Le monde est l’Ecole d’un Comédien ; théâtre immense, où toutes les passions, tous les états, tous les caractères sont en jeu. […] Il ne suffit donc qu’il peigne d’après nature ; il faut encore que l’étude approfondie des belles proportions & des grands principes du Dessin, l’ait mis en état de la corriger.
Le précis historique des trois âges des comédiens ; leur état chez les Grecs et les Romains, et leur institution légale en France ; leurs privilèges sur les autres classes de la société, quant à la noblesse ; Leurs droits à exercer leur profession, sans que le clergé soit fondé à exiger leur abjuration et à leur faire le refus de sépulture. […] Cet ouvrage, en précisant les lois civiles et ecclésiastiques dont l’auteur fait l’application, servira de guide aux autorités constituées du royaume, en ce qui regarde leurs droits comme déléguées du prince, et conduira à leur instruction les prêtres qui peuvent méconnaître les obligations qui leur sont imposées par les conciles, en même temps qu’il offrira aux comédiens l’état constitutif et légal de leur profession.
Si néanmoins on s’étoit expliqué en leur faveur, & qu’on les ait declarés libres de toute censure, ils gagnent bien peu à ce privilége ; puisqu’ils sont en état de péché mortel, comme la Troupe Françoise, incapables d’être reçus à la participation des Sacremens, tandis qu’ils perséverent en une profession que j’ai fait voir criminelle de sa nature. […] Je ne connois pas, Mademoiselle, l’état de votre fortune, mais avec autant de célébrité que vous en avez acquise, il n’est pas à présumer qu’une sage retraite vous laissât sans ressource : dans la supposition qu’elle fût suivie de la plus triste indigence, c’est un malheur qui doit moins vous effrayer que votre situation presente ; le Théâtre est un œil qui vous scandalise, vous devez l’arracher1, c’est un pied qui vous porte au péché, vous devez le couper ; car il n’est pas raisonnable de sacrifier la vertu aux richesses, & toutes les douceurs de cette vie sont un très-petit objet, au prix du bonheur de l’autre. Il y a une Providence qui veille à nos besoins essentiels ; celui qui nourrit les animaux, qui habille les fleurs de la Campagne, n’oublie pas une créature qu’il a faite à son image & pour sa gloire ; c’est entre ses bras qu’une Actrice doit se jetter, en renonçant aux secours qu’elle recevoit d’une main criminelle ; le nécessaire ne lui manquera pas : si les délices lui sont enlevés, elle doit s’en consoler, puisqu’elle rentre dans l’état d’où elle n’auroit jamais dû sortir.