On a imaginé de mettre à la place de la toile qui forme le théatre, & qu’on leve au commencement de la piece, un grand papier huilé, bien tendu, qui demeure en place, à travers duquel on voit obscurement & on entend assez aisément les Acteurs, comme des figures noires, qui se remuent, & que le spectateur aura la bonté d’appeler des ombres. […] L’irréligion peut la saisir, & à la faveur des revenans & des diableries, tendre des pieges & lancer des traits contre la créance & l’éternité de l’enfer, la réalité du Purgatoire, la resurection des morts, l’immortalité de l’ame, la guerre que nous fait le Prince des ténèbres.
Et il n’est personne à qui il soit aisé d’en imposer sur la façon de les rendre : s’il est tendre, affectueux, compatissant ; on connoit le cœur humain, & personne n’ignore le ton qui lui est propre : qu’il soit enfin, ce rolle, doux, & bienfaisant, feroce & dur, sec & froid, triste & morne, sauvage, & héréssé : ce sont autant de caractéres dont chacun porte l’idée en quelque sorte & le sentiment en soi ; tout le monde sçait leur langage, & l’expression qui leur convient. […] Au défaut de la nature il semble que l’Art nous tend les bras ; & de-là ne sort-il pas en faveur du Théâtre si non des motifs pressans d’établissement dans tous les endroits où il n’y en a pas, du moins un principe de considération puissante dans ceux où il y en a ?
Arcum non semper tendit Apollo. […] Arcum non semper tendit Apollo.
Et vous devez aux Dieux compte de tout le sang Dont vous l’avez vengé pour monter à son rang. » On sacrifie les plus tendres sentiments, les objets les plus chers, la vie d’un amant. […] Le sombre Crébillon, dont le théâtre toujours tendu de deuil, et n’ayant que des poignards pour décorations, est une espèce d’échafaud où les Acteurs sont autant de bourreaux, qui ne parlent à chaque scène que de tuer quelqu’un ou se tuer eux-mêmes.
Les Romans les plus détaillés avoient oublié cette circonstance, dans la description de leur palais ; même l’abondant, l’inépuisable Scuderi, & sa seconde cousine dans sa carte du tendre, ou la garderobe auroit pu figurer, & donner matiere à quelque fine allusion.
Il raconte qu’une de ses maîtresses, qui étoit très-vertueuse, & menoit loin du monde une vie édifiante, & qu’il eut la bassesse de séduire par ses assiduités & ses caresses, eut à peine perdu le goût de la piété, qu’elle courut au théatre où elle n’alloit jamais, & où la premiere fois elle s’augmenta & se fortifia si bien, qu’elle devint scandaleuse, & assure que c’est au théatre que beaucoup de femmes tendent les pieges les plus dangereux, & font les plus honteuses conquêtes ; qu’il y fut pris par une femme très belle & très parée qu’il vit dans les loges, & dont il devint éperdument amoureux, malgré la résolution qu’il avoit prise de renoncer à l’amour, à toute sa vie licencieuse, qui n’a été que l’imitation du théatre, n’a été que le fuit de ce qu’il avoit entendu.
Elle lui tend la main, dit-on.
Dans la suite on tendit de grandes voiles soutenues par des mâts plantés d’espace en espace, pour se garantir du soleil et de la pluie.
Sera-t-il agréable à Dieu, cet Acteur efféminé, sans cesse occupé à se raser et à se farder, pour se donner des grâces, comme Iris et Bacchus, cet athlète qui se laisse souffleter, comme si pour se jouer du précepte du Seigneur, le démon ordonnait de tendre la joue à celui qui nous frappe ?
Qu’on examine encore de près la Fable de l’Ecrevisse, et l’on verra qu’elle tend plutôt à justifier la conduite d’une fille qui s’est perdue en suivant les méchants exemples d’une mère, qu’à blâmer celle de la mère. […] Ceux que vous appelez réformateurs, page 45, par une raillerie qui leur est fort agréable et fort honorable ont raison de vous dire, que quoiqu’on ne voit plus sur la Scène les licences des Anciens, il reste pourtant toujours quelque chose de cette première corruption déguisée sous de plus beaux noms, qu’on ne joue aujourd’hui aucune Pièce où il n’y ait quelque intrigue d’amour, où les passions ne soient dans tout leur éclat, où l’on ne parle d’ambition, de haine, de jalousie, et de vengeance ; ils pourraient ajouter que la plus belle Pièce est celle où 1’amour est traité d’une manière plus délicate, plus tendre et plus passionnée ; et que sans cela quelque belle qu’elle soit d’ailleurs, elle n’a d’autres succès que celui de dégoûter la plupart des spectateurs, et de faire mourir de faim les Comédiens ; que toute la différence de la beauté des Pièces ne consiste pas tant dans la beauté des Vers, mais dans les diverses manières de traiter l’amour, soit qu’on le fasse servir à quelque autre passion, pour la relever et lui donner de l’éclat, ou bien qu’on représente l’amour comme la passion qui domine dans le cœur. […] Quand il lui en a une fois donné l’envie, qu’elle y a été, qu’elle y a pris goût, le reste ne coûte plus rien au corrupteur, il s’est épargné de la peine ; les Acteurs ont soin de parler pour lui, et d’inspirer à cette jeune fille d’aussi tendres sentiments qu’il pourrait lui inspirer lui-même. […] et ne sait-on pas que ceux qui réussissent le mieux à jouer les Rôles les plus tendres, ce sont ceux qui ont le cœur le plus passionné ?
