Et tous ces beaux lambris, dont l’or & les richesses surprennent les yeux vn peu foibles, que sont ils aupres du vif esclat des Astres.
L’étude des Philosophes leur fera naître des doutes, & leur fournira en même temps les moyens d’en trouver la solution ; la lecture des Historiens leur apprendra à connoître l’homme dans toutes ses variétés ; les Orateurs leur présenteront le modele de la façon dont on doit s’énoncer dans les occasions importantes ; les Rhéteurs leur découvriront les secrets de l’art de dominer sur les esprits ; les Poëtes eux-mêmes contribueront de plus d’une manière à les enrichir : ils leur offriront la Nature embellie des charmes de leur imagination, & leur prodigueront des maximes puisées dans le sein de la Philosophie ; & qui, pour n’être pas entiérement développées, n’en sont souvent que plus propres à faire une vive impression.
La plus dangereuse est la peinture à faux, dramatique, de l’homme et de la société, ou cette infidélité des tableaux vivants qui sont censés être ceux des mœurs ou de la vie commune de tel rang, de telle corporation, ou de tel âge ou bien de telles personnes que la malignité désigne, et qui vont être décriées, flétries, peut-être mises au désespoir ; il consiste aussi dans la solennité et l’éclat des représentations, avec tous les prestiges du théâtre ; c’est encore en réunissant la fiction à la vérité, en accumulant à plaisir les vices, en les combinant et faisant supposer une liaison naturelle entre eux ; c’est l’éternelle image des passions humaines les plus honteuses sous les traits sacrés de la vertu qu’enfin on ne croit plus voir nulle part qu’en apparence, que l’on méconnaît et décourage par trop de défiance, ou qu’on insulte par malignité ; enfin, c’est en créant ainsi et faisant agir avec toute l’énergie possible, sous les yeux de la multitude des personnages monstrueux qui servent d’excuse et d’encouragement aux méchants, qui font horreur aux bons et, comme je l’ai déjà dit, portent l’agitation dans les esprits faibles, l’inquiétude ou l’animosité dans les cœurs, exaltent la tête de tous, et vont de la scène publique provoquer la persécution, porter les désordres dans les scènes privées de la vie, où toutes les passions excitées imitent la hardiesse des auteurs, cherchent à réaliser leurs chimères jusques sur la vertu la plus pure : « Là de nos voluptés l’image la plus vive ; Frappe, enlève les sens, tient une âme captive ; Le jeu des passions saisit le spectateur ; Il aime, il hait, il pleure, et lui-même est acteur. » Voilà plus clairement comme il arrive que ces critiques vantées manquent leur but, sont de nul effet contre le vice audacieux, sur l’hypocrite impudent qui atteste Dieu et la religion en faisant bonne contenance au rang des victimes nombreuses des aggressions aveugles et des calomnies effrontées.
Gresset prive la scène des caractères qu’on s’attendoit d’y voir, de la peinture vive & saillante, de plusieurs ridicules de la société.
Quoiqu’on ne nomme personne, ce qui occasionneroit bien des corrections un peu vives, on désigne si bien les personnages, comme Aristophane, qu’il est aisé de lever le masque : ce qui est arrivé cent fois à Moliere.
Quelquefois on y a fait naistre une haute Montagne pleine de fruitiers & arbres verdoyans, rendant par son faîte un ruisseau d’eau comme de la bouche d’une vive fontaine.
Ce rouge Dauphin ne desseche point la peau, & ne lui fait contracter aucune ride ; il l’adoucit au rontraire, & en conserve l’uni, la finesse, la douceur, la fraîcheur, la couleur, l’éclat, & lorsqu’il est adroitement appliqué, il imite, à s’y tromper, la plus vive incarnation. […] Il a une très-jolie couleur vive dans chaque nuance, & forme huit nuances bien comptées, & toutes très-jolies & très-vives.
