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386. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XXI. Réflexion sur le Cantique des cantiques et sur le chant de l’Eglise. » pp. 76-78

Ce cantique ne respire qu’un amour céleste, et cependant parce qu’il y est représenté sous la figure d’un amour humain, on défendait la lecture de ce divin poème à la jeunesse : aujourd’hui on ne craint point de l’inviter à voir soupirer des amants pour le plaisir seulement de les voir s’aimer, et pour goûter les douceurs d’une folle passion.

387. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — TROISIEME PARTIE. Des obstacles qui s’opposent parmi nous à la perfection de la Comédie. » pp. 57-75

En effet, qui est-ce qui a assez peu étudié l’histoire des passions humaines pour ne pas savoir qu’elles ont pris naissance avec l’homme, & qu’elles se sont perpétuées avec lui ; qu’elles sont aujourd’hui ce qu’elles étoient il y a mille ans ; que le tableau des mœurs de chaque siecle, & de chaque région de l’Univers se ressemble ? […] Il faut qu’elle sonde le cœur humain jusque dans ses replis les plus ténébreux, & que là, comme dans leurs sources elle étudie ces passions, qui font tant de ravage dans la Société, & qu’employant tout son art à les peindre d’après nature, elle montre sur la scène l’homme tel qu’il est, malgré ses déguisemens apparens.

388. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien premier. Sentiment du reverend Pere Bourdaloue de la Compagnie de Jesus, touchant les Bals & les Comedies en general. » pp. 8-16

Vaine excuse qu’ils traitoient, ou de déguisement & de mauvaise foi, ou d’erreur au moins & d’illusion : de déguisement & de mauvaise foi, parce qu’ils n’ignoroient pas que c’est un pretexte, dont veulent quelquefois se prevaloir les plus corrompus, cachant les desordres secrets de leur cœur, afin de justifier en apparence leur conduite, d’erreur au moins & d’illusion, parce qu’ils savoient combien on aime à s’aveugler soi-même, & combien la passion fait de progrès, qu’on n’aperçoit pas d’abord & qu’on ne veut pas apercevoir, mais qui ne diviennent ensuite que trop sensibles. […] je l’ai dit : quelques mondains, c’est-a-dire, un certain nombre des gens libertins, amateurs d’eux-mêmes ; & idolátres de leurs plaisirs ; de gens sans étude, sans connoissance, sans attention à leur Salut, de femmes vaines, dont toute la science se reduit à une parure, dont tout le desir est de paroître, & de se faire remarquer, dont tout le soin est de charmer le tems, & de se tenir en garde contre l’ennemi qui les surprend, dès que l’amusement leur manque, & qu’elles sont hors de la bagatelle ; mais ce qu’il y a souvent de plus déplorable, dont la passion cherche a se nourir & a s’allumer, lorsqu’il faudroit tout mettre en œuvre pour l’amortir & pour l’éteindre.

389. (1579) Petit fragment catechistic « Que les jeux des théâtres et les danses sont une suite de la science diabolique, opérante par philaphtie et amour de soi-même contraire à la foi opérante par charité, fondement de la Cité de Dieu. » pp. 20-26

  Nous ne lisons quasi aucun des Anciens, qui ait parlé de cette matière, qui ne reprenne beaucoup tels jeux : lesquels je suis aussi certain que les magistrats Chrétiens n’approuvent aucunement, ains étant chargés du pesant faix d’une si grande police, les permettent seulement, comme nous avons vu les prêches des hérétiques et bordeauxv publics être permis, en intention d’éviter plus grands maux : mais toutefois s’il fallait permettre le mal, il me semble du tout intolérable que ce soit sous le titre de la Passion, comme il ne serait loisible et ne devrait être permis aux femmes débauchées, se titrer de la confrérie de la très sacrée et très pure vierge Marie mère de Dieu. […] Je ne craindrai toutefois de dire et affirmer que de mon temps et demeure à Paris, ville beaucoup libertine et toutefois couverte d’une grande apparence et montre de la religion Catholique en cérémonies externes, je n’y en remarque chose plus professant le paganisme et blasphématrice contre Jésus Christ et sa très mémorable passion que les jeux, lesquels je désirerais que ceux de notre université eussent plus raisonnablement et louablement condamnés et fuis que imités ou tolérés les jours des saints Dimanches et autres fêtes solennelles principalement.

390. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre treizieme « Réflexions morales, politiques, historiques,et littéraires, sur le théatre. — Chapitre IV.  » pp. 113-155

Combien de Courtisans qui ne vivent que par les passions qu’ils font naître, ou qu’ils entretiennent ? […] Les Italiens entrerent mieux dans ses vues en suivant leurs propres passions ; ils ne donnerent que des spectacles purement prophanes & licencieux, comme ils font encore, quoique un peu plus voilés depuis qu’on a puni leur excessive licence. Ce n’est qu’un tissu de farces qui n’ont jamais roulé que sur des passions, des folies, des crimes, sans que jamais il y soit entré l’ombre la plus legere de religion, comme à la Comédie Françoise. […] On ne compose que dans cet esprit, on ne traite plus que des sujets prophanes ; les passions seules fournissent la matière dramatique. […] Elles ne jettent pas moins le Parterre & les Loges dans l’ivresse de la passion.

391. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — XV. Devoir des parens & des maîtres. » pp. 34-35

Ce ne sont point des traits morts, des couleurs séches qui agissent ; ce sont des personnages vivans, de vrais yeux animés de la passion, de vraies larmes dans les Acteurs, qui en font couler d’aussi véritables dans ceux qui les écoutent.

392. (1697) Satire à Mgr Bossuet « SATIRE A MONSEIGNEUR JAQUES BENIGNE BOSSUET. EVEQUE DE MEAUX. » pp. 46-48

Nous devons n’estimer qu’un cœur mortifié, Un cœur humble, sans fiel, et dont la vertu pure Se fasse un point d’honneur d’oublier une injure, Et préfère de voir ses passions aux fers, A la fausse grandeur de dompter l’Univers.

393. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TABLE » pp. 338-343

De la passion d’amour sur le Théâtre.

394. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Suite d’Anecdotes illustres. » pp. 184-225

Sa conduite étoit l’original que peignoient ses crayons ; Épicurien déclaré & Philosophe voluptueux qui ne modéroit la vivacité de ses passions & l’excès du plaisir, que pour le mieux goûter & en jouir plus long-temps, prétendoit que tous les hommes devoient plutôt suivre les mouvemens de la nature, que les réflexions de la raison qui jettent l’homme dans des égaremens aussi dangereux que ceux des passions . […] Cet ouvrage est écrit d’un style aisé, libre, simple, d’un homme de Cour que donne l’usage du grand monde plus que l’étude, le travail & même le génie, mais plein de traits hardis & mordans contre tout ce qu’il y a de respectable : le premier y donne du poids, mais le second les décrédite, ils sont préférables à quantité d’autres Mémoires qui ne sont que des romans, il y a réduit en système la morale lubrique ; les principes des actions humaines ne sont pas, selon lui, le vice ou la vertu, la tentation ou la grâce, le bon ou le mauvais usage de la liberté, ce sont les appetits naturels ; les passions ou la raison, le tempérament ou la fortune & l’habitude ; un vrai méchanisme ; distinction peu philosophique, les passions ne sont que les appetits naturels portés à l’excès ; l’un & l’autre effet naturel du tempérament, c’est à quoi il attribue tout ce qui s’est passé dans les événemens qu’il raconte, il suppose dans la Cour de France le système suivi du despotisme absolu dont il attribue le principe à Henri IV, malgré sa popularité souvent poussé trop loin par Richelieu, par Mazarin, & enfin consommé par les Colberts & Louvois & autres Ministres de Louis XIV pendant un long règne qui y a accoutumé pour toujours un peuple foible & docile. Ces ouvrages parlent fort peu du théatre, les plaisirs qu’on y goûte sont trop vifs, les passions qu’on y excite sont trop violentes, l’attention qu’il exige trop soutenue pour être du goût de la volupté paresseuse, dans laquelle il languissoit ; mais il rapporte deux fêtes théatrales qui furent données aux Princes avec le plus grand éclat : l’une à Anet par le Duc de Vendôme, l’autre à Chantilli par le Prince de Condé, qu’avoient imaginé & dont firent les honneurs & la joie trois hommes faits l’un pour l’autre : le grand Prieur de Vendôme, pieux Chevalier de Malthe, le dévot Abbé de Chaulieu & le sage Marquis de la Fare. […] La vraie guerre est celle des passions, elle cause toutes les autres ; les Héros sont des galans masqués en guerriers. […] Tous les grands mots de l’intérêt public, du bien du Royaume, du salut des peuples, ne sont qu’un vain son ; tous ces prétendus politiques ne sont que des libertins mis en mouvement par les passions, c’est un théatre où l’amour fait mouvoir les cordes, les poids, toute la machine ; ce n’est point le Machiniste, le Décorateur, c’est Cupidon qui donne le spectacle, c’est Cupidon qui bat la mesure à l’orchestre.

