/ 634
453. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Quinzième Lettre. De madame Des Tianges. » pp. 275-277

… Oui, je te loue, je t’admire… mais je n’aurais pas pris cette route.

454. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XIV. Réponse a l’objection qu’il faut trouver du relâchement à l’esprit humain : que celui qu’on lui veut donner par la représentation des passions est réprouvé même par les philosophes : beaux principes de Platon. » pp. 58-60

La raison de ce philosophe était qu’en contrefaisant ou en imitant quelque chose, on en prenait l’esprit et le naturel : on devenait esclave avec un esclave ; vicieux avec un homme vicieux ; et surtout, en représentant les passions, il fallait former au-dedans celles dont on voulait porter au dehors l’expression et le caractère.

455. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre VII. Les spectacles favorisent les suicides. » pp. 90-92

Le vice s’embellit sur la scène, les maximes qui feraient horreur dans le langage ordinaire, s’y produisent impunément, y prennent même un air de noblesse et d’élévation.

456. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre X. Les spectacles ne sont propres qu’à rendre romanesques ceux qui les fréquentent. » pp. 102-104

Comme on ne représente sur le théâtre que des aventures galantes et extraordinaires, et que les discours de ceux qui y parlent sont assez éloignés de ceux dont on se sert dans la vie commune, on y prend insensiblement une disposition d’esprit romanesque et licencieuse, on se remplit la tête de héros et de héroïnes.

457. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Des anciens Spectacles. Livre premier. — Chapitre premier. Du Theatre. » pp. 73-99

La pensée vint à quelques-uns, de faire un Theatre plus estendu, où les divertissemens se prissent avec un peu plus de galanterie & de commodité. […] La vieille confusion des Seances du Peuple & des Senateurs, qui furent contraints de prendre leurs divertissements debout, & sans aucune distinction de rang & de qualité, dura cinq cens cinquante ans. […] La Seconde prit sa naissance de la simplicité des premiers Acteurs, qui se contentoient de l’ombre des arbres pour y pouvoir plus commodement divertir les Spectateurs.

458. (1541) Affaire du Parlement de Paris « Procès-verbal de l’action intentée devant le Parlement de Paris par le procureur général du Roi aux “maîtres entrepreneurs” du Mystère des Actes des Apôtres et du Mystère du Vieil Testament (8-12 décembre 1541) » pp. 80-82

Davantage a plusieurs choses au Vieil Testament qui n’est expédient déclarer au peuple, comme gens ignares et imbéciles qui pourraient prendre occasion de Judaïsmeay, à faute d’intelligence. […] De leur consentement, ledit Prévôt de Paris ou son lieutenant, en faisant lesdites lettres, permit audit Le Royer qu’il commence à faire faire quelques préparatifs pour l’exécution et, connaissant que lui seul il ne pourrait subvenir aux frais nécessaires pour la grandeur de l’acte et magnificence qu’il y fallait garder, associe avec lui quatre ou cinq honnêtes marchands de cette ville, et pour autant que tous étaient ignorants des frais que l’on pourrait faire, prennent avec eux un des maîtres entrepreneurs des Actes des Apôtres pour les instruire de ce qu’il leur conviendrait fairebj, et eux se pensant assurés au moyen de la permission du Roi et de la vérification du consentement des gens du Roy faitebk, marchandent aux marchands de draps de soie et autres pour les fournir des étoffes qu’il leur fallait et ont avancé grande somme de deniers, aux uns deux mille livres, aux autres sept cents, tellement qu’il y a obligation sur euxbl de plus de sept mille livres. […] [NDE] Les entrepreneurs soumettront à la cour leurs livres de compte pour que, après examen de ceux-ci, on les traite comme il convient (qu'on prenne à leur propos la décision raisonnable).

459. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre IV. Le Peuple doit-il aller à la Comédie ? » pp. 60-74

Ce n’est point avec les Lucile et les Marinette que se forme la femme forte qui prend la quenouille et le fuseau, file le lin et la laine. […] Mais prend-on garde qu’en nourrissant le vice, le théâtre fait à la population une plaie bien plus profonde que tout le Clergé séculier et régulier par la plus sévère continence. […] On s’en est plaint cent fois, on a pris des mesures pour favoriser, pour multiplier les mariages ; tout a été inutile, ces pays ne sont pas plus peuplés que les autres, la débauche y fait régner une stérilité plus étendue que celle des monastères.

460. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE II. » pp. 19-41

Moral. q. 11. raisonne ainsi : « C’est commettre un péché mortel, que de prendre plaisir à une action qui est péché mortel, ou qui ne se peut faire sans péché mortel ; or les Comédies ne peuvent se représenter sans péché mortel.  […] « Oui je lui ferai voir par d’infaillibles marques, Qu’un véritable amour brave la main des Parques, Et ne prend point de loi de ces cruels tyrans, Qu’un sort injurieux nous donne pour parents. Tu blâmes ma douleur, tu l’osez nommer lâche, Je l’aime d’autant plus, que plus elle te fâche. » Enfin l’Auteur dit qu’on trouve dans presque toutes les Comédies et dans tous les Romans, les passions vicieuses ainsi embellies et colorées d’un certain fard, qui les rend agréables : d’où il conclut que s’il n’est pas permis d’aimer les vices, on ne peut pas prendre plaisir aux choses qui ont pour but de les rendre aimables.

461. (1715) La critique du théâtre anglais « CHAPITRE II. L’Impiété du Théâtre Anglais. » pp. 93-168

Quel outrage de le prendre, autant qu’il est en nous, pour Acteur de nos coupables divertissements ? […] Il faudrait être bien affamé de sacrilèges pour prendre goût à ceux-ci. […] maintenant, prends ton essor, crime impie, crime impuni : il paraît que l’éternelle Providence s’est assoupie de lassitude, et qu’elle a opiné pour le meurtre par un signe de tête qu’elle a fait en sommeillant. […] après quelque délibération simulée entre la vertu et le crime, se détermine avec beaucoup de franchise pour le dernier : « Le parti que doit prendre une femme qui a de l’honneur, c’est de déshonorer son mari. […] Hercule dans l’excès de son tourment ne s’en prend point à la Religion :Trachin.

462. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — article » pp. 419-420

On prit cet accident pour un effort de la passion, comme en effet il pouvait l’être, & jamais cette Scène admirable n’a fait sur les Spectateurs une plus violente impression.

463. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Sixième Lettre. De madame Des Tianges. » pp. 40-72

Aussitôt j’ai pris la plume ; & pour t’amuser, me satisfaire, réussir peut-être à faire goûter ma Réforme, j’ai commencé le Projet dont je t’envoie la première feuille. […] Ils ont tous envisagé le Théâtre comme dangereux, non-seulement par ses Pièces, par la Musique, par les Danses, par le temps que les Spectacles consument, mais encore par le plaisir qu’ils procurent au Spectateur : c’est ainsi que par un excès de sévérité, ils n’ont fait que révolter l’homme raisonnable, qui sait bien qu’il peut se réjouir sans crime, que le plaisir est un don du Créateur, & qu’en prendre avec la modération convenable pour ne pas le détruire, c’est user du plus incontestable de ses droits. Pour moi, qui suis la première femme qui traite cette matière ; qui n’ai lu les Ouvrages des hommes que pour les contredire, je vais prendre un juste milieu : J’avance que le Théâtre peut être utile ou dangereux par ses Drames, par la Musique, par les Danses ; mais qu’il est toujours avantageux par le plaisir qu’il procure ; je dois le prouver dans un autre endroit. […] Cependant doit-on leur en faire un crime irrémissible, & n’est-ce qu’à eux que l’on peut s’en prendre… j’hésiterais à le dire, dans un Pays moins libre que le nôtre… mais c’est la faute à bien des gens.

464. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome I « Préambule » pp. -

s’écriait naguère un écrivain sensible : la vérité semble pour jamais exilée de la terre, la fourberie prend le langage de la bonne foi, la cupidité le masque du désintéressement, la calomnie aiguise son stylet, la délation tient d’une main le rameau d’or pour séduire, et de l’autre le poignard pour frapper ! […] Je prends pour exemple le justement célèbre Tartufe, par Molière, qui est réputé offrir la plus parfaite leçon de l’espèce ; parce que si je parviens à convaincre celui-là, il sera facile ensuite de juger ses coopérateurs.

465. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « L. H. Dancourt, Arlequin de Berlin, à Mr. J. J. Rousseau, citoyen de Genève. » pp. 1-12

La première lecture m’avait séduit : le vernis éblouissant de votre style m’avait fait prendre pour des vérités des sophismes très captieux pour ceux qui ne vous liront qu’une fois, et qui comme moi, se laissent trop facilement éblouir par les charmes de l’élocution. […] Augustin : « Je veux que vous vous ménagiez, car il est de l’homme sage de relâcher quelquefois son esprit appliqué à des affaires. » Cet Ange de l’Ecole indique ensuite l’espèce de plaisirs qu’il conseille de prendre.

