Elle fit revenir malgré lui sur la scène le pieux Racine, que la religion & la vertu en avoient arraché, & revivre les talens séduisans & les coupables écrits dont il avoit connu le danger & la gloire funeste qu’il arrosoit de ses larmes, & rallumer les feux demi-éteints de Louis XIV pour des jeux que, par un pareil motif, il avoit cru devoir s’interdire, & se reprochoit d’avoir trop aimé.
« Lorsque l’on fait des jeux, il faut les faire en jouant, & les accompagner d’une grace naive & simple, non pas d’un appareil de grand éclat. » Scaliger encourage les Poètes du Théâtre moderne à être simples : « En un mot, dit-il, les petits sujets entre les mains d’un Poète ingénieux ne sauraient mal réussir16. » D’Aubignac dit encore la même chose : « Il faut remarquer aussi que le Poète doit toujours rendre son action la plus simple qu’il lui sera possible17. » En voilà assez pour éxcuser notre Opéra.
Ovide, dans sa fameuse apologie adressée à l’Empereur Auguste, avoue que les jeux sont des semences de corruption, & il exhorte ce Prince à supprimer les théâtres.
Tertullien 13, Saint Clément d’Alexandrie 14, Saint Cyprien,15, Lactance 16, Saint Jean-Chrysostôme 17, Saint Augustin 18, Salvien 19, etc. décident « qu’un Chrétien ne peut assister aux Spectacles, sans abjurer sa Religion, et sans violer la promesse qu’il a faite dans son Baptême, de renoncer au démon, à ses pompes et à ses œuvres. » Et qu’on ne dise pas que les Pères n’ont parlé que des jeux du cirque et des combats de gladiateurs, dont il ne reste plus aucune trace : c’est une fausseté. […] Quels dangers dans le jeu passionné et indécent des acteurs, et dans la licence ou l’immodestie souvent plus criminelle des spectateurs !
Ils ont reconnu des Harpagons dans tous les degrés de l’avarice, et même dans une sage économie : tel fils a insulté et volé son père, parce qu’il lui refusait les choses nécessaires à la vie ; tel autre a manqué au sien, parce qu’il ne voulait rien y ajouter ; celui-ci, adonné aux jeux, aux plaisirs, aux dépenses folles, s’est élevé insolemment contre son père prudent, en qui il voyait un autre Harpagon, parce qu’il lui refusait de l’argent, ne voulant pas contribuer à ses excès : celle-là s’est comportée de même envers sa mère qui, ayant ou prévoyant des besoins plus urgents, lui refusait le prix d’une parure dont elle pouvait se passer, etc. […] Et si je croyais que ce rejeton dût être aussi fécond que sa tige, je n’en excepterais même pas ceux qui ont le moyen de prouver leur bon cœur par de grands sacrifices ; car l’égoïsme, ou la malignité, saurait trouver aussi quelque principe vicieux à leurs bonnes actions ; et les aumônes faites aux pauvres ne prouveraient pas mieux la pure bienfaisance que les offrandes faites à l’église ne prouvent la vraie religion depuis le jeu qu’on a fait du culte extérieur.
L’autre est un beau jeu du sens de ces mots, « c’est un homme », qui concluent très véritablement, que Panulphe est extrêmement un homme, c’est-à-dire un fourbe, un méchant, un traître et un animal très pervers, dans le langage de l’ancienne Comédie : et enfin la merveille que l’on trouve dans l’admiration que notre entêté a pour son bigot, quoiqu’il ne sache que dire pour le louer, montre parfaitement le pouvoir vraiment étrange de la Religion sur les esprits des hommes, qui ne leur permet pas de faire aucune réflexion sur les défauts de ceux qu’ils estiment pieux, et qui est plus grand lui seul, que celui de toutes les autres choses ensemble. […] C’est peut-être une adresse de l’auteur de ne l’avoir pas fait voir plus tôt, mais seulement quand l’action est échauffée ; car un caractère de cette force tomberait, s’il paraissait sans faire d’abord un jeu digne de lui ; ce qui ne se pouvait que dans le fort de l’action. […] Enfin elle fait son message, et il le reçoit avec une joie qui le décontenance, et le jette un peu hors de son rôle : et c’est ici où l’on voit représentée mieux que nulle part ailleurs, la force de l’amour, et les grands et les beaux jeux que cette passion peut faire par les effets involontaires qu’il produit dans l’âme de toutes la plus concertée.
