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158. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE II. Le Théâtre purge-t-il les passions ? » pp. 33-54

Le même la Mothe, dans l’Ode sur la fuite de soi-même, cherche un homme, comme Diogène, et demandant où l'on peut le trouver, dit : « Le chercherai-je aux théâtres, Vive école des passions, Qui charment les cœurs idolâtres De leurs vaines illusions, Où par des aventures feintes, On nous fait à de fausses plaintes Prendre une véritable part, Où dérober l'homme à lui-même Fut toujours le talent suprême Et la perfection de l'art ?  […] Quoiqu'il en soit, le théâtre n'est que le règne des passions, l'art du théâtre n'est que l'art de les exciter, pour en faire goûter le plaisir. En cela l'art dramatique est différent de l'éloquence, qui enseigne aussi à remuer les passions. […] C'est donc proprement en matière de galanterie, l'Art d'aimer d'Ovide mis en œuvre, et dans les autres vices c'est l'affreux ouvrage trouvé dans les papiers de la Brinvilliers, heureusement brûlé avec elle, l'Art des poisons, ou, si l'on veut, le livre de Frontin, un recueil des stratagèmes de guerre pour faire réussir tous les crimes, favoriser toutes les passions, ménager toutes les intrigues, traverser tous les pères, maris et maîtres, et goûter librement tous les plaisirsj.

159. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre treizieme « Réflexions morales, politiques, historiques,et littéraires, sur le théatre. — Chapitre [V].  » pp. 156-192

Le galant Ovide dans l’art d’aimer conseille aux amans de profiter de ce mêlange pour chercher une maîtresse, ou pour lui parler librement. […] De tous ces termes de l’art on doit excepter le mot Spectacle. […] L’art de l’empoisonner en fait tout le mal. […] L’art d’embélir est une profonde politique, & une savante algèbre. […] Quel art ne demande pas la distribution du coloris ?

160. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE IX. Défauts que les Etrangers ont coutume de reprocher à notre Tragédie. » pp. 231-259

On ne peut attribuer cette sagesse du premier & du plus grand des Poëtes qu’à l’idée qu’il se fit de son Art : il sentit que les descriptions amusantes, badines, voluptueuses, ne pouvoient trouver place dans la Poësie Epique, où tout doit être grand, sérieux & utile. […] Si nos premiers Poëtes eussent connu leur Art, ils eussent pensé tous, qu’un Poëme dont l’objet est d’exciter la plus grande émotion, ne devoit point prendre pour Passion ordinaire, celle qui ne cause ordinairement qu’une foible émotion : mais aucun de nos premiers Poëtes Tragiques n’avoit, comme je l’ai dit plus haut, étudié son Art : ils ne songeoient qu’à satisfaire le goût de leurs Spectateurs. […] Instruit des vrais principes de son Art, nourri dès son enfance des Poëtes Grecs, obligé cependant de se conformer au goût de son siécle opposé au sien & à ses lumieres, quel parti pouvoit-il prendre ? […] Il n’est pas étonnant qu’on l’accuse en Italie d’avoir mis à la mode dans notre Tragédie, le langage amoureux, puisque dans le pays où il doit être mieux connu, tant de Personnes s’imaginent que ce langage étoit toujours le sien, qu’il ne faisoit ses Tragédies que pour faire valoir une Actrice, dont il étoit l’esclave, Actrice cependant qui n’eut jamais (comme j’en suis certain) aucun empire sur lui, & qu’on se représente parlant d’Amour parmi les femmes, un homme qui uniquement occupé de l’étude de son Art, passa avec les Poëtes Grecs le tems de la vie où les passions sont les plus vives.

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