c’est un acte de générosité : ne doit-on rien à ceux qui s’immolent au préjugé, pour nous faire passer des momens délicieux, & tempérer, par d’utiles plaisirs, l’amertume de la vie ? […] A ces mots, émue, attendrie, je ne me suis plus crue sur la Scène : j’ai vu mon époux : j’ai pris un ton conforme à l’agitation de mon cœur : je m’efforçais de retenir mes larmes ; mais on voyait, on sentait ces efforts ; ce n’était pas l’art ; c’était la nature : aussi les applaudissemens qu’on me prodigua, pendant cette scène, par elle-même assez froide, & durant les suivantes, eurent quelque chose de l’enthousiasme ; ils redoublèrent même aux deux dernières de ce premier Acte.
Le Chœur seul y chantait et dansait, pour marquer ordinairement les intervalles des Actes, ou pour donner quelque grâce extraordinaire au Poème ; mais toujours avec la bienséance convenable à ces belles représentations.
Ressource ordinaire à Moliere, comme à Térence, qu’il copie, lorsqu’ils ne savent plus que faire pour finir un dernier acte. […] Elles ne les souffrent qu’après que les filles ont accompli l’âge de vingt-cinq ans, & les garçons celui de trente, après avoir fait trois actes de respect : & chez une nation qui a des principes & une jurisprudence si rigoureuse, on applaudit des spectacles qui tous enseignent constamment aux enfans à secouer dans leurs inclinations & leurs mariages le joug de l’autorité paternelle : L’amour ne connoît personne. […] Pour le consentement des parens, dont la nature, la loi, la conscience, le bien public, l’intérêt du particulier, font un devoir essentiel, non seulement il n’est jamais ni attendu ni demandé, mais l’engagement est toûjours contracté & entretenu à leur insçû, ou contre leurs ordres & leur opposition, contre laquelle on se roidit opiniâtrément, révolte dont on fait un acte héroïque qui forme le nœud de la piece ; & pour tout dénouement bien édifiant & bien instructif pour la jeunesse, on se passe de ce consentement, on l’arrache par force, on le surprend par des mensonges, on trompe par des déguisemens absurdes & sans aucune vrai-semblance, comme sont tous ceux du Théatre Italien, par de faux actes d’un Notaire affidé, par un changement de nom, un parent supposé, &c. que sais-je !