Je reverrai Claironk maîtresse de la Scène En longs habits de deuil sous les traits de Chimène Contre un cher ennemi, tendre objet de ses pleurs, Craindre de décider par ses vives douleurs La Justice d’un Roi qui l’aime, et qui balance, Ou Camille en fureur respirant la vengeance, Contre les jours d’un frère en ses criminels vœux Soulever la Nature, et l’Enfer, et les Cieux ; D’un laurier tout sanglant lui reprocher la gloire, Et le forcer enfin à souiller sa victoire.
Alors le changement des circonstances fournit d’heureuses applications, des intérêts différens, des situations neuves qui dépaysent, dénaturent en quelque sorte les objets & éffacent ces traits d’une ressemblance trop marquée.
Je vais apprendre au Public un trait de l’histoire de notre Opéra sur lequel on semble avoir jetté un voile, sans doute parce qu’il n’est pas trop à la gloire de l’Opéra-Comique.
Eschyle, leur premier Tragique, donna à la Tragédie un air gigantesque, des traits durs, une démarche fougueuse, c’était la Tragédie naissante, bien conformée dans toutes ses parties, mais encore destituée de cette politesse que l’art & le temps ajoutent aux inventions nouvelles : il falait la ramener à un certain vrai que les Poètes sont obligés de suivre jusque dans leurs fictions.
Ce n’était qu’une espèce de danse de village au son de la flûte, et à la suite de la danse venait un histrion qui récitait des vers rudes et sans art, pleins de traits de raillerie lancés au hasard sur les spectateurs, selon qu’ils se montraient plus ou moins ridicules.
pourquoi les voit-on chanter pour chanter, ne s’animer jamais* ; jeter, durant l’action des regards distraits, sourire & causer entr’eux, tandis qu’ils ne devraient pas laisser échaper un geste qui n’eût trait à leur personnage ? […] L’imitation des mœurs est le but de l’Action théâtrale ; dès qu’une Pièce représente exactement ce qui se passe & de la manière qu’il se passe, elle atteint ce naturel qui captive, & qui persuade : la vérité du Tableau séduit les yeux, plaît à l’esprit, intéresse le cœur ; chaque Spectateur, se dit, Je suis homme, tout ce que je vois ici a trait à l’humanité, & ne peut être étranger ou indifférent pour moi. […] Je sais encore qu’il faut grossir les traits du tableau pour réveiller le Spectateur ; & qu’il est très-difficile de le faire par ce beau naturel seulement qui, au lieu de battemens de mains, produit l’illusion. […] Je le répète, ce jeu est beau, comme les traits des Pièces de Corneille sont admirables ; mais il faut l’abandonner, ou du moins en user si sobrement, qu’on ne s’y livre qu’une fois dans une Représentation. […] Que l’Opéra puise dans Homère, dans Virgile, dans Ovide, l’Arioste, le Tasse, Milton ; dans les Romans merveilleux, & jusques dans Dom Quichote ; il pourra même entreprendre avec succès, de représenter les prodiges opérés en faveur des Enfans d’Israel : mais qu’il ne touche pas à l’histoire ; qu’il ne prenne aucun sujet trop récent ; quelque prodigieux que soit un fait de la Loi nouvelle, il ne peut l’employer : il faut que le fond sur lequel il bâtit, ou soit faux, comme celui des Amadis, ou fabuleux, comme celui d’Atys, d’Isis ou de Psyché ; ou que le trait se perde dans la nuit des siècles écoulés ; tels sont les sujets de Jephté, de Samson, &c.
