Il écrit à son ami Héliodore.
Cet ouvrage est écrit d’un style aisé, libre, simple, d’un homme de Cour que donne l’usage du grand monde plus que l’étude, le travail & même le génie, mais plein de traits hardis & mordans contre tout ce qu’il y a de respectable : le premier y donne du poids, mais le second les décrédite, ils sont préférables à quantité d’autres Mémoires qui ne sont que des romans, il y a réduit en système la morale lubrique ; les principes des actions humaines ne sont pas, selon lui, le vice ou la vertu, la tentation ou la grâce, le bon ou le mauvais usage de la liberté, ce sont les appetits naturels ; les passions ou la raison, le tempérament ou la fortune & l’habitude ; un vrai méchanisme ; distinction peu philosophique, les passions ne sont que les appetits naturels portés à l’excès ; l’un & l’autre effet naturel du tempérament, c’est à quoi il attribue tout ce qui s’est passé dans les événemens qu’il raconte, il suppose dans la Cour de France le système suivi du despotisme absolu dont il attribue le principe à Henri IV, malgré sa popularité souvent poussé trop loin par Richelieu, par Mazarin, & enfin consommé par les Colberts & Louvois & autres Ministres de Louis XIV pendant un long règne qui y a accoutumé pour toujours un peuple foible & docile. […] Le Cardinal Mazarin disoit à Dom Louis de Haro, Ministre d’Espagne : vous êtes heureux, vous avez en Espagne deux sortes de femmes, des coquettes en abondance qui ne songent qu’à plaire à leurs galans, & n’écrivent que des poulets ; quelques femmes de bien attachées à leurs maris & à leurs familles, toutes sont sans ambition, n’aiment que le luxe & la vanité. […] Les Mémoires de Lenet, écrits, avec beaucoup de modération, d’exactitude & de simplicité, fournissent par le détail des intrigues, des fourberies, des révoltes dont ils sont le tissu, le tableau, le plus sombre des Acteurs qui ont joué le plus grand rôle, & des personnages subalternes qu’ils ont entraîné à leur suite. […] Dans un Dialogue de M. de la Dixmerie entre Cromvel & le Cardinal de Richelieu, très-agréablement écrit comme ils le sont tous, on trouve ces mots : Je fis triompher l’Angleterre , dit Cromvel, comme vous fites triompher la France, mais j’avoue qu’il ne me restoit point, comme à vous, assez de temps pour faire de tragédies, ni pour protéger ceux qui en faisoient.
« Il ne nous est point permis à nous autres Chrétiens qui sommes appelés à la possession d’un Royaume éternel ; à nous autres, dis-je, dont les noms sont écrits en la Jérusalem Céleste, d’aller à la Comédie, et de nous amuser à de tels divertissements. […] Je ne m’arrêterai pas ici à ce que dit cet excellent Auteur contre la Comédie ; non plus qu’à ce qu’en a écrit Saint Cyprien : parce qu’il faudrait copier tous entiers les deux beaux traités qu’ils en ont fait. […] Je ne dirai rien ici de saint François de Sales, puisqu’il n’y a qu’à lire ce qu’il a écrit dans sa Philothée, pour être convaincu qu’il est tout à fait opposé à la Comédie. […] Voici comme parle cet illustre Diacre d’Edesse, dont saint Jérôme témoigne que les écrits étaient en si grande vénération dans l’Eglise Grecque, qu’on les lisait publiquement après la sainte Ecriture.