On n’y a pas besoin de la lumiere du soleil & de la lune ; Dieu lui-même en est la lumiere, infiniment plus vive que celle de tous les astres. […] Voilà un vrai mensonge ; ce visage récrepi dit, & on veut bien qu’il dise, je suis jeune, je suis beau, je suis uni, j’ai des couleurs vives, je suis pétri de lys & de roses, comme une trompette qui publieroit ces contreverités.
Ces ouvrages parlent fort peu du théatre, les plaisirs qu’on y goûte sont trop vifs, les passions qu’on y excite sont trop violentes, l’attention qu’il exige trop soutenue pour être du goût de la volupté paresseuse, dans laquelle il languissoit ; mais il rapporte deux fêtes théatrales qui furent données aux Princes avec le plus grand éclat : l’une à Anet par le Duc de Vendôme, l’autre à Chantilli par le Prince de Condé, qu’avoient imaginé & dont firent les honneurs & la joie trois hommes faits l’un pour l’autre : le grand Prieur de Vendôme, pieux Chevalier de Malthe, le dévot Abbé de Chaulieu & le sage Marquis de la Fare. […] Richelieu, j’eus ce foible, il est vrai, mais le plus grand des hommes seroit celui qui n’en auroit qu’un, le mien fut de vouloir qu’on me crût aussi grand Poëte que j’étois grand politique ; ma joie fut plus vive de voir accueillir Marianne, que de voir apporter les clefs de la Rochelle.
Là, c’est un Dieu qui commande au néant, une seule de ses paroles suffit pour créer le monde ; ici, c’est l’homme rébelle, chassé du Paradis, déchu de sa gloire primitive, les ténébres de l’ignorance ont inondé son esprit, la corruption s’est glissée dans son cœur ; la plus excellente Créature qui vive sur la terre, est dominée par les êtres inférieurs qui sont chargés de le punir ; on lui promet un Redempteur dont la grace anticipée est accordée à tous les hommes, on assure un prix immortel à la vertu, & l’on ménace les impies d’une peine qui n’aura point de fin.
Mais les Romains, qui déclinèrent insensiblement dès que leurs conquêtes les enrichirent, eurent un goût vif pour la Comédie, parce qu’elle éxcitait d’avantage au plaisir, & qu’elle avait un certain raport avec leurs mœurs éfféminées & corrompues.
Les paroles de l'Evangile sont-elles une plus vive impression sur les cœurs que celles des Théâtres ?
Du moins Oreste ne s’est pas oublié jusqu’à monter sur la scène : « In scena nunquam cantavit Orestes. » Quand Néron fit mettre le feu à Rome, il prit son habit de Comédien, monta sur la haute tour de Mécène, pour mieux voir ce qu’il appelait un bel embrasement, une vive image de l’incendie de Troie ; et pour mieux représenter le premier rôle qu’il jouait dans cette affreuse tragédie, il chanta un poème qu’il avait composé sur la prise de Troie.
Encore une fois, la modestie est le caractère propre du sexe ; c’en est l’ornement ; c’en est le rempart : elle a été établie par la Providence comme garde de la vertu ; et afin qu’elle ne manque jamais au besoin, elle est entée, pour ainsi dire, sur la disposition naturelle du corps ; elle est même proportionnée aux différents âges, et plus agissante dans les jeunes gens lesquels ont les passions plus vives. […] Il nous est représenté, ce tragique, comme un homme sérieux, fier, haut, sensible à l’honneur, piqué au vif de se voir un rival, et d’être forcé d’entrer en lice avec Euripide.
Conduis par mes vives clartés, Vous n’avez écoutez que mes loix adorables ; Jouissez des félicités Qu’ont mérités pour vous mes bontés sécourables55.