Le Theatre, ou la Scene, ou l’Echafaut avoit cinq pieds de hauteur, & plus ou moins de profondeur, selon le besoin, le jeu, le lieu & la dépense.
Tous ces vastes projets de Monarchie universelle, et les mouvements qu’on se donne pour les faire réussir comme des jeux d’enfants, des toiles d’araignées, le mouvement irrégulier de ces petits moucherons qui voltigent au hasard dans l’air, toute leur prétendue gloire comme de l’herbe, non pas celle qui a quelque racine telle que le blé, mais que la fraîcheur de la terre produit en un moment, et que la chaleur du soleil brûle et sèche aussi vite, comme un songe dont il ne reste aucun souvenir, ou bien un tourbillon de fumée qui plus il occupe d’espace, plus il fait paraître en se dissipant le vide dont il était composé.
« Oui, mes Frères, ajoute ce Saint, c’est le démon qui a fait un art de ces divertissements et de ces jeux, pour attirer à lui les soldats de Jésus-Christ, et pour relâcher toute la vigueur et comme les nerfs de leur vertu.
Cette conduite ne convient qu’aux amateurs du siecle, pour qui le démon a fait un art tout nouveau & une espece de Philosophie des divertissements & des jeux, in artem jocos, ludosque digessit. […] On sçait, qu’un Discours prononcé contre les jeux qu’on célebroit à la dédicace de la statuë de l’Imperatrice Eudoxie, renouvella la persecution contre ce grand homme ; & comme elle ne finit qu’avec sa vie, il doit estre reconnu pour le martyr de la doctrine de l’Eglise contre les spectacles.
On institua par la suite en Grèce des prix pour le plus fameux Musiciens ; ce fut, je crois, dans les jeux Isthimiques. […] Dès l’an 1415 de la fondation de Rome, elle y fut établie avec assez d’éclat sous le Consulat de Sulpicius Pelicus ; les jeux Sceniques en furent la principale cause.
Ce prétendu jeu de Théâtre n’est pas rare dans le Relaps. […] » Ce mauvais jeu de mots tombe sur un passage de la GenèseGenes. c. 2 appliqué depuis par notre Seigneur au sujet du divorce.
La plus dangereuse est la peinture à faux, dramatique, de l’homme et de la société, ou cette infidélité des tableaux vivants qui sont censés être ceux des mœurs ou de la vie commune de tel rang, de telle corporation, ou de tel âge ou bien de telles personnes que la malignité désigne, et qui vont être décriées, flétries, peut-être mises au désespoir ; il consiste aussi dans la solennité et l’éclat des représentations, avec tous les prestiges du théâtre ; c’est encore en réunissant la fiction à la vérité, en accumulant à plaisir les vices, en les combinant et faisant supposer une liaison naturelle entre eux ; c’est l’éternelle image des passions humaines les plus honteuses sous les traits sacrés de la vertu qu’enfin on ne croit plus voir nulle part qu’en apparence, que l’on méconnaît et décourage par trop de défiance, ou qu’on insulte par malignité ; enfin, c’est en créant ainsi et faisant agir avec toute l’énergie possible, sous les yeux de la multitude des personnages monstrueux qui servent d’excuse et d’encouragement aux méchants, qui font horreur aux bons et, comme je l’ai déjà dit, portent l’agitation dans les esprits faibles, l’inquiétude ou l’animosité dans les cœurs, exaltent la tête de tous, et vont de la scène publique provoquer la persécution, porter les désordres dans les scènes privées de la vie, où toutes les passions excitées imitent la hardiesse des auteurs, cherchent à réaliser leurs chimères jusques sur la vertu la plus pure : « Là de nos voluptés l’image la plus vive ; Frappe, enlève les sens, tient une âme captive ; Le jeu des passions saisit le spectateur ; Il aime, il hait, il pleure, et lui-même est acteur. » Voilà plus clairement comme il arrive que ces critiques vantées manquent leur but, sont de nul effet contre le vice audacieux, sur l’hypocrite impudent qui atteste Dieu et la religion en faisant bonne contenance au rang des victimes nombreuses des aggressions aveugles et des calomnies effrontées.
