C’est un ressort étranger qui met en mouvement une belle machine qui sembloit en repos, mais qui n’ajoute rien à sa perfection ; puisque le mouvement n’est qu’un accident, une modification qui n’est ni bonne ni mauvaise par elle-même.
Cependant quoiqu’il refuse de s’expliquer, & qu’il décline la dispute, ne trouvez pas mauvais que je traite la question, elle vous intéresse trop pour la taire.
« On prétend que l’utilité de cette piéce sera très-grande, parce qu’elle accoutumera le monde à se mieux précautionner contre les friponneries des Procureurs, & parce qu’elle corrigera de leurs mauvaises habitudes les Procureurs mal-honnêtes gens ; rien n’étant plus propre, dit-on, à guérir les maladies de l’ame, qu’une Comédie qui en représente finement le ridicule.
Le moyen que je viens de proposer, pour rendre utile le Théâtre-Ephébique, n’est pas le seul ; il en est un autre, peut-être moins avantageux pour les jeunes Acteurs, mais dont l’effet serait plus présent pour le Public : Qu’on abandonne tout-à-fait le mauvais genre de Pièces, adopté, faute de pouvoir mieux par le Néomime soumis au caprice des Grands-Comédiens : au lieu d’intrigues communes & triviales, de passions froides, dont l’expression est aussi gauche que messéante dans la bouche des Enfans-acteurs, qu’ils jouent de petites Pièces plus proportionnées à leur âge ; par exemple, que ces nouvelles Atellanes peignent les passions, les goûts, les défauts de l’Enfance : qu’on prenne encore des sujets naïfs dans les Fables de Lafontaine de Lamotte &c.
L’Ouvrage dont je donne ici la Traduction est fameux en Angleterre sous ce titre : Examen abrégé des mauvaises mœurs et de la profanation du Théâtre Anglais : avec le sentiment de l’antiquité sur ce sujet.
Il y a plus d’une passion, et par conséquent plus d’un châtiment. » Pour peu que l’on réfléchisse sur tout ce qui vient d’être dit, on reconnaîtra facilement qu’il n’est pas possible de fréquenter les spectacles sans en recevoir de mauvaises impressions, et qu’il n’est pas permis d’y aller pour éprouver par soi-même s’il y a du danger de les fréquenter.
[NDA] Pourquoi tout ceci se trouve-t-il en pure perte dans un mauvais livre ?
Faut-il corrompre l’innocence par ces mauvaises impressions ?
Rolin, ancien Recteur, et toute sa vie Professeur de l’Université, après avoir détaillé les embarras des Régents, la difficulté de composer des pièces, de trouver des écoliers propres, et de les contenir quand ils se croient nécessaires, la dépense du spectacle, le peu de succès, le risque pour la santé, la perte du temps deux ou trois mois à l’avance, l’inutilité de tant de peines, les écoliers oubliant le lendemain ce qu’ils ont appris, le soin de corriger les pièces, de les mutiler, en retranchant les rôles des femmes, ajoute fort sensément : « Il peut y avoir dans cet usage un défaut commun aux bonnes et aux mauvaises tragédies. […] Ainsi sont interdites toutes les pièces des Comédiens, qui toutes sont dans la langue du pays, presque toutes sur des sujets profanes, la plupart mauvais, toujours représentées par des femmes sans mœurs, sans modestie, d’une manière très séduisante.
Les maximes impies qu’elles renferment tendent à inoculer de mauvais principes aux hommes et à affaiblir en eux ce respect et cette crainte religieuse que la Divinité et les choses divines doivent inspirer ; le libertinage qu’on y rencontre à chaque pas est éminemment propre à infecter l’esprit des hommes, et à les disposer à la débauche et à la dissolution. […] « Vous reconnaissez que Dieu vous ordonne la pureté dans la conversation, qu’il vous défend les discours insensés et les plaisanteries indécentes aussi sévèrement qu’il vous défend de prendre son nom en vain : vous savez qu’il vous a été recommandé de ne laisser échapper de votre bouche aucune parole impure ; et néanmoins vous allez dans un lieu où vous n’entendez qu’un langage impur et profane ; les hommes que vous voyez ne vous entretiennent que d’objets grossiers et immoraux ; ces hommes sont chargés de revêtir toutes ces obscénités de toute la magie du langage, afin de vous en faire avaler le poison, et ils poussent si loin cet art funeste, qu’il n’est point de mauvaise compagnie qui pût vous être aussi fatale !