466. (1834) Discours sur les plaisirs populaires « Discours sur les plaisirs populaires, les bals et les spectacles » pp. 1-33

Discours sur les plaisirs populaires, les bals et les spectacles « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés, je vous soulagerai ; Prenez mon joug sur vous et apprenez de moi que je suis doux et modeste de cœur ; et vous trouverez le repos de vos âmes. […] Jésus-Christ n’est point venu bouleverser la société, mais la régénérer : ce n’est point en aggravant le fardeau de la loi de Moïse qu’il a voulu faire venir les hommes à lui : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués, qui êtes chargés, je vous soulagerai. » Ce n’est point en changeant les habitudes des hommes, en rompant les liens qui les unissent mutuellement ; ce n’est point en les détournant des devoirs de citoyens ou même de sujets, qu’il a prétendu établir sa morale sainte, et faire de tous les hommes un peuple de frères : « Prenez, a-t-il dit, mon joug sur vous, et apprenez que je suis doux et modeste de cœur. » Ce n’est point par des craintes et des menaces, qui paralyseraient les hommes dans toutes leurs actions et qui tendraient à détourner toutes leurs pensées des choses de la terre pour les concentrer sur l’avenir qu’il promet à ceux qui suivront exactement ses préceptes, qu’il a voulu faire triompher sa doctrine divine, car il ajoute : « Et vous trouverez le repos de vos âmes. » Il n’a point exigé de ses disciples et de ceux qui seraient amenés à lui la renonciation aux plaisirs et aux jouissances que la bonté du créateur a attachées à l’humanité en compensation des maux naturels et physiques qui l’affligent, encore moins qu’ils se soumissent volontairement à des combats continuels contre leurs désirs, et même contre les passions qui sont l’âme de la société, et qu’ils cherchassent à amortir ces passions par des jeûnes, des privations, des tortures, car il dit en terminant : « Mon joug est doux, mon fardeau est léger. » Comment se fait-il, mes frères, que la loi nouvelle, douce, tolérante, consolante comme son divin auteur, soit devenue une religion n’imposant que de tristes devoirs, contrariant tous les sentiments de la nature, faisant, pour ainsi dire, haïr la vie et les moyens de la conserver ; religion toujours austère, toujours menaçante, toujours effrayante, et dont le joug serait cruel et le fardeau accablant, insupportable ? […] De là, cependant, les monastères de la Thébaïde : et c’est dans l’oisiveté de cette vie toute contemplative qu’ont pris naissance ces dogmes d’absurde intolérance, fruits de mystiques élucubrations, et qui, faisant oublier la morale de l’Evangile, l’ont remplacée par des jeûnes, des tortures, des mutilations. […] Promettez sur ce livre, et devant ces témoins, Que Dieu sera toujours le premier de vos soins ; Que sévère aux méchants et des bons le refuge, Entre le pauvre et vous vous prendrez Dieu pour juge ; Vous souvenant, mon fils, que, caché sous ce lin, Comme eux vous fûtes pauvre et comme eux orphelinu. » La comédie n’a pas un ton aussi imposant, aussi sévère ; mais combien elle est plus utile, et peut-elle être plus profitable pour l’universalité des citoyens ! […] [NDE] En juin 1814, Beugnot, nouveau directeur de la police, avait pris une ordonnance sur l’observation des dimanches, qui imposait la fermeture des boutiques, cafés, restaurants et débits de boissons.

467. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [I] » p. 418

Si l’on considère le but de nos Spectacles, & les talens nécessaires dans celui qui sait y faire un Rôle avec succès ; l’état de Comédien prendra nécessairement dans tout bon esprit ; le degré de considération qui lui est dû.

468. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XXVIII. Doctrine de l’écriture et de l’église sur le jeûne. » pp. 98-101

C’est pour entrer dans cet esprit d’affliction qu’on introduit cette pénible soustraction de la nourriture : pendant qu’on prenait sur le nécessaire de la vie, on n’avait garde de songer à donner dans le superflu : au contraire on joignait au jeûne tout ce qu’il y a d’affligeant et de mortifiant, le sac, la cendre, les pleurs ; parce que c’était « un temps d’expiation et de propitiation pour ses péchés » Ibid.

469. (1731) Discours sur la comédie « Lettre à Monsieur *** » pp. -

Enfin pour déterminer quel tour il serait à propos de prendre, il faudrait y penser, et vous savez, MONSIEUR, que j’ai autre chose à faire.

470. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE III. Réflexions sur le renouvellement du Théâtre. » pp. 36-41

Nous voyons de nos jours que les Spectateurs ne pensent pas que le Théâtre doive servir à la correction des mœurs : on le prend sur le pied d’amusement ; on en jouit avec avidité, et on s’embarrasse peu si les bonnes mœurs n’en souffrent pas.

471. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Des anciens Spectacles. Livre premier. — Chapitre II. Des Amphitheatres. » pp. 44-72

, & semblent donner droit à ce Tribun du Peuple également turbulant & ambitieux, de passer pour le premier Inventeur des Amphitheatre ; car dans le mesme endroit il est expressément remarqué que les plaisirs de la Scene y furent pris & donnez avec tant d’artifice, qu’encore qu’il y eust comme deux Theatres, l’adresse des Machinistes avoit si bien disposé les choses, que l’vn n’estoit point incommodé du bruit de l’autre : Et que le lendemain ces deux parties reunies par l’abatement de quelques separations, on ne voyoit plus qu’un enceinte, ou qu’un Amphi-theatre, où il donna le divertissement d’une chasse & d’un combat de Gladiateurs. […] L’on voit dans ce passage une premiere Chasse plus utile que perilleuse, & où le Peuple sans aucun risque emportoit tout ce qu’il pouvoit prendre, & s’attachoit à tout ce qui luy plaisoit d’avantage. […] Le femmes mesme prirent & donnerent ces divertissemens de l’Amphitheatre, & pour singularizer d’avantage dans leurs plaisirs, elles passerent les nuits à combatre aux flambeaux pour le divertissement du Prince & du Peuple.

472. (1707) Lettres sur la comédie « LETTRE, de Monsieur Despreaux. sur la Comédie. » pp. 272-275

Car puisqu’il faut vous dire le vrai, autant que je peux me ressouvenir de votre dernière pièce, vous prenez le change, et vous y confondez la Comédienne avec la Comédie, que dans mes raisonnements avec le Père Massillon j’ai, comme vous savez, exactement séparées.

473. (1715) La critique du théâtre anglais « PREFACE DE L’AUTEUR » pp. -

Pour leur rendre la justice qu’ils méritent : leurs mesures sont bien prises dans le dessein qu’ils ont de nous perdre tout à fait.

474. (1689) Le Missionnaire de l’Oratoire « [FRONTISPICE] — Chapitre » pp. 19-20

et disons avec Tertullien : Vicibus disposita res est : Chacun à son tour ; les gens du monde prennent leurs plaisirs, et vous vous affligez.

475. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE II. De la Tragédie. » pp. 65-91

Que présumer de là, sinon que si ces libertins et ces fils dénaturés venaient souvent aux spectacles, s’ils prenaient plaisir pendant deux heures par jour à entendre le langage de la Vertu, si l’on pouvait les habituer à venir souvent se convaincre de ses avantages dans nos Tragédies, l’amour naturel que vous leur supposez pour la Vertu deviendrait plus efficace. […] Impatient déjà d’expier son offense Au-devant de ton bras, je le sens qui s’avance Frappe. etc.. » bj Ce n’est point Phèdre directement, c’est Œnone sa confidente qui conduit la malheureuse intrigue qui cause la mort d’Hyppolite ; en un mot si l’on sent de l’horreur pour le crime de Phèdre, elle force en même temps le Spectateur d’aimer ses remords et sa vertu à l’exemple de ce Prélat si célèbre par les charmes de son éloquence, par la profondeur de son savoir et par l’éclat de ses vertus ; « Phèdre disait-il, toute incestueuse qu’elle est, me plaît par sa vertu. »bk Remarquez s’il vous plaît, que le Vice ne gagne rien à l’intérêt qu’on prend pour Phèdre, la vertu de celle-ci augmente au contraire l’exécration qu’Œnone mérite d’un bout à l’autre de la pièce. […] Permettez-moi de vous raconter un fait qui, quoiqu’assez comique, vous fera juger de l’effet que cette excellente Tragédie est capable de produire : tout Marseille vous en attestera la vérité, « Et vous entendrez là le cri de la nature. » Un Capitaine de Vaisseau qui n’avait jamais vu de spectacle, fut entraîné par ses amis à la Comédie, on y jouait Atrée ; notre homme, ébloui par des objets tout nouveaux pour lui, oubliant que c’était une fable qu’il voyait représenter, lorsqu’il entendit Atrée prononcer ce vers qui vous choque si fort et par lequel il s’applaudit du succès de ses crimes, notre homme dis-je, se leva tout à coup avec fureur en criant : « Donnez-moi mon fusil que je tue ce B. là. » Vous jugez bien qu’une pareille scène fit oublier la catastrophe à tous les autres Spectateurs et que bien en prit aux Acteurs que le vers qui mettait le Capitaine en fureur était le dernier de la pièce, car ils auraient eu peine à reprendre leur sérieux après une pareille saillie. […] Je vous laisse penser en même temps quel gré le Public vous saura de votre ingratitude, et s’il ne m’en saura pas davantage de prendre le parti de M. de Crébillon, dont je n’ai reçu d’autre service qu’une Mercuriale assez aigre, mais je l’avoue, très justement méritée.

/ 634