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89. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre IV. Bassesse légale du métier de Comédien. » pp. 75-100

« Les Comédiens, dit ce grand Magistrat, n’ont point d’état légal en France. […] Mais un drap d’or, un vernis de Martin, quatre ou cinq laquais, sont de fort minces titres pour passer l’éponge sur les taches de l’état ; eh qui est plus richement habillé, plus accrédité, plus familièrement admis que les femmes de mauvaise vie ? […] Les courtisanes Grecques étaient en état de bâtir des pyramides, des murailles de ville, des palais de Rois. […] Il décide en ces termes contre les Princes des états de Thalie : « Histriones artem illum publice exercentes quæstus causa inter sordidissimos reputantur. » Le fameux Budé, cet habile Maître des Requêtes (in L. […] L’exécution mercenaire par état, amuser le premier venu pour de l’argent, par des vices et des impertinences, fut toujours la fonction la plus mécanique et la plus vile.

90. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre III. Du Cardinal de Richelieu. » pp. 35-59

C’est une allégorie poétique sur l’état de l’Europe. […] Autre preuve que ce ne fut point une affaire d’état, de religion, de mœurs, quoiqu’ils y fussent les plus intéressés, c’est que le Cardinal payait une pension à Corneille, qu’il aurait dû punir, s’il eût agi par ces vues supérieures : « Il récompensait, comme Ministre, dit Fontenelle, ce même mérite dont il était jaloux comme Poète : ses faiblesses étaient réparées par quelque chose de noble. » Tacite dirait, voilà l’homme jusque dans ce qu’on appelle grand homme, un être plein de contradiction. […] Celui-ci ne le satisfit pas plus que les autres, il en nomma un nouveau, qui refondit tout et mit l’ouvrage dans l’état où nous l’avons, « fort peu différent de ce qu’il était ». […] Comment un Prêtre, un Evêque, un Cardinal, à qui la sainteté de son état et tous les canons de l’Eglise l’interdisent, non content de le tolérer, d’y aller, d’y attirer sa cour, veut-il encore loger chez lui à demeure la source du vice ? […] Leur vie est une comédie perpétuelle, ils passent tous les jours, sans en apercevoir le contraste, de l’Eglise au bal, du sermon à la comédie, d’un service pour les morts à l’opéra, d’une messe pour les calamités publiques aux farces de la foire ; hommes d’état et petits-maîtres, les affaires et le jeu, le tribunal et la toilette, le bâton de commandement et une Actrice, partout jouant leur rôle, licencieux et dévots, riant et pleurant, invoquant Dieu et l’amour, Vénus et les Saints.

91. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Suite d’Anecdotes illustres. » pp. 184-225

Les Jêsuites établis en Prusse, & maintenus depuis leur extinction pour contrarier le Pape, quoique leur ordre soit dans un un état pire que la Pologne, puisqu’il est entièrement détruit ; les Jésuites croyent avec le Roi de Prusse subsister encore malgré la Bulle d’abolition. […] Ce qui met le comble au prodige, elle avoit passé la moitié de sa vie dans les états les plus opposés à la piété & à la grandeur qui ne devoient naturellement la conduire qu’à la frivolité, à la bassesse & au vice ; elle étoit née Protestante, aussi-bien que Montausier, de la famille la plus déclarée contre les Catholiques : d’Aubigné son père se fit enfermer dans une prison de Niord avec sa femme pour ses dérangemens. […] L’Impératrice Reine a destiné un autre fonds à cette dotation, & s’est réservée l’entreprise du théatre qui monte bien plus haut que l’entretien de ces filles, qui dans les atteintes portées à l’état religieux, a bien l’air d’être supprimé ; mais le théatre toujours florissant ne craint point de suppression. […] Louis XIV reçut Cazimire avec honneur, lui donna l’Abbaye de Saint Germain des Prés & des pensions considérables ; il reprit l’état ecclésiastique, mais voulut vivre en particulier. […] Cet établissement consiste à former un mont de piété pour entretenir un grenier d’abondance d’où l’on distribueroit aux pauvres, selon l’avis des Curés pour être rendu l’année suivante dans la saison, avec un petit profit pour l’entretien du fonds, & sans profit pour ceux qui seroient hors d’état de rien payer ; cela vaudroit bien la comédie, de l’aveu même de ses plus grands amateurs qui aimèrent mieux s’en passer pour faire des bonnes œuvres.

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