Ce seroit, ou ne pas sçavoir la force de ces objets, ou ignorer la foiblesse de nôtre nature, ou se faire une vertu chimerique, ou, par une vaine présomption, vouloir trouver sa seureté au milieu des écueils.
Voilà le droit des Académies ; ç’a été longtemps celui des Comédiens, mais ils l’ont perdu, et sont à présent soumis à un pouvoir arbitraire qui a pris force peu à peu.
On l’accuse néanmoins, bien qu’elle soit innocente, pource que c’est Molière qui l’a fait paraître sur la scène, et l’on n’en a pas autrefois condamné d’autres, qui dans le même Festin de Pierre ont, ou de force ou de gré, pendant le cours de la pièce, perdu si visiblement leur honneur qu’il est impossible à l’auditeur d’en douter.
Parmi les mimes, dont les jeux consistaient en récits bouffons et en gesticulations, il y en eut qui firent des tours d’adresse et de force avec des épées ou des bâtons, et qui pour cela furent appelés bateleurs.
Je reviens aux comédiens : quelle source de mauvaises mœurs n’ont-ils pas dans le désordre des actrices, qui force et entraîne celui des acteurs ?
N’y a-t-il pas de funestes exemples de plusieurs personnes, dont la réputation était hors d’atteinte, et qui ont levé le masque à force d’aller au Théâtre ?
Voyez à quoi l’on s’expose quand on force son naturel, il n’a pu rire sans abuser du plus saint de nos mystères, et la seule plaisanterie qu’il fait, est une impiété.
Aucun spectacle, dit-il, ne mérite l’attention du sage, le sage prouve la force, la vertu, (la santé) de son ame, quand il les méprise autant que le vulgaire les admire : Epist. famil. […] Son style aisé, naïf, mais noble & poli anonce un homme de condition, & fait gemir de ses égarements ; il a fait bien de voyages, il a trouvé la nation des comédiens répandue par toute la terre, par-tout semblable à elle-même, par-tout des acteurs débauchés, & des actrices comodes, agacentes, séduisantes, corrompues, qui l’ont enfin ruiné, brouillé avec sa famille, fait battre avec ses amis, l’ont abandonné pour d’autres amans, comme elles en avoient abandonné d’autres pour lui : par-tout, elles l’ont débarrassé de sa bourse, ont dérangé ses affaires, empêché sa fortune, troublé son répos, altéré sa santé, detourné de ses devoirs, perdu son ame ; il se montre cent fois au désespoir de ses désordres, changeant de conduite, voulant se convertir, embrassant un état, résolu d’en remplir les devoirs ; mais bien-tôt rentrainé, plongé plus que jamais dans l’abîme du libertinage, par les a traits & les artifices, ou plutôt par les fourberies, les piéges, l’hipocrisie de ces malheureuses, trop commun instrument de la perte de la jeunesse, & même de tous les âges ; car il a trouvé cent fois en son chemin, des gens d’un âge avancé, enfants de cent ants, d’une conduite insensée, dont le théatre causoit le délire ; il en a trouvé de tous les états, des Magistrats qui alloient y oublier le peu qu’ils savoient dé jurisprudence, & le peu qu’ils avoient d’intégrité ; des étudians qu’il empêche de rien apprendre ; des militaires dont il amortit le courage, énerve les forces ; blesse le corps des ecclésiastiques qui y prophanent la sainteté de leur état, tantôt osant passer du théatre à l’autel, tantôt quittant l’autel pour le théatre, oubliant le breviaire aux pieds d’une actrice.
Ils fendent la presse poussant des gémissemens comme des Jonas & des Jérémies, & prêchent la pénitence avec tant de force, qu’ils sont trembler tout le monde, tout insolent, tout insensé qu’il est dans ses assemblées. […] Malgré ces décorations théatrales, condamnées par les anciens, mais si fort goûtées par les élégans, malgré le goût régnant de philosophie & de théatre, croira-t-on (telle est la force de la vérité) que ces constitution si mitigées défendent absolument tous les spectacles, ba’, comédie, opéra, jeux publics, & toutes les folies de ce caractere ?
