Les Principaux Acteurs du Poème épique s’occupent souvent du plaisir de boire & de manger19 ; ceux de notre Théâtre favori sont sujets aux mêmes penchans20.
La Parade subsistait encore sur le Théâtre Français du temps de la minorité de Louis le Grand ; & lorsque Scarron, dans son Roman-comique, fait le portrait du vieux Comédien La Rancune, & de mademoiselle de La Caverne, il donne une idée du jeu ridicule des Acteurs, & du ton platement bouffon de la plupart des petites Pièces de ce temps.
La Parodie-Dramatique, ordinairement faite sur une Pièce entière, peut réunir toutes ces espèces de Parodie, auxquelles elle en ajoute une nouvelle, la Parodie des Habits ; telle que celle dont ont fait usage Aristophane & Molière, en habillant leurs Acteurs comme la personne qu’ils voulaient jouer.
Jupiter, Hercule, Orphée, Apollon, Esculape, Argus, Mercure, des Génies, des Zéphyrs, des Songes, la Renommée, la Discorde, les Furies, en sont les principaux Acteurs : L’Innocence, la Vérité, la Religion, n’y paraissent que pour être déshonorées.
Il ne pouvait mieux exprimer l’effet de ces réjouissances, qu’en disant qu’elles donnent entrée « à une troupe de vices » : ce n’est rien, pour ainsi dire, en particulier ; et s’il y fallait remarquer précisément ce qui est mauvais, souvent on aurait peine à le faire : c’est le tout qui est dangereux ; c’est qu’on y trouve d’imperceptibles insinuations, des sentiments faibles et vicieux ; qu’on y donne un secret appât à cette intime disposition qui ramollit l’âme et ouvre le cœur à tout le sensible : on ne sait pas bien ce qu’on veut, mais enfin on veut vivre de la vie des sens et dans un spectacle où l’on n’est assemblé que pour le plaisir ; on est disposé du côté des acteurs à employer tout ce qui en donne et du côté des spectateurs à le recevoir.
Jesus-Christ paroîtroit au milieu de ces suppôts de Satan, & voudroit être adoré en la personne d’un Acteur, ou d’une Actrice infame !
Elles étoient faites à l’honneur des Dieux, dans les grands jours de Fêtes ; les Sujets intéressoient la Religion, les Acteurs avoient sur leurs têtes des couronnes, & tout homme qui portoit une couronne, étoit comme sacré ; c’est pour cette raison que la profession de Comédien ne fut point regardée dabord à Athenes, comme méprisable. […] A l’harmonie de la Versification se joignoit chez les Grecs, celle d’une Déclamation qui, sans être un chant Musical (comme je tâcherai de le prouver dans la suite) étoit une espece de Musique continuelle, par l’attention des Acteurs à observer dans les lenteurs & les vîtesses dans les élévations & les abbaissemens de la voix, la quantité des syllabes & des accens, & à observer outre cela une modulation composée par le Poëte même.
« Il devait pour le moins, continue ce dévot à contretemps, en parlant de l’auteur du Festin de Pierre j , susciter quelque acteur pour soutenir la cause de Dieu et défendre sérieusement ses intérêts. » Il fallait donc pour cela que l’on tînt une conférence sur le théâtre, que chacun prît parti et que l’athée déduisît les raisons qu’il avait de ne croire point de Dieu. […] Nous voyons tous les jours que la feinte mort d’un acteur fait pleurer à une tragédie, encore qu’il ne meurt qu’en peinture.
Racine, dans la Préface de cette Tragédie, nous dit : « Que ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une Tragédie ; qu’il suffit que l’action en soit grande, que les Acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse, majestueuse qui fait tout le plaisir de la Tragédie. » Je ne crois pas que l’on puisse disconvenir de la vérité de ce principe ; mais, soit dit avec tout le respect dont je suis pénétré pour ce grand homme, ne pourrait-on pas demander si, dans sa Tragédie, on trouve tout ce qu’il juge lui-même être nécessaire dans une Pièce où il n’y a ni mort, ni sang répandu ? […] Agenor, la Reine et Astrate, qui sont les principaux Acteurs de la Pièce, sont tous les trois amoureux ; leur conduite est si folle, qu’ils ne méritent pas moins que les Petites-Maisons.