16, rapporte ce trait : nous avons besoin de veiller à toute heure, pour avancés que nous soyons dans la perfection, d’autant que nos passions renaissent, même quelquefois après avoir vécu long-tems en réligion, & avoir fait un grand progrès dans la vertu : comme il arriva à Silvain, Réligieux de Saint Pacôme, dans le monde il étoit comédien de profession, & s’étant converti & fait Réligieux, il passa plusieurs années dans une mortification exemplaire, sans qu’on lui vit jamais faire aucun acte de son premier métier ; vingt ans après il pensa pouvoir faire quelque badinerie, sous prétexte de récréer ses Freres, croyant que ses passions fussent tellement amorties, & qu’elles n’eussent plus le pouvoir de le faire passer au-delà d’une simple récréation ; mas le pauvre homme fut bien trompé, car la passion de la joie se réveilla tellement, que des badineries, il passa aux dissolutions, de sorte qu’on résolut de le chasser ; ce que l’on eût fait, sans un des Réligieux qui demanda grace, & se rendit sa caution, promettant qu’il se corrigeroit, ce qu’il fit, & veçut depuis très-saintement : Naturam expelles furcâ tamen usque recurret. […] La scéne exagere tout, grossit les traits, ajoute des circonstances, pour plaire, pour faire rire : elle ne peut s’endispenser ; la vérité toute nue n’a aucune agrément, il faut nécessairement l’embellir, ou plutôt désigner tout.
Un trait singulier dans cette piece, c’est le plan d’une comédie contre le mariage, sous le titre, l’Époux amoureux de sa Femme, à l’occasion d’un nommé Sainfar, qui aime la sienne, & qu’on veut rendre ridicule. […] Il y avoit un autre trait de malignité : on y jouoit en entier un homme de Paris nommé Dandin, dont on avoit même pris le nom.
Un enfant du Marais, au courant du répertoire ordinaire des Théâtres secondaires, n’est point embarrassé aujourd’hui pour raisonner, si l’on veut bien nommer raison les traits que sa mémoire lui fournit ; il y en a même qui n’ont pas d’autre éducation, et dont les parents s’applaudissent d’une intelligence, qui fait naître souvent dans la société des scènes comme Molière en a si bien tracé dans ses comédies des Précieuses ridicules et des Femmes savantes. […] Je me rappelle un trait, qui peut servir d’histoire à beaucoup de nos modernes Panard : un grand seigneur fit une comédie, la fit jouer devant les parasites de sa cour ; ses gens l’applaudirent et le portèrent aux nues !
L’homme, né pour le travail, trouve sa juste punition dans le dégoût et l’ennui, qui empoisonnent jusqu’à la coupe du plaisir, quand il y veut boire à longs traits l’oubli même de ses devoirs, ou qu’il n’y cherche que les excès d’une coupable ivresse. […] Vrais connaisseurs, ils n’ignorent pas que ce n’est que dans le calme et le repos de l’âme, que le génie peut combiner ses ressources, et développer toutes ses forces pour arriver à son but : et faut-il donc, pour une expression indiscrète, pour un trait échappé dans la chaleur même de l’action, en arrêter l’heureux effet par un scandale public, ou frapper de nullité la défense la plus lumineuse et la plus légitime ? […] NDA Ceci rappelle le trait de l’empereur dont parle Racine le fils, dans son poème de la Religion : « Au plus juste courroux qui peut s’abandonner, Quand le prince lui-même apprend à pardonner ? […] Mais de longs traits de feu, jetés à l’aventure, D’une chaleur brûlante animaient sa peinture : C’était l’âme d’un père ouverte aux malheureux ; Son cœur se déchirait en gémissant sur eux ; Le faible et l’indigent croyaient voir à son zèle, L’ange consolateur les couvrir de son aile. […] La vengeance qu’il cherche à en tirer, en voulant les couvrir de ridicule n’a donc rien de raisonnable, et n’est, au fond, qu’un trait d’ingratitude dont la multitude qui s’amuse de tout, n’aperçoit pas la noirceur, mais que les gens sensés et sans passion ont bien su démêler à travers toutes les vaines déclamations qu’on fait en faveur de ceux qui cultivent l’art de jouer la comédie.
Luzignan, en semant dans cette scène les traits les plus frappans de sa chute, déchire les entrailles.
Il est vrai que bientôt l’extrême licence des gens d’Église blessa la cour même ; il fut défendu de jouer des pièces qui eussent trait aux mystères de la religion et aux choses saintes.
