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235. (1758) P.A. Laval comédien à M. Rousseau « P.A. LAVAL A M.J.J. ROUSSEAU, CITOYEN DE GENÈVE. » pp. 3-189

Avouez de bonne foi que si vous aviez pu par votre seule accusation inspirer vos sentimens d’aigreur à tout le monde, vous vous seriez dispensé de travailler à prouver que la Comédie ne peut absolument pas être une École de bonnes mœurs. […] « Le Théatre de Moliere, à votre avis, est une école de vices et; de mauvaises mœurs…. […]  » Censeur austere, vous que l’amour de la vérité échauffe, excite, et; transporte ; ô vous zelé défenseur des droits de la simple vertu, répondez : Est-ce de bonne foi et; en suivant les lumieres de votre conscience que vous avez voulu persuader à vos Lecteurs que les Comédies de Moliere sont une véritable école de mauvaises mœurs, et; en avez-vous regardé comme une preuve les applaudissemens que le Parterre donne à la naïve peinture des vices de la societé ? […] C’est une école de talens, elle fait briller l’esprit des uns, en éclairant celui des autres ; en un mot, on peut dire qu’aujourd’hui tous les beaux Arts concourent à l’embellissement de son Théatre ; conséquemment elle excite une noble émulation entre les Artistes, qui ne peut manquer d’être d’une utilité très-considérable pour le public. […] Mais aujourd’hui, le Théatre devenu le fleau du ridicule, des folies, des vices, l’école de la vertu, rendons notre estime et; notre amitié à ceux et; à celles qui se distinguent dans un Art, où pour exceller il faut réunir toutes les qualités du corps, du l’esprit, et; du cœur ; ne voyons-nous pas les personnes les plus augustes par leur naissance, trouver un plaisir bien vif à représenter sur la Scéne ?

236. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre I. Est-il à propos que la Noblesse fréquente la Comédie ? » pp. 3-19

Ce n’est pas apparemment à l’école des Italiens, de l’Opéra, de Molière, de Poisson, de Dancourt, etc. qu’on voudra former les Princes : le beau Mentor que celui du Prince de Tarente dans la Princesse d’Elide de Molière, qui n’emploie son ascendant et sa qualité de gouverneur qu’à lever les scrupules d’un élève plus sage que lui, à lui inspirer de l’amour, et lui en aplanir les routes auprès de sa maîtresse !

237. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Huitième Lettre. De la même. » pp. 100-232

Il y a beaucoup de Pièces, qui ne sont recommandables que par l’intrigue ; ces dernières, à la vérité, punissent le ridicule ; mais elles recompensent l’audace : telles sont l’Ecole des Femmes, l’Ecole des Maris, les Ménechmes &c. cette classe est extrêmement étendue : on invitera les nouveaux Auteurs à ne suivre de semblables modèles, que dans la conduite & non dans les mœurs de leurs Drames ; je voudrais même qu’on cultivât peu le genre où la Comédie n’est qu’un joli Roman dialogué, telle est la Pièce intitulée Amour-pour-Amour, Zénéïde, l’Oracle, les Grâces, le Mariage-par-supercherie, & quelques autres. […] Ceux de l’état ou du Comédisme, que j’ai déja exposés plus haut, sont prévenus par le Réglement : ceux de la personne demandent encore quelques éclaircissemens ; ils sont prévenus comme ceux du Comédisme quant aux mœurs & quant au talent ; les Acteurs que je vais proposer seront honnêtes, formés sur les meilleurs modèles, à l’Ecole du monde, & par les Maîtres de l’Art : je crois pourtant devoir donner encore quelques détails qui seraient déplacés dans les Articles, sur deux parties essencielles de l’Actricisme, l’Habit scénique, & le Débit théâtral. […] Aujourd’hui, la Danse est corrigée comme le Drame ; elle n’est plus que l’école des bienséances & des beaux mouvemens : & cependant les Misomimes tiennent toujours le même langage ; leur zèle amer ne cherche qu’à détruire ; tout ce qu’ils voient leur déplaît ; ils n’approuvent que ce qui n’est plus.

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