Pour le consentement des parens, dont la nature, la loi, la conscience, le bien public, l’intérêt du particulier, font un devoir essentiel, non seulement il n’est jamais ni attendu ni demandé, mais l’engagement est toûjours contracté & entretenu à leur insçû, ou contre leurs ordres & leur opposition, contre laquelle on se roidit opiniâtrément, révolte dont on fait un acte héroïque qui forme le nœud de la piece ; & pour tout dénouement bien édifiant & bien instructif pour la jeunesse, on se passe de ce consentement, on l’arrache par force, on le surprend par des mensonges, on trompe par des déguisemens absurdes & sans aucune vrai-semblance, comme sont tous ceux du Théatre Italien, par de faux actes d’un Notaire affidé, par un changement de nom, un parent supposé, &c. que sais-je ! […] La femme forte se lève de grand matin, parcourt toute la maison, s’instruit de ce qui s’y passe, met ordre à tout, règle ses domestiques, instruit ses enfans, distribue à chacun ses besoins & son travail, ne perd pas un moment ; pleine de force & de courage, de vigilance & d’adresse, le travail ne l’effraie pas, elle est capable des plus grandes choses, prend la quenouille & le fuseau, file le lin & la laine, fait à propos ses provisions.
Que pâles & difformes casques, Que fronts couverts de vieux drapeaux, Que nez perdus sous des chapeaux, Larges perruques, robes flasques, Noirs camails sur de gris manteaux, Que grands théatres sans flambeaux, Dont quelques Pasquins Bergamasques Et deux châtrés sont les héros, Où les pavés sont des canaux, Où l’on ne marche qu’en batteaux, Jouet des vents & des bourrasques, Des rameurs au lieu de chevaux, Et pour carrosse des tombeaux, Palais à superbes crenaux, A triple rang de chapiteaux, D’ordres divers groupes fantasques, Au-dedans tristes ridottos, Salons sans foyer ni fourneaux, Au sein de l’hiver & des eaux, En juin fête des soupiraux, Au demeurant force bureaux, Des joueurs & faiseurs de frasques ; Pour dîners antiques tableaux, Pour soupers opéras nouveaux, Et batteurs de tambours de basques ; Phrinés de tous les numéros, Sel de Naple en détail & en gros, Et la liberté pour les masques, &c. […] Dans le fonds on sent aisément que la délicatesse, la sensibilité, la tendresse d’un sexe, la force, le courage, l’élévation de l’autre, sont plus analogues à certains personnages, & doivent mieux réussir, & qu’ainsi transportés d’un sexe à l’autre ils en sont mieux exécutés.
Le théatre, en corrompant le citoyen, a énervé la valeur par la mollesse, diminué les forces, altéré la santé par la débauche, & la discipline par la dissipation. […] Il veut à toutes forces donner une origine sacrée au théatre : La poësie dramatique a pris sa source dans la religion ; les Philosophes, les Théologiens voyant le goût des peuples pour les spectacles, en donnèrent des règles : voilà sa premiere origine.
Si-tost que ce ieune mal-heureux eust reconnu en soy assez de iugement pour faire choix de sa profession, & assez de force pour y pouvoir reussir, il se mit à la suite de Cesar, vint dans les Gaules, y porta les armes, & y fit de si belles ou si heureuses actions qu’il emporta plusieurs Victoires, qu’il fut fait Tribun, ensuite crée Preteur. […] Les Encens allumez, les Autels parfumez, les Victimes immolées, le Triomphateur s’aprochoit, & faisoit cette Priere, que i’ay mieux aimé transcrire en sa forme originele, que d’en hazarder la force, sur la difference de nostre maniere & de nostre idiome.
Elles sont naturellement bienfaisantes ; cependant elles n’accordent pas le don des richesses à ceux qu’elles aiment, elles les gardent pour elles. » Point d’Actrice qui ne travaille de toutes ses forces à confirmer cette idée ; les registres de la police sont chargés de leurs exploits ; la Salpetrière, les Madelonnettes, le Refuge, sont peuplés de ces héroïnes ; dans tous les quartiers où elles habitent, les voisins chantent leurs louanges. […] Sur quoi Godefroy fait cette réflexion : « Quoique éloignée du théâtre, ses vices font voir qu’elle est toujours Comédienne de cœur ; car Comédienne et prostituée, dit cet Auteur, sont deux choses très voisines et très liées » : « Proxime confines cohærent meretrix et scenica. » On ne tient aucun compte des promesses de chasteté qu’on ne tient que par force, « quæ votum castitatis infregit, minuit, elusit ».