Il n’est pas étonnant qu’on l’accuse en Italie d’avoir mis à la mode dans notre Tragédie, le langage amoureux, puisque dans le pays où il doit être mieux connu, tant de Personnes s’imaginent que ce langage étoit toujours le sien, qu’il ne faisoit ses Tragédies que pour faire valoir une Actrice, dont il étoit l’esclave, Actrice cependant qui n’eut jamais (comme j’en suis certain) aucun empire sur lui, & qu’on se représente parlant d’Amour parmi les femmes, un homme qui uniquement occupé de l’étude de son Art, passa avec les Poëtes Grecs le tems de la vie où les passions sont les plus vives.
car on est d’autant plus touché, qu’on a les passions plus vives.
Il entre, malgré ses gens, pénètre jusqu’à lui, et se jette à genoux au chevet de son lit, lui fait les plus grands éloges de ses vers Italiens, qu’il n’avait jamais vus, et qu’il n’aurait pas entendusk, et lui témoigne de la manière la plus vive la joie et la reconnaissance de l’honneur infini qu’il lui avait voulu faire en daignant se comparer à lui.
Il ajoute que les Airs de Lully tant répétés dans le monde, ne servent qu’à insinuer les passions décevantes, en les rendant plus agréables et plus vives, plus capables par le charme de la Musique de s’imprimer dans la mémoire, parce qu’elle prend d’abord l’oreille et le cœur.
Zénobie n’est pas moins admirable, quand elle a reconnu son mari et son meurtrier en même temps ; elle donne alors des marques si vives d’amour et de soumission à la volonté de Rhadamiste, que, dans toute situation, on peut la prendre pour un vrai modèle de vertu.
Elle avoit assez de beauté pour inspirer de grandes passions, tout le manège de la coquetterie pour les agacer, un esprit vif & enjoué, une imagination agréable pour les entretenir, un libertinage décidé pour les satisfaire, & toute l’irréligion nécessaire pour lever les scrupules. […] C’étoit une montagne de chaux vive, sur laquelle tomboit la pluie qui l’allumoit, pour marquer que les pleurs de la douleur allumoient les feux de son amour.
Convenons aussi que ce qui s’afflige & ce qui se plaint étant très-facile à représenter, fournit beaucoup à la Poësie Dramatique, & qu’au contraire une ame ferme & paisible étant toujours égale & uniforme est très-difficile à représenter, & que la peinture qu’on en pourroit faire ne seroit gueres vive ni gueres propre à frapper cette multitude d’hommes qui s’assemblent d’ordinaire dans les Théâtres. […] Elle ne se fait point par un récit, mais par [une Représentation vive, qui excitant] la Pitié & la Terreur, purge [& tempere] ces sortes de Passions [c’est-à dire qu’en émoussant ces Passions, elle leur ôte ce qu’elles ont d’excessif & de vicieux, & les ramene à un état moderé & conforme à la Raison].
« Quand les amusements sont indifférents par leur nature, […] c’est la nature des occupations qu’ils interrompent qui les fait juger bons ou mauvais ; surtout lorsqu’ils sont assez vifs pour devenir des occupations eux-mêmes, et substituer leur goût à celui du travail. »eu Rien de plus sage assurément que ce que vous dites ; et les spectacles devraient être proscrits s’ils entraînaient l’inconvénient que vous leur reprochez. […] Un homme laborieux n’a point de goût plus vif que celui du travail ; un paresseux, un libertin, trouvent toujours des raisons pour ne rien faire.
Dans son Ode sur la fuite du Monde, il appelle nos Théatres, une vive école des passions ; il falloit bien que les sentiments de ce grand homme fussent connus, puisque le Grand Vocabulaire est forcé d’avouer, qu’il pensoit comme les Théologiens, sur les dangers des spectacles. […] depuis quand regarde-t-on, comme des Comédies épurées, des piéces lubriques, une vive école des passions, & des maximes, qui feroient honneur dans le langage ordinaire ? […] Illicites & criminels, parcequ’ils sont la source de toute sorte de péchés, & une vive école des passions.