L’art de la perspective n’a aucun rapport avec le sujet que je traite. […] Quelles soient variées, quelles fassent contraste, que chaque Acte ait la sienne particulière ; le Poète sera déclaré un des plus habiles de son art ; & je lui réponds d’un succès prodigieux. […] Sophocle a suivi cette règle trop dédaignée, avec un art infini dans son Electre.
C’est là que la volupté entre par tous les sens, que tous les arts concourent à l’embellir, que la poésie ne rime presque jamais que l’amour et ses douceurs ; que la musique fait entendre les accents des passions les plus vives ; que la danse retrace aux yeux ou rappelle à l’esprit les images qu’un cœur chaste redoute le plus ; que la peinture ajoute à l’enchantement par ses décorations et ses prestiges ; qu’une espèce de magie nous transporte dans les pays des fées, à Paphos, à Cythère, et nous fait éprouver insensiblement toute la contagion de l’air impur qu’on y respire ; c’est là que tout nous dit de céder sans résistance aux attraits du penchant ; c’est là que l’âme amollie par degrés perd toute sa force et son courage ; qu’on languit, qu’on soupire, qu’un feu secret s’allume et menace du plus terrible embrasement ; que des larmes coulent pour le vice, qu’on oublie ses vertus, et que, privé de toute réflexion, réduit à la faculté de sentir, lié par de honteuses chaînes, mais qui paraissent des chaînes de fleurs, on ne sait pas même s’indigner de sa faiblesseau. » Aussi Riccoboni, auteur et comédien tout à la fois, après être convenu que, dès la première année qu’il monta sur le théâtre, il ne cessa de l’envisager du mauvais côté, déclare qu’après une épreuve de cinquante années, il ne pouvait s’empêcher d’avouer que rien ne serait plus utile que la suppression entière de tous les spectacles. […] « Si Lully a excellé dans son art, dit Bossuet8, il a dû proportionner, comme il l’a fait, les accents de ses chanteurs et de ses chanteuses à leurs récits et à leurs vers. […] C’est un art agréable, et même ses triomphes sur nos organes sont quelquefois salutaires.
Lisez surtout l’Art poétique de l’illustre M. […] Il y a encore quelques termes de l’Art dont il faut d’abord vous donner quelque idée, et dont je vous parlerai plus au long et plus en détail dans la suite. […] Pour exciter ce sentiment dans le cœur du spectateur, il faut que le Poète amène avec art les aventures de son Héros ; et que la perfidie de ceux qui lui sont unis par les liens du sang, de l’amitié, ou de l’amour, le fassent tomber dans le malheur. […] L’emploi du Poète est tout différent ; il doit se servir de tout son esprit, et mettre en œuvre toutes les règles de son art, pour jeter le trouble dans l’âme des spectateurs, qui entrent dans tous les sentiments du Héros que l’on expose sur la scène, soit que sa destinée soit heureuse, ou malheureuse. […] Aristophane, qui excella en son Art, s’en prévalut, et en abusa peut-être, pour exposer le pauvre Socrate à la risée des Athéniens, qui le condamnèrent enfin à boire de la Ciguë, quoiqu’il fût le plus sage, et le plus homme de bien de leur République.