On me répondra peut-être, qu’il faudrait que le lieu de la Scène fut alors dans l’obscurité ; ce qui ferait perdre beaucoup au jeu des Acteurs, & a la pompe du Spectacle.
L es jeux du Cirque estant apuyez, partie sur la Religion, partie sur la Coustume, subsisterent malgré le changement des gousts & des temps.
Mais supposant le Balet, comme un Jeu, ou comme un Ouvrage de bel esprit ou de Poëte, (car l’alternative est juste :) Il est vray de dire que les airs sur lesquels on dance les diverses Entrées, doivent estre reglées par luy. […] Dans les Musiques d’Eglise ou de Chapelle, il a un sens singulier, & ne veut dire, qu’un silence du grand Chœur, & que le Jeu & l’employ d’une seule voix, ou d’un fort petit nombre du petit Chœur, qui comme des partis detachez d’un gros qui les soûtient, font quelques coups d’éclat & d’apparence. […] De sorte qu’on peut justement dire que le Recit n’est pas un recit ; que les voix, ne sont que des Jeux d’Orgues, & des Concerts d’Instrumens.
Qu’on célebre par des spectacle, les victoires, les entrées des princes, ces jeux ont du moins quelque chose d’analogue à leur destination : mais quel rapport ou plutôt quel contraste de l’entrée d’un saint dans le ciel avec un opéra ? […] Ces jeux d’esprit sont bien dangereux dans ce siecle, contre les intentions sans doute de l’abbé de Condillac ; puisque le matérialiste en abuse, pour faire voir que l’on peut venir par le méchanisme des organes.
Delà l’invention des paroles & du dialogue dans les Piéces ; il me semble voir chaque père de famille, le front couronné de pampre & de lierre, assister à ces jeux naïfs, marquer les entre-Actes, ou la fin des Scènes, par d’amples libations du divin jus de la treille ; & applaudir en bégayant, aux rustiques plaisanteries de leurs Drames naissans.
Comme il étoit plus aisé de faire rire le Peuple par des jeux de mots, & par des obscénités, que par de fines plaisanteries, la Comédie ne fut qu’indécence & bouffonnerie.
Il y a ici un jeu de mots dans l’Anglais qui n’a pu se rendre en Français. […] Il y a ici un jeu de mots dans l’Anglais qui n’a pu se rendre en Français.
Le jeu des passions saisit le spectateur ; Il aime, il souffre, il hait, et lui-même est Acteur. […] Charles Borromée ait été persuadé de la nécessité de la Comédie, et qu’il l’ait permise ; que, sur ce que les Gouverneurs de Milan s’opposèrent aux exhortations qu’il faisait aux Princes et aux Magistrats de chasser de leurs Etats toutes sortes de Comédiens, il fit ordonner au troisième Concile provincial que les Prédicateurs reprendraient avec force les dérèglements de ces plaisirs, que les hommes séduits par une conduite dépravée, mettaient au nombre des bagatelles, où il n’y a point de mal ; qu’ils décrieraient avec exécration les spectacles, les jeux, les bouffonneries du Théâtre, etc. […] Il en est de bonnes, de mauvaises, et d’indifférentes : ces dernières se divisent encore, et sont conditionnelles ; c’est-à-dire que les mêmes actions peuvent quelquefois n’être qu’indifférentes, et quelquefois être mauvaises, telles que le jeu des cartes, de dés, etc.