« C’est dommage, dit-il, de semer en terre de notre cœur des affections si vaines et si sottes : cela occupe le lieu des bonnes impressions, et empêche que le suc de notre âme ne soit employé ès bonnes inclinations. ». […] Qu’en ce même temps plusieurs âmes sont décédées en grande angoisse, mille milliers d’hommes et de femmes ont souffert de grands travaux en leurs lits, dans les hôpitaux, etc. […] En fallait-il davantage pour donner de l’horreur des Spectacles à une conscience timorée, et à une Ame tant soit peu curieuse de son salut ? […] Et par là on voit qu’il est impossible que la gravité et l’harmonie de l’âme ne se perde point dans les Spectacles : ce qui est néanmoins la seconde condition que saint Thomas demande dans l’usage des jeux, et que notre Docteur s’efforce d’ajuster au Théâtre. […] Et la raison qu’il en apporte, c’est qu’il est très absurde qu’aux jours qui sont destinés pour obtenir les effets de la miséricorde de Dieu, les Fidèles soient détournés par les charmes dont le Diable se sert pour séduire les âmes ».
Les mœurs regardent l’âme, et consistent moins dans une certaine politesse, dans de certaines manières consacrées par le bel usage, que dans un cœur droit et pur, une conduite sage et réglée. […] Par de pareils objets les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées. […] Là, de nos voluptés l’image la plus vive Frappe, enlève les sens, tient une âme captive. […] Plus ces Pièces seront polies, plus encore une fois, si l’amour en est toujours l’âme et le principe, elles seront dangereuses et nuisibles. […] Notre âme devient-elle plus méthodique ?
Dieu, dit-il, ne nous a pas donné des pieds pour sauter comme des chameaux : mais pour marcher modestement en la présence des Anges : et si le corps devient difforme en dansant, combien l’âme en est-elle défigurée davantage ? […] Ce branlement des mains et des pieds, cette évagationk et impudence des yeux, tous ses gestes, aussi blâmables que visibles, montrent qu’il y a quelque chose dans l’intérieur, qui répond au dérèglement extérieur : ceux qui font état de la modestie, fuient toutes ces occasions de dissolution ; après tout, quel plaisir trouve-t-on dans un divertissement qui lasse plus qu’il n’allège, et qui est aussi ridicule qu’il est honteux : Véritablement si l’extravagance ne s’était naturalisée dans nos mœurs, nous nommerions folie ce qu’on nomme gentillesse : et c’est à bon droit qu’on appelle des joueurs à ces assemblées, afin que l’âme étant occupée par l’oreille, les yeux ne s’offensent pas de tant de mouvements irréguliers, cela veut dire qu’une sottise en couvre une autre, ce qu’on appelle une école de gaillardise : c’est un apprentissage d’impudicité.
… Je pénétrerai dans son âme, j’y lirai ; … mais il ne s’en doutera pas.
Car c’en est une manifeste que de ne pouvoir ni ne vouloir résister à cet ascendant auquel on assujettit dans les comédies les âmes qu’on appelle grandes.
Le tableau de si hautes vertus, que relève encore la puissance du génie, laisse nécessairement une impression profonde dans l’âme du spectateur. […] Tartuffe n’est point comme Monsieur Jourdain un personnage risible, c’est un monstre exécrable qui soulève l’indignation : il fallait être doué d’un certain courage pour oser montrer ainsi à nu l’âme d’un faux dévot, à une époque où les tartuffes n’étaient pas rares, et l’opprobre dont Molière les couvrit fut une bonne leçon pour les mœurs. […] Si au lieu d’ensanglanter la scène par le meurtre de Stella, l’auteur eût mis dans l’âme de cette femme des sentiments de grandeur et d’héroïsme ; s’il lui eût donné de l’élévation et de la générosité, nous n’aurions pas eu alors, il est vrai, de nonne sanglante possédée du démon de la vengeance, tuant, brûlant, remplissant la scène de crimes qui font frémir la nature ; il aurait fallu reporter l’intérêt sur une religieuse sublime par ses vertus, grande par ses sacrifices, touchante par son amour.
« Nos âmes, dit-il, reçoivent des impressions continuelles de la constitution différente de nos corps ; ce qui me fait croire qu’il y a entre les uns et les autres plus d’affinité que nos Philosophes et nos Théologiens ne veulent leur en attribuer. » Le sens naturel de ces paroles, c’est que nos âmes, à ce que croit M. Dryden, ne sont rien autre chose que la matière organisée ; ou bien en bon Français, que nos âmes ne sont rien autre chose que nos corps. […] Amanda que le Poète nomme une âme vertueuse,Ibid. […] est représentée dans Sophocle comme une punition du Ciel : « Il se l’est attirée par sa présomption et par son impiété : lorsque son père lui recommande d’être brave, mais d’avoir aussi de la religion ; Ajax répond orgueilleusement qu’il n’appartient qu’aux âmes lâches de mendier du secours aux Dieux, et que pour lui il saura vaincre sans cette frivole ressource.