Ces points, qui servent à guider la déclamation de l’Acteur, sont ordinairement inutiles au lecteur, & le fatiguent quand ils sont si multipliés : on n’en voit guère dans nos Auteurs ; il y en a ici une infinité. Si on vouloit noter la déclamation, comme la musique, les signes seroient utiles aux Acteurs, comme l’Abbé Dubos dit qu’on le faisoit autrefois. […] Ce linceul, ce peuple de revenans, cette agitation de spectres, sont d’autant plus puériles, qu’ils sont plus éloignés de la façon philosophique de penser penser de l’Auteur & des Acteurs, à moins que ce ne soit un trait de malignité pour donner du ridicule aux Religieuses.
La passion pour le Théâtre va si loin en France, que les mères les plus austères, celles qui évitent avec le plus de soin le Théâtre public et qui par conséquent n’ont garde d’y laisser aller leurs filles, ces mêmes mères assistent, sans aucun scrupule, avec leurs filles aux représentations des Comédies de Molière, lorsqu’elles se font dans quelques maisons particulières et que les Acteurs sont ou des Bourgeois, ou des Seigneurs : Souvent même on les voit applaudir à des parades bien moins châtiées que les Comédies en forme ; marque évidente d’une inconséquence dans la conduite, qui n’est malheureusement que trop commune parmi des gens d’ailleurs très respectables.
Tous les Acteurs reprochent à l’Avare son avarice ; ils en font de même au Joueur, au Jaloux, au Négligent et à tous les autres personnages ridicules et vicieux qu’on entreprend de corriger sur le Théâtre : et à la fin de la Pièce chaque vice et chaque ridicule se trouve puni et corrigé : pourquoi ne fait-on pas la même chose lorsqu’on y traite la passion d’amour ?
C’est ce qu’on remarque en particulier dans les acteurs de la comédie. […] On trouve là autant d’esprits immondes qu’il y a d’acteurs ou de spectateurs. […] De même parce que nul ne peut ajouter une coudée à sa taille, ce rival de Dieu apprend aux acteurs de la tragédie à s’élever sur leurs cothurnes : veut-il démentir Jésus-Christ ? […] D’ailleurs est-il aisé parmi les effroyables hurlements d’un acteur, de penser aux salutaires exclamations d’un prophète ? […] C’est alors que les acteurs de la tragédie pousseront dans l’excès de leur malheur, des cris plus lamentables et plus éclatants que ceux dont ils faisaient retentir autrefois le théâtre.
La lecture des Romans et de la Comédie fait le même effet sur les esprits et sur les cœurs : Mais la Comédie a cela de plus, que comme elle est faite pour la représentation, la lecture en est encore plus dangereuse, parce qu’en lisant on s’imagine voir et entendre les Acteurs ; et ainsi la lecture même tient quelque chose de la force de la représentation.
Mais, en supposant que les gouvernements ne puissent pas sans danger supprimer les théâtres, ni en diminuer le nombre, chose qui ne paraît pas croyable, ne courent-ils pas des dangers infiniment plus grands en s’exposant aux atteintes mortelles que leur portent chaque jour des pièces vraiment immorales, qui, à la faveur du plaisir qu’elles procurent, font couler dans l’âme des spectateurs le poison des plus désolantes doctrines, et qui, par des allusions perfides et adroitement ménagées auxquelles l’art des acteurs ajoute encore un merveilleux relief, ne sont propres qu’à nourrir et à fortifier cet esprit d’insubordination qui de nos jours a fait tant de ravages, et qui est encore bien éloigné d’être entièrement anéanti ?