395. (1686) La Comédie défendue aux chrétiens pour diverses raisons [Traité des jeux et des divertissemens] « Chapitre XXV » pp. 299-346

La quatriéme, parce que, comme remarque Tertulliene, l’Ecriture condamne la Comédie & les Spectacles dans les passages qui nous défendent de suivre les desirs deréglez de la convoitise & de satisfaire nos passions ; dans ceux qui nous obligent de tendre toûjours à la perfection, laquelle consiste dans l’assujetissement des passions à la grace, ce qui ne se peut acquerir qu’en éloignant de l’esprit tout ce qui peut servir à les fortifier & à les y entretenir ; Et dans ceux qui nous défendent les moindres impuretez & les moindres paroles deshonnêtes ou frivoles. […] Car enfin le but de l’Opera est d’émouvoir les passions : & le but de la Religion Chrêtienne au contraire est de les calmer, de les abattre & de les détruire autant qu’il est possible en cette vie. […] Ainsi on ne peut estre parfait Chrêtien, que le corps du peché ne soit détruit, comme parle l’Apôtreb, que l’homme celeste ne régne, & que le vieil homme ne soit crucifié avec sesc passions & ses desirs déréglez. […] « Les Chrêtiens, dit-ila, ont pris des anciens Romains la folle coûtume de se masquer non pas un ou deux jours seulement comme eux, mais deux mois entiers avant le Carême, non pour honorer quelque fête, ainsi qu’il se pratiquoit autrefois à Rome, mais par le seule passion de faire les foüs. […] Saint Charles Borromé estoit animé de l’esprit des Peres de l’Eglise, lorsqu’il a ordonné aux Predicateurs de son Dioceseb « de prêcher souvent & fortement contre les danses & le bal, qui excitent les passions les plus dangereuses ».

396. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome II « La criticomanie. » pp. 1-104