Nous pourrions célébrer la fête De Cipris & du tendre amour.
Cependant, comme le vice, toûjours semblable à lui-même, viole les mêmes loix, trouve les mêmes obstacles, a les mêmes intérêts à ménager, il régne sur le théatre une sorte d’accord & un systême de dépravation, tout tend au même but ; on sent que le démon dirige sa marche, combine les principes, fait agir les ressorts.
Tout cela assorti aux mœurs des nations, les peint parfaitement, quoique tout cela tende des pieges à l’innocence, & seconde la débauche des amans du théatre.
Bossuet n’en fait pas plus le panégyrique, & c’est assurément tendre un piege à l’innocence, que de donner par ses éloges l’envie de lire un Auteur si pernicieux.
La mort est une furieuse, qui ne garde aucune mesure, elle moissonne les fleurs en boutons, et joint quelquefois le commencement de la vie à la fin dans la plus tendre jeunesse, sans se mettre en peine si on y trouvera à redire.
Cependant, parce que le gain et l’intérêt était le seul but où tendaient les Comédiens, et la fin unique qu’ils se proposaient, nos ancêtres les ont toujours détestés ; ce qui paraît par quantité d’Arrêts que le Parlement a donnés contre eux, et qu’on a déja rapportés en d’autres écrits sur ce même sujet.
Ne donnez point un masque odieux à Philinte, pour en prêter un gracieux à Alceste, ils perdraient tous deux à la Métamorphose que vous leur prescrivez : laissez-nous voir les gens tels qu’ils sont, et que leur père les a faits ; et soyez sûr que la Vertu ne s’offensera pas plus de nous voir rire d’un fou qui défend la vérité comme un Dogue, que de nous voir estimer la prudence, la politesse, et la complaisance d’un homme qui se contente d’être honnête homme lui-même, en pardonnant aux autres leurs défauts, « Comme vices unis à l’humaine Nature. » dp Sachez Monsieur reconnaître dans Philinte un homme vertueux, un amant raisonnable, un ami tendre, sincère, et confiant : sachez qu’un sage à votre façon serait une espèce de fou tel que fut Diogène : sachez enfin que la Vertu, loin d’exclure les qualités sociales, leur a donné l’être elle-même : elle est donc bien éloignée de proscrire la politesse, la prudence, la complaisance et la discrétion, et de prendre des Ours pour ses Avocats.
Dès la plus tendre jeunesse, tout occupé de ces folies, a-t-on un moment à donner aux sciences ?
Quel modèle encore plus à notre portée que cet homme Dieu, en qui tout respire, la sagesse et la sainteté, et qui dès l'âge le plus tendre en développaient peu à peu les trésors !
Tertullien considerant que les premiers Chrétiens dont la foy étoit encore tendre & delicate, se laissoient entraîner au plaisirs des spectacles publiques, par l’exemple des Gentils, a employé toute la force de ses raisons pour les en détourner, en leur faisant voir que les divertissemens du theatre n’étoient proprement qu’un reste de superstition & d’idolatrie, qui perseveroit encore dans le christianisme, à la honte des Chrétiens ; & que toutes les choses qui se representoient dans ces fortes de spectacles, n’étoient dans le fond qu’une idolatrie deguisée, & qu’un paganisme travesty, dont le demon étoit l’autheur ; je ne sçay pas ce que vous en pensés, mais voicy ce qu’il en a dit : dæmones ab initio prospicientes sibi . […] Cét illustre Penitent ne parloit point là à mon sens, des spectacles sanglans, dans lesquels un gladiateur, ou un lyon étoit la victime sacrifiée au divertissement du peuple, la mort ny le carnage ne faisoit point le plaisir d’Augustin, son cœur étoit occupé d’une passion plus douce & plus tendre, amare & amari mihi dulce eratIdem c. 2.
Cela étant arrêté de la sorte avec une joie extrême de la part du bonhomme, Panulphe le prie de trouver bon qu’« il ne parle pas plus à sa femme », et de ne l’obliger plus à avoir aucun commerce avec elle : à quoi l’autre répond, donnant dans piège que lui tend l’Hypocrite, qu’« il veut, au contraire qu’ils soient toujours ensemble, en dépit de tout le monde ». […] Mais tout cela, comme j’ai dit, avec le plus grand respect et la plus tendre amitié du monde.