Oui, Monsieur, & les Piéces de nos grands Maîtres, & le jeu de nos meilleurs Acteurs n’excitent à présent, pour me servir des expressions du célebre Citoyen de Genêve11, que des mouvemens stériles & passagers sur nos esprits & dans nos cœurs. […] Mais je veux qu’il sorte tous les ans deux fois plus de grands Acteurs & d’Actrices supérieures, que je n’en cite ici ; doit-on pour cela souffrir les Jeux du Rempart ? […] Mais en cela ils se trompent : la vie licencieuse de quelques Acteurs & Actrices, n’est pas plus le crime du Théatre, que les désordres de quelques membres d’une autre société quelconque ne sont le crime de cette même société. […] & sifflerent, non pas l’Acteur, dont le jeu était convenable à son rôle, mais le mot Vertu, qui les avait tous scandalisés. […] Tabarin, Gauthier-Garguille, Turlupin, Gros-Guillaume, sont les noms des anciens Acteurs qui jouaient dans les farces & parades que donnait au Public la Troupe appellée : les Enfans sans souci.
Il faut que les événemens se rapportent à un seul Acteur, afin que le principal personnage attire seul toute l’attention. […] De même que vous vous amusez à contempler les différentes manières de jouer des Acteurs qui montent tour-à tour sur le Théâtre, de même vous jouirez du plaisir de voir de quelle façon cet Auteur traitera tel sujet bien ou mal rendu par ses prédécesseurs ; vous goûterez la douceur maligne de la comparaison.
» « Quand l’Auteur en reçoit, et que les Acteurs les partagent, la Pièce est parvenue à son but, et l’on n’y cherche point d’autre utilité. […] Si la Pièce nous arrache des larmes, ou de pitié pour un innocent malheureux, ou de joie pour un opprimé qui triomphe ; si elle peint dignement quelque vertu ; si elle inspire de l’horreur pour quelque vice, elle aura les applaudissements qui lui sont dus ; les Acteurs jouiront de ceux qu’ils méritent ; le Spectateur lui-même s’applaudira d’avoir été sensible.
Je ne vois point où l’on pourroit trouver un abri aux Acteurs de la Comédie Françoise, toutes les conditions de la loi se réunissent sur eux, comme sur les Histrions des Boulevards ou du Quai de la Ferraille : la premiere, est qu’ils se donnent pareillement en spectacle.
Le théâtre doit instruire et divertir le public, mais les instructions de piété n’y doivent être ni fréquentes ni affectées, il faut qu’elles soient regardées comme des sentiments qui sont attachés aux caractères des Acteurs, et qui servent à l’action qui se passe sur la Scène.
Mais enfin, quand elles seraient bonnes en elles-mêmes, c’est-à-dire que sur le papier et dans la bouche des Acteurs elles n’auraient aucun venin ; on ne saurait dire que leur représentation avec toutes ses circonstances soit entièrement innocente.
L’Eglise, il est vrai, vous interdit les spectacles, & en excommunie les Acteurs ; mais rassûrez-vous, ô ames chrétiennes ! […] auroient-ils dit, les Papes défendent la Comédie, ils excommunient les Acteurs & Actrices, tandis qu’ils ont nos semblables auprès d’eux, & qu’ils assistent eux-mêmes à leurs représentations ! […] Ce qu’il y a de plus pur , dit-il, se trouve en contraste avec le mœurs de ceux qui les représentent, s’altére en quelque sorte, par les jeux des Acteurs, & devient nuisible par les idées qu’ils font naître : & comment des Actrices, toutes dévouées à la volupté, dit Mr. de Boissy, ne l’inspireroient-elles pas ? […] De pareils sujets, dit Madame de Sévigné, ne conviennent point à de tels Acteurs. […] Les sentimens, qui seroient les plus corrects sur le papier, dit Riccoboni, changent de nature, en passant par la bouche des Acteurs, & deviennent criminels par les idées corrompues qu’ils sont naitre dans l’esprit du spectateur, même le plus indifférent.