Le changement de maîtresses, si conforme à la passion qui les fait rechercher, n’ayant pas de frein, est devenue une mode, ou un régime ; elles passaient de l’un à l’autre ; à tout âge, avec de l’argent, on était sûr de ne pas en manquer ; il s’était même établi des courtiers des deux sexes qui en procuraient, qui en faisaient commerce ! […] Il est possédé d’une passion folle, à la vérité ; mais il la combat, il en triomphe en homme vertueux. […] Son grand succès à faire rire de tout, même des hommes vertueux, (contre son intention, j’en suis persuadé, et je le répète) a causé des désordres d’autant plus rapides qu’en même temps qu’il rendait la vertu ridicule, il faisait naître généralement la passion de ridiculiser ; car c’est surtout à son exemple et à l’influence de ses comédies spirituelles et malignes que les Français et autres doivent leur manie de critiquer et de faire des satires, leur goût dominant pour le ridicule, la moquerie et les sarcasmes, où les pointes, qui percent partout, ne ménagent rien. […] Les écrivains bien intentionnés de notre temps, en réfléchissant sur le passé, s’abstiendraient sûrement dans bien des cas de ce mode dangereux d’instruction, s’il n’était consacré par l’usage, par l’exemple imposant des anciens, par des préjugés bien enracinés, surtout, s’il n’était soutenu aujourd’hui par les passions mêmes qu’il a fait naître, ou étendues et fortifiées, les quelles repoussent toute réflexion, et même tout soupçon qu’il soit mauvais, qui entraînent tout le monde depuis si long-temps comme elles ont entraîné l’auteur de la satire de Dervière, tartufe de bienfaisance, dans la comédie des Deux Gendres, satire qui place les hommes véritablement bienfaisants dans la situation malheureuse où le tartufe de religion a placé les vrais dévots. […] Je n’entreprendrai pas de le défendre contre une ligue formidable de passions, combinées encore avec celles d’un parti nouveau, qui vont combattre véritablement pro aris et focis ; j’en référerai à un temps, hélas !

397. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Huitième Lettre. De la même. » pp. 100-232

Pour que l’A-part mixte soit naturel, il est nécessaire que lorsque le personnage laisse échapper les paroles que lui arrache la passion qui l’agite, sa position le mette dans le cas de n’être entendu que de celui à qui il parle. […] de métaphysiques, quand elle exprime les passions, comme l’emportement la gaîté &c. […] Son jeu muet, un geste expressif, des mouvemens intelligens & sentis, font éprouver au Spectateur toutes les passions qu’elle veut exciter. […] Purge-t-on les passions en les excitant ? […] La fierté naturelle à notre sexe se réveilla ; la passion insensée d’une héroïne imaginaire, empêcha l’étourdie de succomber à la sienne.

398. (1824) Du danger des spectacles « INTRODUCTION. » pp. 1-3

On ne peut, d’ailleurs, mettre en doute que nos passions, notre corruption naturelle et l’amour du monde que nous portons dans le cœur, tout concourt à nous communiquer un invincible attachement pour tous ces amusements mondains que l’habitude et l’exemple rendent innocents à nos yeux.

399. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XVII.  » pp. 471-473

Ainsi les Poètes qui doivent s'accommoder à ces inclinations pour leur plaire, sont obligés de faire en sorte que leurs pièces roulent toujours sur ces trois passions; et de les remplir d'amour, de sentiments d'orgueil, et des maximes de l'honneur humain.

400. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XX.  » pp. 478-479

Il faut afin qu'il en puisse user sans péché, qu'il lui soit nécessaire en quelque manière, et que l'on puisse dire véritablement qu'il s'en sert avec la modération de celui qui en use, et non avec la passion de celui qui l'aime : « Utentis modestia, non amantis affectu.

401. (1675) Traité de la comédie « XVII.  » pp. 297-299

Ainsi les Poètes, qui pour leur plaire doivent s'accommoder à ces inclinations, sont obligés de faire en sorte que leurs pièces roulent toujours sur ces trois passions, et de les remplir ainsi d'amours, de sentiments d'orgueil, et des maximes de l'honneur humain.

402. (1675) Traité de la comédie « XX.  » pp. 306-308

Il faut afin qu'il en puisse user sans péché, qu'il lui soit nécessaire en quelque manière, et que l'on puisse dire véritablement qu'il s'en sert avec la modération de celui qui en use, et non avec la passion de celui qui l'aime : « Utentis modestia ?

403. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Du Fard. » pp. 143-168

Dieu permet que la santé ne souffre pas moins que les mœurs, des passions & des vices. […] Le rouge par exemple décide la colere & l’emportement, & nommément l’yvresse de la passion de l’impureté. […] On ne cherche tant d’inspirer l’amour, que pour satisfaire sa propre passion ; pour entretenir la blancheur, la fraîcheur, l’éclat de son teint ; cette Princesse voluptueuse se baignoit tous les jours dans du lait d’ânesse, & pour n’en point manquer, elle nourrissoit cinquante ânesses, qui la suivoient dans tout ses voyages ; elle les mena dans son exil, c’étoit la partie la plus chere de sa famille ; elle ne paroissoit que rarement en public, & toujours à demi voilée, ne laissant voir que le bas de son visage, & avec un voile fort transparent, afin de ne pas diminuer la réputation de sa beauté, en la prodiguant, mais plutôt l’augmenter, en donnant carriere à l’imagination, en faisant juger par ce qu’on voyoit à travers la gaze, que ce qu’on ne voyoit pas étoit encore plus admirable : Ne satiares aspectum , dit Tacite, ne soyons point dupes des apparences, dans cet art recherché, de se cacher ou de se découvrir à propos ; dans ce choix réfléchi de linge & d’étoffe transparante, dont le théatre donne tant de leçons ; il y a plus d’artifice que de modestie, on cherche plus à irriter la passion, par ces demi-confidences, qu’à lui en soustraire l’objet par une véritable pudeur. […] Son libertinage qui l’avoir livrée à toute sorte d’amans, malgré ses deux mariages, fut un peu modéré par la crainte de la jalousie de l’Empereur, qui ne l’auroit pas épargnée, aussi faisoit-elle la prude avec lui, se réfusant quelquefois à ses desirs, alléguant la sainteté de son mariage, & dans la vérité pour mieux irriter sa passion, par dès refus étudiés ; mais elle se dédommageoit en le portant à toutes sortes de débauches ; elle en fut la victime dans un de ces momens de brutalité qui étoient ordinaires, à ce Prince Néron piqué de quelque raillerie qu’elle lui avoit faite, sur son adresse à conduire un char, lui donna un si grand coup de pied, quoiqu’elle fût enceinte, qu’elle en périt avec son fruit.

404. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre IV. Maurice de Saxe. » pp. 118-145

Ses passions étoient des faillies d’un cœur facile à s’enflammer & facile à s’éteindre. […] Si ce n’est pas là de la saine morale ni de la bonne tactique, il y a du moins de l’esprit de savoir couvrir ses goûts, ses passions, sa frivolité du voile du bien public. […] Maurice tiroit parti de sa légereté en saveur de la gloire, sachant vaincre en héros les mêmes passions auxquelles il cédoit en homme vulgaire. […] Prince le plus chaste, le plus frugal, le plus austere, qui menoit la vie la plus dure, & ne vouloit voir aucune femme : il faut avoir toute l’ivresse de la passion pour croire qu’il remettra ses intérêts entre les mains d’une femme ; eh ! […] Pour se former une idée des richesses que la passion avoit accumulées, il faut connoître l’Electeur son pere.

405. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE I. Faut-il permettre aux femmes d’aller à la Comédie ? » pp. 4-29

Jamais les Courtisannes ne furent si séduisantes, ni étalées dans un jour si favorable, que des filles sur un théatre, exercées à la danse, au chant, au geste, à la déclamation, à des rôles, à se parer, à figurer, admirées, applaudies, choisies avec des talens & des graces, parlant toujours passion, en connoissant tous les rafinemens, entretenues, pensionnées, &c. […] Foix) où de jeunes filles voluptueusement parées s’assemblent à cinq heures du soir pour étaler sur un théatre tout ce qui est le plus capable d’exciter des désirs violens & des passions criminelles ; elles dansent avec indécence, chantent d’une voix luxurieuse, déclament avec des graces séduisantes, & emploient tout leur art à allumer des feux sur lesquels est fondé le plus beau de leurs revenus. […] Le théatre est précisément monté dans le goût des femmes, & assorti au caractere & aux foiblesses de leur sexe ; il flatte, il favorise toutes leurs passions, il semble n’être fait que pour elles. […] Elles sont infiniment susceptibles de tendresse, & portées à la passion : tout ici respire la licence, en offre les objets, en découvre les moyens, en inspire les sentimens, en lève les obstacles, en ôte la honte ; & ce qui les enchante, c’est que jetant un voile transparent sur le crime, on y familiarise en le déguisant, on soulage la pudeur en l’affoiblissant, on les flatte d’assez de vertu pour en éviter la grossiereté, d’assez de bonheur pour sauver les apparences, & d’assez d’indulgence dans le monde pour n’en être pas moins estimées ; leurs exploits font bien-tôt voir de quels lauriers méritent de ceindre leur front des guerrieres si bien exercées. […] On les suit dans toutes leurs démarches, toilette, jeu, bal, spectacles, visites, compagnies, habits, parure, fard, lettres, portraits, intrigues, passions, &c. elles y sont anatomisées, & toujours ridiculement : aucun de leurs défauts qu’on n’y retrace, laideur, âge, affectation, mollesse, dépenses, fainéantise, emportemens, esprits faux, médisance, malignité, caprices, bizarrerie, infidélité, tout y est représenté ; il n’y a point de comédie où on n’en dise quelque mal, où le mari, le frère, les enfans, les domestiques les voisins, les étrangers, les amans n’en fassent des portraits hideux.

