Les philosophes n’aiment pas plus les juifs que les chrétiens ; ils ne veulent point de religion révélée, ils combattent les livres de Moïse, des prophetes, les cérémonies. […] Il faut bien même un peu jaboter à la grille ; Une religieuse aime à prélatiser. […] Ici je lui dis rondement, Dussiez-vous vous fâcher, Monseigneur, je vous aime, Et je vous le dis tout de bon. […] Je vois bien, ma chere Lisette, Que vous aimez les tête-à-tête. […] J’aime à descendre du donjon, Voir mes gens en robe de chambre, Et sans tous ces airs de glaçon Qu’inspire le mois de décembre.
Quoique Aristote son disciple aimât à le contredire, et qu’une philosophie plus accommodante lui ait fait attribuer à la tragédie une manière qu’il n’explique pas, de purifier les passions en les excitant (du moins la pitié et la crainte) il ne laisse pas de trouver dans le théâtre quelque chose de si dangereuxPolit. 7. 17. […] , que « l’action suit de près le discours, et qu’on se laisse aisément gagner aux choses dont on aime l’expression »: maxime importante dans la vie, et qui donne l’exclusion aux sentiments agréables qui font maintenant le fond et le sujet favori de nos pièces de théâtre.
Le Misanthrope dont nous venons de parler, n’est pas une Pièce où cette passion paraisse avec les défauts contre lesquels je me suis si fort révolté ; les Amants de la Coquette aiment plutôt en petits Maîtres et en étourdis, qu’en hommes véritablement amoureux : Célimène fait son métier, et le Misanthrope, quoique passionné, traite l’amour suivant son caractère qui influe beaucoup sur sa passion, ce que le grand Molière n’a pas négligé en travaillant : je cherchais donc dans une Comédie un de ces excès de la passion d’amour qui portent les Amants à tout tenter pour se satisfaire : qui les rendent aveugles : en un mot un de ces excès qui font regarder les Amants comme des insensés, et qui leur attirent tout à la fois l’indignation et la compassion des Spectateurs, et je l’ai trouvé à la fin. […] Clitandre aime Henriette dans toutes les règles de la bienséance ; il la demande en mariage à son père qui la lui accorde, et la mère seule y forme une opposition, parce qu’elle veut la marier à un autre. […] LES PRÉCIEUSES Ridicules, La Préface que Molière a mise à la tête de cette Pièce m’a toujours surpris : ce n’est pas que je soupçonne sa bonne foi ; mais il me semble qu’il affecte un peu trop de modestie en doutant du succès que ces Précieuses Ridicules devaient avoir à l’impression ; car s’il dit vrai, il a certainement grand tort : j’aime donc mieux croire qu’il connaissait fort bien tout le mérite de sa Pièce et que la politique le faisait parler ainsi, du moins autant que la modestie. […] Malheureusement les Poètes ont pris un autre chemin, qui sans contredit s’éloigne infiniment du but de la farce, et qui cependant réussit quelquefois, parce qu’ordinairement leurs Pièces sont pleines de traits de médisance sous le nom de critique ; Et par la raison que la passion d’amour la plus irrégulière plaît sur le Théâtre aux Spectateurs corrompus, de même la médisance ou la satyre y et applaudie et y fait rire, à cause de la méchanceté du cœur humain qui n’aime que trop à entendre déchirer son prochain.