J’ajoute, qu’on y doit entendre une musique efféminée, capable d’anéantir ce qui restera de force & de courage ; que les Amans téméraires continueront d’y devenir heureux : aussi le Poète Ovide suggère-t-il le Spectacle comme un moyen de corruption. […] Une autre source d’erreur, c’est que les noms qui dans les langues primitives designaient le Principe de toutes choses, ou des êtres purement métaphysiques, tels que la Vertu productrice & conservatrice, l’Humidité, la Chaleur, le Froid, l’Air, les Vents, la Puissance, la Justice, la Force, la Vengeance, la Punition, tous ces noms, dis-je, furent appliqués aux premiers Rois qui règnèrent, selon qu’ils convenaient à leurs caractères : & cela est très-naturel, car cet usage, chez les Hébreux, avait lieu même pour les particuliers*. […] l’Humidité, qui est la vraie force productrice, dans une Junon vindicative & jalouse ? […] Le moment favorable est arrivé, où les Sciences transplantées d’un sol où elles languissaient, vont reprendre, dans une terre neuve, une force & une vigueur plus grande que jamais. […] Qu’on se représente pour un moment, le Spectacle ainsi monté, que l’Affiche nous annonce un Auteur célèbre, qui doit faire le premier personnage de son Drame ; nous y courons : quelle force, quelle énergie, quelle expression il saura donner à tout ce qu’il dira !
Je sçai qu’en supposant des intervales entre les représentations des reconnoissances, l’oubli de ce qu’on a senti il y a quelque tems, peut rendre à une sensation une partie de sa premiere force, mais il ne lui rend pas tout.
Ce seroit, ou ne pas sçavoir la force de ces objets, ou ignorer la foiblesse de nôtre nature, ou se faire une vertu chimérique, ou, par une vaine présomption, vouloir trouver sa seureté au milieu des écüeils.
En effet la danse n’est pas moins un divertissement sensuel pratiqué par les Païens, que les autres actions que les Saints blâment avec tant de zèle, et avec tant de force.
Ne pouvant se défendre sur quelque point qu’on l’attaque, il se fâche, s’irrite, s’emporte jusqu’à la fureur ; quand il a pour lui la force, il se passe volontiers de la justice, et sacrifie sans pitié quiconque n’est pas de son avis.
La sagesse de l’autorité civile l’a donc constituée protectrice et conservatrice de la religion et de la pudeur publique ; et le prince qui est, par la nature de sa puissance, le conservateur et le protecteur des canons des conciles, a su ramener les prêtres par la force de sa volonté et de ses ordonnances, à l’exécution des lois canoniques. […] z On voyait aussitôt accourir sur le théâtre le saint-Pierre et les autres apôtres, qui témoignaient leur surprise de se voir ainsi transportés en ce lieu, des différents endroits de la terre par une force surnaturelle ; et ils exprimaient leur douleur de la perte qu’ils allaient faire de la sainte vierge qui alors paraissait expirer. […] Or, la puissance temporelle est donc la véritable conservatrice d’une religion qui mérite tous nos respects et toute notre ferveur ; car il est démontré par des traits infinis dont fourmille notre histoire, ainsi que celle de tous les peuples chrétiens, que si les prêtres n’avaient pas toujours rencontré dans la sagesse et la force de l’autorité séculière, une barrière contre leurs écarts, leur ambition et leur ignorance, cette même religion serait anéantie par ses propres ministres, dont les fautes, les égarements et même les crimes (assassinats d’Henri III et d’Henri IV) ne le cèdent en rien aux autres classes de la société. […] MM. les procureurs du roi, MM. les maires des diverses communes du royaume sont les organes des lois, les délégués du prince ; ils doivent eux-mêmes donner les marques du plus profond respect pour la religion, et de la plus grande vénération pour les ministres du culte, lorsque ceux-ci, pénétrés de la majesté de leurs fonctions, méritent, par une conduite sage et exemplaire l’estime de leurs paroissiens, mais aussi, lorsqu’ils s’en écartent, il faut que MM. les procureurs du roi, que MM. les maires aient le sentiment de leur dignité, et qu’ils aient assez de force et de courage pour rappeler à leurs devoirs les pasteurs qui s’en égareraient par une erreur quelconque.
