas besoin d’apprendre à sentir une passion que la nature n’inspire que trop ; mais on a extrêmement besoin d’apprendre à la réprimer. […] Il est vrai que dans ce siecle le goût du spectacle est extrême ; non-seulement on y mène les jeunes gens, mais on les forme dès l’enfance à la déclamation théatrale, comme faisant partie de la bonne éducation, on joue des pieces dans les Collèges, les Séminaires, les Couvents, chez les Seigneurs, chez les Bourgeois, & par une inconséquence de conduite incroyable les mères les plus sévères, qui ne vont ni ne laissent aller leurs filles à la comédie, y assistent & leur laissent voir représenter sur les théatres de société les pieces de Moliere, & même des parades plus licentieuses que la comédie publique, comme si c’étoient les murs, les décorations, les habits, qui méritent leur censure, non les pieces où se trouve le plus grand danger, & qui ont le plus besoin de réforme, pour en faire un divertissement innocent & même instructif. […] De ces cinquante-trois pieces il a d’abord mis celles qu’il approuve, seize tragédies & cinq comédies, dont quatre de Moliere, ensuite celles qui ont besoin de correction, & qui corrigées peuvent être jouées ; douze tragédies & 16 comédies, dont deux de Moliere ; enfin celles qu’il croit incapables de correction & qu’il livre aux flammes.
Un Chrétien, s'il en est au théâtre, a-t-il besoin de masque pour sentir qu'il y est réellement au milieu des démons et des furies ? […] Ces forfaits sont trop noirs, trop rares, trop difficiles, trop périlleux, pour avoir besoin de leçons et de menaces. […] Tous les sens sont flattés au théâtre, et toutes les puissances de l'âme occupées à en goûter le plaisir ; mais je ne vois aucun rapport entre nos sens et nos facultés avec cette division arbitraire, seulement consacrée par l'usage, et vraisemblablement appropriée à la mesure de notre attention, qui a besoin d'interruption et de repos, après la durée d'un acte, et qui ne pourrait se soutenir, sans nous incommoder, après cinq actes. […] De belles femmes, qu'apparemment ils persécutent, pleurent sans cesse, et font des gestes de désespoir qui n'ont pas besoin de paroles pour faire connaître l'excès de leur douleur. […] Que cette nation est à plaindre, si elle a besoin de l'horreur du vice pour se conduire à la vertu !
Peut-être que, les tenant à soi par d'autres liens, il néglige maintenant de se servir de ceux-là qui sont plus visibles ; mais s'il en a besoin pour les perdre, il ne manquera pas de les employer.