Feu M. le Cardinal Grimaldi était ennemi de votre méchante Morale ; il n’avait que de l’horreur pour vos maximes ; ses règles dans l’administration du Sacrement de Pénitence, étaient contraires aux vôtres ; il voulait qu’on mit en usage bien plus souvent que vous ne voudriez le délai de l’Absolution ; que l’amour de Dieu fût la marque et le caractère des véritables conversions ; que la charité fût l’âme des bonnes œuvres ; qu’elle en fût la fin, le principe et la règle.
Ce qui rend la représentation d’une pièce de théâtre beaucoup plus dangereuse que la lecture, c’est que le lecteur n’est sensible qu’aux grâces du style, qu’à la beauté des pièces : au lieu que le spectateur est exposé à tous les charmes d’une déclamation animée, de ce langage muet, si éloquent, si persuasif, si séduisant, qui, par un geste, parle aux yeux et pénètre le cœur, donne de la vivacité aux passions, de la force aux discours, qui exprime dans toute leur énergie les mouvements de l’âme que le poète n’a fait que rendre faiblement ; qui fait illusion sur la fausseté des pensées et des maximes, qui fait applaudir au mensonge avec plus de chaleur qu’on applaudirait à la vérité.
» Mais si l'âme au contraire s'abandonne à ces faux plaisirs, elle perd incontinent le goût des spirituels, et ne trouve que du dégoût dans la parole de Dieu.
, de toute notre âme, de toutes nos forces, et plus que toutes les choses du monde. […] Il lui fit sa confession avec la disposition que peut avoir une âme juste, et pénitente, qui se prépare à sortir de cette vie. […] Mon Père, je remets mon âme entre vos mains. […] ; et rendit son âme à Dieu si doucement qu’à peine put-on s’en apercevoir. […] , que ce Prince a en peu d’années rempli plusieurs siècles ; car son âme était agréable à Dieu.
Nous nous vantons d’avoir une Ame tendre & généreuse, voilà un Bien dont la Tragédie nous fait jouir, nos larmes nous font honneur, est honor & lachrymis. Outre cela cette tristesse que cause la Tragédie est un chatouillement de l’Ame : & Descartes remarque dans son traité des Passions, que de même que le chatouillement, quand les nerfs ont assez de force pour le soutenir, cause un sentiment agréable qui deviendroit douloureux, si les nerfs n’avoient pas assez de force pour y resister, la tristesse que nous causent les Représentations Tragiques ne pouvant nous nuire en aucune façon, semble chatouiller notre ame en la touchant, & ce chatouillement cause un plaisir.
Ils glissent pour ainsi dire sur la superficie de notre âme sans la pénétrer, et ne font qu’agiter le cœur sans le remplir. […] Cette joie est inaltérable comme la vertu qui la produit, et n’est jamais sujette à de fâcheux retoursbj. » « Une âme belle et sensible n’a-t-elle pas au sein de sa famille, et dans le goût même des lettres et des arts, des plaisirs plus purs qu’elle puisse se permettre ?
C’est aussi cet esprit de société, répandu en torrent, ou sans mesure ni ménagement, qui, de l’aveu ingénu du plus éloquent panégyriste de Molière, a produit l’abus de la société et de la philosophie, qui est cause que la jeunesse a perdu toute morale à quinze ans, et toute sensibilité à vingt ; qui fait aussi qu’après avoir perdu l’honneur, on peut aujourd’hui le recouvrer rentrer dans cette île, du temps de Molière escarpée et sans bords, c’est-à-dire, jouir de la considération, de tous les avantages et priviléges de la vertu Comparez les temps et jugez, dis-je, vous verrez de plus que, malgré les cent cinquante mille pièces de théâtre environ qui nous ont passé sur le corps, ou plutôt sur l’âme, depuis la restauration des lettres, pour nous perfectionner, nous nous sommes toujours détériorés de plus en plus ; vous verrez que les rares petits coins de la terre civilisée qu’on pourrait encore proposer pour exemples d’innocence et de vertus, sont précisément ceux où il n’a jamais paru ni théâtre, ni comédie, ni beaucoup des gens qu’ils perfectionnent dans les villes ; et vous en inférerez que pour mettre le comble à la dépravation, surtout aujourd’hui que les hommes corrompus sont presque partout en grande majorité, et que jouer les vices au théâtre, c’est à peu près comme si on jouait l’anglomanie en Angleterre, il ne manquerait plus que de livrer de même à la justice précipitée du public malin, qui a besoin de rire, qui ne se rassemble que pour cela, à ce tribunal confus, incohérent et enthousiaste, composé de toutes sortes de gens, qui tient ses assises dans toutes sortes de lieux, qui passe en sections du théâtre dans les salons et dans les réduits, sur les places publiques et aux coins des rues, où il délibère d’après ses passions discordantes, propres on empruntées, qui dénature on change les actes d’accusation, qui juge cent fois in idem, dont la jurisprudence est incertaine et si versatile qu’il désavoue habituellement ses jugements, lesquels, en effet, sont cassés en grande partie, et souvent, après des années de la plus