406. (1789) Lettre à un père de famille. Sur les petits spectacles de Paris pp. 3-46

Violento apprend que sa sœur est avec une dame françoise ; il veut voir la françoise qui paroît voilée, ce qui n’empêche pas Violento de concevoir pour elle une grande passion ; elle se retire néanmoins avec l’Olive, qu’elle nomme Finette ; au dernier acte, l’Olive, dans ses vrais habits, vient jouer des airs de mandoline, sous les fenêtres d’Inès, signal convenu pour qu’elle sorte en habit d’homme et soit enlevée. […] Cassandre, dans la seconde pièce, devient amoureux d’une jeune fille que madame Prud’homme, femme dont la morale est fort peu scrupuleuse, a recueillie chez elle par charité, quoiqu’elle sçût bien déjà ses fredaines ; cette honnête matrone prend la peine d’enseigner à sa pupille les moyens d’inspirer de la passion au vieillard. […] Jerôme, voulant se guérir de sa passion pour Fanchonette, se met à boire chez un cabaret ; mais ne v’la t’y pas qu’il trouve l’amour au fond du demisquié ? […] Mais aujourd’hui, mais depuis que Monnet, le premier, eût décoré ses loges élégantes de taffetas bleu, bordé de franges d’argent, depuis que ces tréteaux ont eu des orchestres réguliers, qu’on y a eu recours à des danses volupteuses, à des évolutions militaires, à des patomimes ; depuis qu’on a eu la liberté de formes des troupes de comédiens-enfans, depuis enfin qu’au fonds des pièces qui a été constamment le même, c’est-à-dire, essentiellement ridicule, on a ajouté des accessoires propres du moins à flatter les passions, la bonne compagnie a appris le chemin du Préau de l’Abbaye, du fauxbourg Saint-Laurent et de la rue de Richelieu. […] En vérité les extravagances des confreres de la passion valoient mieux ; on s’y divertissoit aux dépens du Diable.

407. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — ESSAI SUR LES MOYENS. De rendre la Comédie utile aux Mœurs. » pp. 7-10

La Comédie a un grand avantage au-dessus des instructions philosophiques, contenues dans une infinité de bons ouvrages, en ce qu’elle expose sous les yeux un tableau animé des passions humaines, & qu’elle ébranle fortement les sens, pour porter par leur canal la conviction jusqu’au fond du cœur : car telle est la loi de l’union de l’ame avec le corps, que toutes nos idées ont pour cause premiere les objets sensibles, lesquels ne peuvent parvenir jusqu’au siége intellectuel sans y avoir été portées par les sens qui veillent sans cesse autour de l’ame pour l’avertir de ce qui se passe hors d’elle.

408. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quatorzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littérairesn sur le théatre. — [Introduction] » pp. 2-3

On y forme les intrigues, on y étale les graces, on y parle le langage de la passion ; les loges sont leur vrai théatre.

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