Ces choses étant ôtées de la Comédie, les premiers Pères de l’Eglise ne la regardent plus, que comme une vaine curiosité, et s’ils condamnent cette vaine curiosité avec force, c’est dans des Sermons où l’on porte ordinairement l’Auditeur à la perfection, et où l’exagération peut être permise ; mais dans la rigueur Scholastique, on ne compte point absolument pour péché une chose qui n’est point de la perfection. […] Pour comprendre la force de ce passage et les conséquences que l’on en peut tirer, il faut faire trois réflexions. […] De plus, si ce sentiment ou si cette distinction avait lieu, on aurait facilement éludé la force du raisonnement des Pères de l’Eglise contre les Spectacles et contre ceux qui les fréquentaient, et tout leur zèle serait demeuré sans effet, parce qu’avec une subtilité pareille, ceux qu’ils condamnaient, pouvaient répondre qu’ils ne prenaient de plaisir que par rapport à la manière dont on avait inventé les choses et qu’on les représentait, et non aux choses mêmes. […] Plus une personne est réglée dans ses actions, plus ils sont hardis à l’imiter, son exemple est un scandale pour eux : car quoique, dit Saint Jean Chrysostome85, « par la force de votre esprit, vous vous soyez garantis de toute sorte de souillure, néanmoins à cause que par votre exemple vous avez inspiré de l’amour pour ces Spectacles à d’autres plus faibles : comment pouvez-vous dire que vous n’êtes pas coupable, vous qui avez donné aux autres le moyen de se rendre coupables.
Nos Auteurs ne sont donc pas reprochables de ne nous donner que des Pièces dépourvues de comique, mais parfaitement épurées, seul moyen de réprimer le penchant d’un peuple badin, plus amateur d’un Spectacle qui favorise son humeur folâtre, qu’une Pièce pleine de morale, où par des traits frappans, l’Auteur découvre ses ridicules, & le force à s’en corriger. […] « P. 147, si l’on ne voit en tout ceci qu’une profession peu honnête, on doit voir encore une source de mauvaises mœurs dans le désordre des Actrices qui force & entraîne celui des Acteurs. » Je le dis encore, la Comédie était méprisable17 dans le sein de la maîtresse du monde, corrompue par les Farceurs ou Histrions ; ce qui la fit noter d’infâmie. […] Il courut porter cette affreuse nouvelle au Duc ; ce Prince soupçonna sans peine d’où le coup était parti : il eut assez de force pour dissimuler. […] « ensuite venaient les enfans qui leur répondaient en chantant de toute leur force. […] Licinius Calvus, Orateur célèbre des Romains, plaida avec tant de force contre Vatinius, que celui-ci voyant qu’il allait être condamné, l’interrompit en disant aux Juges : « hé quoi !
L’intérêt de la Religion l’emporte toujours en eux sur tout autre motif, & cet intérêt n’a jamais plus de force que sur le vulgaire.
Je vous adorerai dans la sincerité de mon cœur : je tournerai vers vous seul tout mon culte : on traittera de foiblesse ma devotion & ma pieté ; mais heureuse foiblesse qui me donnera la force de resister aux attaques de Satan, & de ne me pas laisser surprendre aux vains charmes de la seduisante Babilone ; & comme j’espere en vous seul, je veux n’adorer & ne servir que vous.
Celui qui parle dans un Monologue, est supposé se rendre compte à soi-même ; & comme je l’ai déjà remarqué, ce n’est que la force de ses passions qui l’oblige de s’entretenir ainsi tout seul : on conçoit donc qu’il ne faut dans un Monologue que des sentimens.
Cet Etranger qui est venu dans l’intention de lui apporter une heureuse nouvelle, est cause que l’affreux mystere se dévoile, & que quand le vieux Domestique de Laïus, qu’Œdippe fait venir & force à parler, s’écrie, O terrible secret que je vais révéler !
Il ajoute que tous les combats des Grecs, soit pour l'exercice de chanter et jouer des instruments, soit pour éprouver la force du corps, n'ont point d'autres chefs que les Démons, et que tout ce qui plaît aux yeux, ou qui flatte les oreilles au Théâtre, n'a point d'autre sujet que le respect qu'ils ont voulu rendre à quelques fausses Divinités, ou à des morts.