Il est vrai que l’amour insensé d’Eriphile pourrait paraître illégitime ; mais, outre que c’est un amour caché et nullement de mauvais exemple, on verra qu’il est si malheureux, qu’il peut même servir d’instruction. […] Mais je répondrais en premier lieu que, dans le nombre de ces Tragédies que je conserve, je n’ai pas prétendu qu’elles fussent toutes dignes d’être conservées en leur entier ; je sais que la plupart de ces Pièces pourraient être placées dans la classe de celles qui ont besoin d’être corrigées ; cependant, si on venait à les représenter telles qu’elles sont sans aucun changement, je me flatte qu’on n’y trouverait rien de contraire aux bonnes mœurs, ni qui fût de mauvais exemple : et, quant aux petites bagatelles qui mériteraient ou d’être corrigées, ou d’être supprimées totalement, je m’en rapporte à ceux qui seront nommés, en cas que mon projet réussisse, pour examiner les Pièces du Théâtre de la réforme plus sévèrement que je n’ai prétendu le faire.
Je cherchois à étouffer cette voix des remords, à laquelle on n’impose point silence, ou je croyois y répondre par de mauvaises autorités que je me donnois pour bonnes.
Mauvaise conséquence : qui jamais a approuvé tous les livres qu’il lit ou qu’il cite, encore moins la représentation de tout ce qu’il a lu ?
On en trouvera plusieurs exemples dans un petit & mauvais livre, dicté par l’irréligion, de ceux qui sont morts en plaisantant. […] Ils n’y entrerent qu’après que les intrigues de la Reine, l’approbation des Etats, l’autorisation du Roi, l’exemple de toute la Cour, les arrêts du Parlement, leur en eurent fait une nécessité sous peine de passer pour mauvais sujets, & mauvais Catholiques. […] Dieu envoie quelquefois au monde de mauvais Princes pour punir les péchés des hommes.
Bien examiner le parti qu’on doit prendre alors, voir si comme les habiles joueurs nous pourrons rectifier par notre bonne conduite le mauvais coup que le dé nous a amené, & ne pas faire comme les enfans qui étant tombés, perdent le temps à crier en portant la main à l’endroit où ils se sont blessés ; mais au contraire accoutumer notre ame à appliquer promptement des remedes à la playe, sans s’amuser à se lamenter. […] Comment donc appellerons-nous cette autre Partie qui ne cesse de nous attendrir sur nous-mêmes & sur notre mauvaise fortune, qui nous porte aux plaintes, & qui ne peut se rassasier de lamentations ? […] Mais nous n’avons pas encore découvert ce qu’il y a de plus mauvais dans cette Poësie. […] Aristote va plus loin, & après avoir dit qu’il faut qu’une action s’acheve ou ne s’acheve pas, & que ceux qui la commettent agissent ou par ignorance ou avec connoissance ; il ajoute : « De ces manieres la plus mauvaise, c’est lorsqu’un homme veut faire une action horrible avec connoissance de cause, & qu’il ne l’acheve pas, car il n’y a rien en cela que de Scélérat, & il n’y a point de Tragique, [n’y ayant point de sang répandu] aussi il arrive peu qu’on représente rien de cette Nature.
Disons plutôt qu’elle ressemble à l’Auteur d’un mauvais livre, qui en amusant l’esprit par l’élégance, corrompt le cœur par la liberté, ou à un Peintre de nudités qui outre la beauté de la peinture, souille l’imagination par l’obscénité. […] Quelques Comédiens peuvent vouloir perdre de bonne heure leurs enfans, quelques mondaines, éleves du théatre, peuvent donner une mauvaise éducation ; mais rarement les parens font une loi de la grande parure ; soit modestie, soit économie, l’excès, l’affectation ne viennent guere que de la jeunesse. […] Mais la vanité, la corruption des enfans, la mauvaise compagnie qui les séduit, trop d’intelligence avec les parens, en allant bien plus loin, leur arraché, malgré eux, des dépenses aussi folles que pernicieuses à leurs ames, & ruineuses pour leur fortune.