cruelle exécution, quelquefois dans un autre siècle, par le public mieux éclairé, sage et impartial, dont les arrêts méritent seulement alors toute confiance et respect ; il ne manquerait plus, dis-je, que de traduire à ce tribunal les hypocrites des autres vertus dont il reste plus de lambeaux, en ajoutant aux tartufes de religion, de mœurs, de bienfaisance, etc., les tartufes de justice, d’indulgence ou de pitié, de patience ou de modération, de modestie, de grandeur d’âme, d’amour filial ; et vous n’aurez aucun doute non plus qu’une satire en comédie dirigée contre une hypocrite de tendresse maternelle, comme il y en a effectivement, sur qui, par le jeu d’un Brunet ou d’un Potier, qui représenterait la marâtre, on livrerait à la risée publique le ton, les soins empressés, les caresses, les émotions ou les tendres élans du cœur d’une mère, ne portât une atteinte funeste à la plus précieuse des vertus, et ne détruisit en peu de temps l’ouvrage du génie supérieur qui a défendu si éloquemment la cause de l’enfance et mis à la mode, en les faisant chérir, les premiers devoirs de la maternité. […] Nous ne devons pas craindre ces suites d’une pareille erreur de la part des écrivains qui sont aujourd’hui l’honneur de la scène française : les Picard, les Andrieux, les Duval et leurs dignes collègues, ne produisent que des ouvrages utiles et purs comme leurs âmes honnêtes ; mais il n’existe pas la même garantie contre les avortons indigents de la littérature, qui se jètent sans distinction sur les sujets qu’ils rencontrent : ils pourraient bien s’emparer de celui-ci, et y voir un autre bon modèle de Tartufe. […] N’en doit-il pas plus coûter à une âme délicate d’affliger ainsi l’innocent en le confondant avec le coupable ? […] L’utilité de légitimer et bien organiser cette justice intermédiaire qui n’aurait d’action que sur les justiciables de l’opinion, qui n’appellerait sur eux que la peine intermédiaire aussi de la honte et du ridicule (et tout au plus de la surveillance spéciale du ministère public qui, même dans les cas d’une certaine gravité, bornerait là son intervention, en vertu d’un pouvoir discrétionnaire ad hoc), et ferait alors concourir efficacement à la réforme ce puissant et précieux moyen de répression, dont toutefois, ainsi que je viens d’en faire le vœu, il ne serait plus fait d’application inconsidérée aux écarts et défauts légers qui n’excluent point l’honneur ou la droiture de l’âme ; l’utilité, dis-je, de cette sorte de tribunal correctionnel de première instance, qui ne décernerait ses peines morales que pour en prévenir d’afflictives et plus graves, me parait frappante dans ce temps de perversité et de dépravation générale où tant d’hypocrites de toute espèce que la loi ne peut atteindre, serpentent long-temps dans la société, et rusent paisiblement, font, comme on dit, tout juste ce qu’il faut faire pour ne pas être pendus, et deviennent ainsi des scélérats endurcis ; dans ce temps où les tribunaux existants, encombrés de coupables, suffisent à peine, et seront bientôt obligés, s’ils ne le sont pas encore, de fléchir, de fermer les yeux souvent, ou tolérer les désordres, par l’impossibilité d’en juger et punir tous les auteurs, dont un grand nombre, leur repentir, l’abîme de regrets et de douleur où on les voit plongés après leur condamnation, ne permet pas d’en douter, dont un grand nombre, dis-je, ne sont arrivés au point d’avoir encouru les peines les plus graves et infamantes, que pour n’avoir pas été arrêtés dans la route du crime, ou par l’effet, ou par la crainte d’un premier et moindre châtiment plus difficile à éviter.
Le jour du jeûne est si bien un jour d’affliction, que l’écriture n’explique pas autrement le jeûne que par ce terme : « vous affligerez vos âmes »Levit.
Quand même nous ne parviendrions à arracher qu’une seule âme à un scandale si redoutable, nous aurions la consolation de ne pas avoir inutilement pris en main les foudres dont Jésus-Christ arme ses ministres, et nous nous croirions trop bien récompensés de nos efforts et de nos peines.
Ainsi, les efforts qu’on a faits pour purger le théâtre n’ont abouti qu’à présenter aux âmes informes des appâts plus cachés et plus dangereux.
Vaine chimère, ridicule prétexte ; comme si un poison était un antidote, comme si une nouvelle blessure en fermait une ancienne, et ne portait pas à l'âme un coup mortel !
Corneille, ancien Romain parmi les Français, a établi une école de grandeur d’âme, et Molière a fondé celle de la vie civile.
De l’institution des enfants Essais, I, 26 [fin]a [a] Mon âme ne laissait pourtant en même temps d’avoir à part soi des remuements fermesb [c] et des jugements sûrs et ouverts autour des objets qu’elle connaissait, [a] et les digérait seule, sans aucune communicationc.
Tu ne nous offres rien que de grand, de pompeux ; Tu sais le présenter d’un air majestueux : Et l’on sort de chez toi toujours l’âme attendrie.