Les Poètes Dramatiques dignes d’écrire pour le Théâtre, ont toujours regardé l’obligation d’inspirer la haîne du vice, & l’amour de la vertu, comme la première obligation de leur art. […] Une Tragédie qui donnerait du dégoût des passions utiles à la Société, telles que sont l’amour, l’amour de la partie, l’amour de la gloire, la crainte du deshonneur, serait aussi vicieuse qu’une Tragédie qui rendrait le vice aimable. On ne saurait blâmer les Poètes de choisir pour sujet de leurs imitations les effets des passions qui sont les plus générales, & que tous les hommes ressentent ordinairement : or de toutes les passions, celle de l’amour est la plus générale ; il n’est presque personne qui n’ait eu le malheur [ou le bonheur, c’est selon] de la sentir, du moins une fois en sa vie.
L’amour, l’amour paternel, l’amour filial, l’amitié, le respect, l’humanité & la commisération : Tout cela trouve-t-il dans le monde son caractére & ses traits ? L’amour y a-t-il sa délicatesse & sa pûreté ? […] L’amour ainsi présenté choque toujours & refroidit, loin de plaire & d’amuser. […] La férocité ne tient point aux accens d’un amour délicat ; les sanglots, subjuguent le plus inhumain. […] En fait d’amour l’exemple est impuissant, les leçons sont vaines, les maximes inutiles.
Afin de réunir ensemble tous les Dramatiques Latins ; Sénèque est chaste dans son langage, et laisse ordinairement l’amour à quartier. […] Aussi, décline-t-il, pour user de ses termes, la juridiction de l’amour dont il blâme hautement les intrigues. […] Car en premier lieu ; c’est un fait que les Poèmes d’Aristophane ne roulent jamais sur l’amour ; bien qu’il n’ait composé que des Comédies. […] L’Amour Désintéressé. L’Amour Triomphant etc.