Le pouvoir arbitraire, comme ces mauvaises herbes qui croissent et se multiplient rapidement, repousse bientôt, et couvre de ses rejetons malfaisans l’autel même de la liberté. […] Mais c’étoit sur-tout quand les gentilshommes de la chambre vouloient soutenir une mauvaise actrice, qui avoit pour eux des talens particuliers, qu’on déployoit toute la puissance des baïonnettes. […] L’Opéra ayant la suprématie, tous les autres théâtres lui étoient subordonnés, et il levoit sur eux, même sur le théâtre François et sur le théâtre Italien, un impôt assez considérable pour leur permettre de mauvais ballets.
Aucune nation n’a si bien réussi dans l’art dramatique, aucune n’a composé tant de pieces, & de tant d’espèces ; & quoique le très-grand nombre soient mauvaises, aucune nation n’en a composé tant de bonnes, & de si bonnes. […] Un peuple entier dont le mauvais gouvernement autorisoit ces infames licences, méritoit bien de devenir l’esclave des Romains, & de l’être aujourd’hui des Turcs.
Car outre que le commencement vint par des esclaves, qui estoient des miserables abandonnez à leurs mauvais destins ; ceux qu’on éleva & qu’on instruisit à ce mestier n’y acquirent pas plus de gloire. […] leur a demeuré ; mais j’aurois mauvaise opinion de leur bonne chere, si ie m’abandonnois à tout croire ce que dit cét Autheur.
Si les Spectacles sont bons ou mauvais en eux-mêmes ? […] Une Comédie qui ne corrige pas le vice, & n’attaque que le ridicule, est une mauvaise Comédie.
Quant aux viandes qui ont été immolées aux Idoles, nous n’ignorons pas que nous avons… sur ce sujét asséz de science , nous sçavons asséz, qu’elles ne contractent par cette immolation aucune foüillure, qui les rende immondes, & qui en interdise l’usage : mais la science enfle, & la charité édifie : ainsi il ne faut pas écouter seulement nôtre science, & faire tout ce, qu’elle nous assure être permis ; mais il faut encore consulter la charité, & voir ce qu’elle demande de nous… Quant à ce qui est donc de manger des viandes immolées aux Idoles , cela n’est pas mauvais en soi : … ne vous faites donc pas une peine de ne pouvoir user de la liberté que vous avez de manger de tout : Mais prennez garde, que cette liberté, que vous avez, ne soit aux foibles une occasion de chute , comme elle le pourroit être, si vous vous en serviez en leur présence ; car si l’un d’eux en voit un de ceux qui sont plus sçavans & mieux instruits de la liberté que lui donne l’Evangile, assis à table dans un lieu consacréaux Idoles, ne sera-t-il pas porté lui, qui est encore foible, à manger aussi de ces viandes sacrifiées , & ainsi vous perdrez par vôtre science , & par l’usage que vous en faites, vôtre Frere, qui est encore foible, pour qui Jesus-Christ est mort. […] Mais afin que ce Pere n’attire pas sur lui & sur sa Fille les malheurs, que Dieu répand ordinairement sur les Peres, qui par leurs exemples, & par le mauvais usage de leur empire perdent les doux fruits d’un saint Sacrament ; je supplie ce Pere qu’il se souvienne, que la providence Divine ne lui a pas donné cette Fille pour lui, mais pour elle-même ; que, si cette fille est le gage de l’amitié de Madame son Epouse, elle est aussi le fruit du Sang de Jesus-Christ ; que, si elle est noble par sa naissance, elle est Chrêtienne par son Batême ; que cette seconde qualité lui est plus avantageuse, plus necessaire, & plus glorieuse que la prémiere, & qu’ainsi il n’est pas seulement obligé de l’élever en Fille de condition, mais qu’il est encore plus obligé de l’élever en Chrêtienne, & qu’il doit plus travailler à lui inspirer l’esprit de l’Evangile, que l’air, & les manieres du monde.