Voilà justement ce qui se passe dans la Comédie pour l’ordinaire : la vue et l’imagination se satisfont de cette représentation vive et naturelle que fait le Comédien, sans y intéresser le cœur ; on loue l’Acteur et son action, sans approuver la chose qu’il représente. […] » que si les hommes les traitent de cette manière, Dieu punira ces Acteurs bien autrement. […] » Dans l’Homélie 38. sur le même chap. 5. de Saint Matthieu vers la fin, il dit que les Acteurs des Comédies ont été déclarés infâmes par les lois des Anciens. […] Si ce sont, par exemple, des sujets de haine, d’amour, de colère, d’orgueil, il faut qu’un Acteur pour exprimer ces passions le plus naturellement et le plus vivement qu’il lui est possible, il faut, dis-je, qu’il excite en lui les mêmes mouvements. […] Que la distinction que l’on fait de la chose représentée d’avec la manière de la représenter, ou de l’habileté de l’Acteur qui fait bien son personnage, d’avec ce qu’il représente, est l’effet d’un raisonnement spéculatif et trop subtil, dont l’application ne peut avoir lieu dans la pratique, en matière d’impureté.
En effet, supposé que les Pièces qu’on joue présentement ne soient pas à beaucoup près si infâmes, que l’étaient celles du temps passé ; supposé que les expressions en soient honnêtes ; que les Acteurs en soient sages, retenus et circonspects dans tous leurs gestes et leurs postures ; la manière de traiter les passions, et de tâcher de les allumer dans le cœur des Spectateurs, n’est-elle pas toujours la même ? […] Quoi donc, le parricide cessera d’être un crime aussi horrible, qu’on l’a toujours cru, parce que la fantaisie prendra à un Poète de mettre ces paroles insolentes dans la bouche d’un Acteur ? […] Un Gentilhomme qui aurait reçu un affront, n’en sera-t-il pas touché en les entendant réciter par un bon Acteur ?
» Nous croyons devoir exhorter les Régents qui seront chargés de ces sortes d’ouvrages, de ne pas y donner si fort leur temps, qu’ils oublient le soin qu’ils doivent prendre de leurs Ecoliers ; et de se souvenir qu’ils doivent s’appliquer beaucoup plus à les rendre de bons Chrétiens, qu’à en faire de bons Acteurs.
» Dans la seconde partie ; le diable paraît en qualité d’Acteur et s’écrie :P. 18. […] la Comédie entière devait être jouée par de tels Acteurs. […] En effet, l’Intrigue et le Dénouement roulent uniquement sur le jeune La Mode, qui est sans contredit l’Acteur principal. […] « Qu’il ne sera permis à aucune femme soit dans la Communion de l’Eglise, soit Catéchumène d’épouser ou de retirer chez soi aucun Comédien ou Acteur de Théâtre : et celle qui osera le faire sera excommuniée. […] Les Acteurs y sont quelquefois si scandaleux et si expressifs, qu’il n’est pas aisé de mettre de la différence entre le crime et la représentation du crime.
Mais lorsque les vices les plus honteux diffamaient la scène, et avilissaient les Acteurs ; lorsque ceux-ci jouaient avec les gestes les moins équivoques ; que les hommes et les femmes méprisaient toutes les règles de la pudeur, et que l’on y prononçait ouvertement des blasphèmes contre le saint Nom de Dieu : pour peu que l’on sût rougir, pour peu que la conscience ou l’éducation parlassent, ces spectacles devaient naturellement faire horreur ; du moins ne pouvait-on s’y méprendre, ni regarder comme permis des discours aussi profanes, des actions aussi licencieuses et aussi contraires à l’honnêteté. […] Le jeu des passions saisit le spectateur ; Il aime, il souffre, il hait, et lui-même est Acteur. […] On verra combien le reproche que lui fait M.F. est peu fondé, de n’avoir blâmé les spectacles qu’à cause de l’immodestie des Actrices. […] Il remonte à la source du mal ; elle est, selon lui, dans les Auteurs et les Acteurs comme dans les Spectateurs ; mais il la trouve singulièrement dans les Auteurs, qui perdent à tout moment de vue et la fin et le but du sujet qu’ils se mêlent de traiter. […] Oui, j’ose m’en prendre d’abord au Chef même des Auteurs et des Acteurs de notre Scène.