Quand une intrigue est débrouillée, quand les personnages n’ont plus rien à désirer, l’art & le bon sens ne veulent-ils pas que tout soit entièrement achevé ? […] J’ai déjà observé qu’il faut un grand art pour amener le Vaudeville à la fin des Pièces(64). […] C’est donc envain que les Français éxcellent dans l’art de tourner un Couplet ? […] Le Musicien, trop rempli du génie de son Art, manque quelquefois aux prémiers principes de la Langue. […] Elles donnent lieu d’accuser le Compositeur, quelque habile qu’il soit, d’ignorer une langue que son art devrait embellir.
L’intelligence, on le sçait, est le premier, le plus essentiel des talens pour tout homme qui veut se distinguer dans les Sciences & dans les Arts. […] C’est à ces traits d’indépendance & de souveraineté qu’on reconnoit l’intelligence propre aux Sciences & aux beaux Arts. […] En privant le Comédien du mérite de l’analyse, de la discussion, des finesses de l’art, des coups de théâtre, & d’une intelligence supérieure ; nous ne faisons que le rendre à lui-même. […] L’art de l’Acteur est une imitation. […] Il semble que le Comédien ne puisse atteindre la perfection de son art, qu’en s’oubliant entièrement soi-même ; qu’en ne mettant rien du sien dans son jeu ; qu’en ne montrant dans tous ses mouvemens qu’une copie continuelle.
Le premier principe sur lequel agissent les Poètes tragiques et comiques, c’est qu’il faut intéresser le spectateur, et si l’auteur ou l’acteur d’une tragédie ne le sait pas émouvoir et le transporter de la passion qu’il veut exprimer, où tombe-t-il, si ce n’est dans le froid, dans l’ennuyeux, dans le ridicule, selon les règles des maîtres de l’art ? […] Poët. versu 105 [Horace, Art Poétique, vers 105]. […] Quelle erreur de ne savoir pas distinguer entre l’art de représenter les mauvaises actions pour en inspirer de l’horreur, et celui de peindre les passions agréables d’une manière qui en fasse goûter le plaisir ? […] Dites encore, que les discours, qui tendent directement à allumer de telles flammes, qui excitent la jeunesse à aimer comme si elle n’était pas assez insensée, qui lui font envier le sort des oiseaux et des bêtes que rien ne trouble dans leurs passions, et se plaindre de la raison et de la pudeur si importunes et si contraignantes : dites que toutes ces choses et cent autres de cette nature, dont tous les théâtres retentissent, n’excitent les passions que par accident, pendant que tout crie qu’elles sont faites pour les exciter, et que si elles manquent leur coup, les règles de l’art sont frustrées, et les auteurs et les acteurs travaillent en vain. […] Poët. versu 105 [Horace, Art Poétique, vers 105].