La maniere d’imiter consiste dans l’art de former des traits & des contours sur la toile, ou sur toute autre espece de table rase ; & les instruments ou les secours de l’Imitation, sont les couleurs qu’il employe. […] Je n’ai fait ici qu’une ébauche grossiere de ce qui regarde le premier point, où j’ai jetté rapidement, & peutêtre avec trop d’abondance, les premiers traits qui se sont présentés à mon esprit : les réflexions de l’Auteur, la fécondité de son génie & la délicatesse de son goût y suppléront avantageusement par les nouvelles découvertes qu’il fera dans le cœur humain, & par l’Art avec lequel il développera les ressorts des mouvements que je n’ai presque fait qu’indiquer ; il ne sçauroit au moins traiter cette matiere d’une maniere plus agréable ni plus intéressante pour ceux qui se plaisent à chercher dans la connoissance de l’homme le fondement des regles de la Poësie, comme de celles de la Rhétorique. […] Je ne ferai que les indiquer ici pour tracer une image légere de ce que je voudrois voir exécuté par l’Auteur, à qui il en coutera moins pour achever l’Ouvrage, qu’à moi pour en former le premier trait.
Un Peintre devient-il un malhonnête homme, quand il exprime avec art toute la méchanceté d’un Caligula dans les traits qu’il lui donne. […] Un Grand Prince vous a voulu payer un de vos ouvrages beaucoup plus qu’il ne vaut assurément ; vous ne vous êtes réservé superbement du présent qu’il vous faisait qu’un peu plus de ce qu’il valait, et vous avez renvoyé le reste, afin qu’on pût vous comparer à Diogène ; votre orgueil a percé comme celui de votre modèle ; car l’histoire ne dit pas que vous ayez fait aucune démarche pour que ce trait de modestie et de désintéressement fut dérobé à la connaissance du Public. […] Un Censeur sage, honnête homme et vraiment zélé, ne répand point le fiel et l’infamie sur ceux dont les mœurs le choquent, il leur montre le chemin de la Vertu et s’en tient là : mais quelle opinion n’est-il pas permis d’avoir d’un homme qui quitte le Paradis terrestre (car la magnifique description que vous faites de Genève en donne cette idée), quelle opinion, dis-je, n’est-il pas permis d’avoir d’un petit Auteur qui quitte un séjour si délicieux pour venir insulter une nation respectable, blâmer tous ses usages et ses goûts, lancer des traits critiques sur son Gouvernement, prêcher l’indépendance, et vanter le bonheur des Iroquois et des Caraïbes, c’est-à-dire l’orgueil, la férocité, la révolte, la cruauté à un Peuple accoutumé à chérir ses Rois, et qui se distingue par sa docilité, par son zèle et son respect pour les lois ?
J’aurais pu, en multipliant les citations, ne pas me borner à Louis XIV dont, quoique vous en disiez, la danse ne fut pas le plus grand péché ; une foule de traits auraient prouvé que ce prince n’était pas le seul qui eût du goût pour cet exercice : on sait que le duc de Chartres, depuis Régent, s’attira l’admiration de toute la cour par un menuet et une sarabande qu’il dansa au mariage du duc de Bourgogne, où celui-ci se distingua lui-même en dansant une courante.
Ces expressions, qui ne sont rien moins que des traits d’esprit, sont un jargon dont on déclare gravement qu’il ne faut que rire.
L’art du pantomime, l’adresse à contrefaire, la vivacité à exprimer des sentimens par l’inflexion de la voix, les nuances du geste, les traits du visage, le feu des regards, ne sont qu’un instinct naturel, une sorte de méchanisme qui résulte de la configuration des organes, sans que l’esprit & les vrais talens y entrent pour rien.
(expression singuliere, mais vive, qui marque que le vice à la faveur du plaisir s’insinue dans l’ame par l’oreille, comme l’harmonie des sons, & que le théatre est un accord de traits séduisans, comme l’orchestre fait un chœur de musique).
Cependant, comme il ne pouvait rien dire qui ne fût blâmé, l’auteur du Festin de Pierre, par un trait de prudence admirable, a trouvé le moyen de le faire connaître pour ce qu’il est sans le faire raisonner.
Je déteste surtout le tableau qui pendant toute la Tragédie est sans cesse devant mes yeux, de deux frères qui aiment Rodogune et qui nous présentent presque à la fois des traits d’un Héroïsme manqué, et d’une véritable faiblesse.
En voici des traits. […] L’Apollon devroit se voir lui-même dans ce tableau, qui rend si bien tous ses traits.