Platon donc a disputé selon la coutume [car il n’affirmait rien ainsi qu’il est aisé de voir en toutes ses œuvres] et aima mieux chasser de sa République les joueurs de farces, que les Poètes, de peur qu’il ne lui advînt, ce qui advint à Cadmus et Plut. en la vie de Thesee.
« Le jeu des passions saisit le spectateur ; Il aime, il hait, il pleure, et lui-même est acteur25. » L’opinion qu’ont eue de la profession de comédien les peuples anciens ou modernes, a donc dû nécessairement être toujours la même ; c’est-à-dire, qu’on a dû l’estimer ou la mépriser à raison du bien ou du mal qu’elle pouvait produire en politique ou en morale. […] Mais ce n’est pas à cela que se borne le danger que présente cette pièce ; considérez, le persiflage affreux dont y sont l’objet direct, la bonhomie du père d’Adèle, la simplicité, la gaucherie de sa fille, qui, novice encore dans l’art d’aimer, et si originalement placée au milieu d’une société de francs libertins, développe si naïvement les affections de son cœur, épris de son cher petit cousin : enfin voyez avec quelle indécence, au milieu des plus sanglantes plaisanteries, on usurpe l’autorité paternelle du pauvre Bertrand, dont on retient la fille en chartre privéeag, et qu’on réduit à chanter si inutilement : « Je vais élever la voix : Dans peu nous verrons, j’espère, Si l’on peut ainsi d’un père Méconnaître tous les droits. » Qu’on me dise donc ce que, dans tout ceci, l’on peut trouver et de bien moral et de bien instructif. […] Mais j’aime à me réformer à cet égard, et la nécessité de le faire pour rendre justice à la vérité, est d’un présage heureux pour les amis sincères de la religion et doit les consoler. […] A la seule conférence de Saint-Sulpice, dirigée par des ecclésiastiques d’un savoir prodigieux, d’un talent bien rare pour la parole, et dont j’ai rencontré peu d’exemples encore, il est presque toujours impossible de pénétrer si l’on ne peut prévenir cette foule de jeunes auditeurs dans le local assez vaste où ils se rassemblent, mais beaucoup trop resserré pour le grand nombre de ceux qui aiment à voir pulvériser, avec tant de force et de vérité, les frêles arguments de nos déistes ou de nos athées contre la religion catholique.
Tout son livre n’est en effet qu’un épanchement de cœur & d’imagination, qui s’entretient de ce qu’il aime.