On pourra nier cette conséquence et dire qu’il y avait un milieu entre s’acquitter de tous les devoirs que la religion et les autres vertus prescrivent, et s’abandonner aux désordres de la dernière école, se vautrer dans la fange du vice ; qu’il était possible de garder la pureté de son âme, de rester attaché de cœur aux principes, à la sagesse, à la piété, aux mœurs ; qu’il suffisait, pour éviter la persécution, de s’abstenir des vertus pratiques, en s’isolant des deux partis, en fuyant également les disciples des écoles qui étaient aux prises, et leurs errements, ou leurs exercices et habitudes, etc. […] D’ailleurs, le mal n’aurait été que suspendu, et serait tombé sur la génération suivante qui, privée par là de bons exemples, d’encouragements, ou d’instructions, serait devenue également la proie de l’école dominante de corruption. […] Ne devient-il pas de plus en plus sensible qu’il ne peut être avantageux ou agréable qu’aux disciples de la dernière école de mettre en spectacle, de cette sorte, l’image des vertus qui les inquiètent et les condamnent ; et qu’eux seuls devraient le désirer pour leur vengeance et leur satisfaction ?
Le Théâtre, on le répète, excite les passions ; il en est l’école et comme le berceau. […] « La belle école, s’écrie Cicéron, que la Tragédie et la Comédie ! […] Comment donc des Parents Chrétiens, instruits et convaincus de la sainteté de leur Religion, s’excuseront-ils devant Dieu d’avoir exposé eux-mêmes des enfants élevés avec soin, à perdre dans une telle école le précieux trésor de l’innocence, ou à y apprendre ce que jusque-là ils étaient assez heureux d’ignorer. […] C’est une école et un exercice de vice, qui obligent les Comédiens à exciter et à imprimer en quelque sorte en eux-mêmes des passions vicieuses, pour les exprimer extérieurement par les gestes et par les paroles. […] Qui peut disconvenir que le Théâtre de Molière ne soit une école de vices et de mauvaises mœurs, plus dangereuse que les livres même où l’on fait profession de les enseigner ?
Cet établissement ridicule est dans les mœurs du siecle, où les systêmes d’éducation, & les écoles de toute espece, sont sans nombre, & où l’amour du théâtre porte jusqu’au délire, & fait un objet capital du bien public & de la bonne éducation, & une matiere de premiere nécessité : on en a l’équivalent dans cette multitude de maîtres de danse, de musique, d’instruments ; de déclamation, à la suite des comédiens. Il ne manque que les écoles de femmes galantes, où des actrices émérites & consommées donneroient aux jeunes filles des leçons de coquetterie. Tranquilisons nous, le théâtre y a pourvu, il est lui-même une école où les plus habiles maîtresses forment des dignes éléves. […] Le temps perdu ou les écoles publiques. […] Un mariage, fruit de tant de crimes, est le dénouement ordinaire de ces pieces, ce n’étoit pas la peine de traduire Térence, pour ouvrir aux jeunes gens une pareille école.