La Comédie représentée est encore accompagnée de la pompe du Théâtre, de la vue des Comédiens, de la magnificence des habits, des danses, des instruments de musique ; ce qui la rend aussi dissemblable de la lecture, qu’un corps vivant est différent d’un corps mort qui a des yeux sans feu, des pieds sans mouvement, des membres sans action.
C’est ce mot qu’Horace avoit en vue quand il comparoit un Poëte Tragique à un Magicien. […] Ces deux Piéces n’ont cependant aucune ressemblance entre elles, non seulement parce qu’il est bien différent de vouloir remettre sur le Trône un Prince en âge d’agir par lui-même, ou un Enfant de huit ans : mais parce que Corneille a conduit son Action d’une maniere si singuliere & si compliquée, que ceux qui l’ont lue plusieurs fois, & même l’ont vue représenter, ont encore de la peine à l’entendre, & qu’on se lasse à la fin, D’un divertissement qui fait une fatigue.
La vue en eût-elle été innocente ; le souvenir ne le sera pas. […] A la vue de tant de décisions, de censures & d’anathèmes contre les Théatres, on ne peut s’empêcher de gémir sur l’endurcissement ou l’aveuglement des Chrétiens qui les fréquentent. […] On n’auroit pas rendu justice aux lumieres & aux éminentes qualités de ce souverain Pontife, si l’on n’avoit pas attribué à des vues qu’il croyoit être de prudence les irrégularités morales que son gouvernement civil pouvoit présenter sur quelques objets. […] Il faut être à Dieu, à tout le monde, à soi-même ; uniquement occupé de ces grandes obligations, & n’ayant en vue que le Ciel au milieu des choses de la Terre. […] Cet Ouvrage [dont il a déjà été parlé page 172 de nos Lett.] est composé de bonnes spéculations politiques, économiques & morales : il paroît que l’Auteur a eu en vue d’en faire comme la Philosophie des Princes.
D’ailleurs personne n’ignore qu’habituellement d’autres hommes déguisés en amis simplement ont les mêmes vues ; et il n’y a que des insensés qui, connaissant les hommes capables de cette dernière ruse, ne voient pas qu’ils sont capables aussi de la première, et qu’il est prudent de se tenir sur ses gardes vis-à-vis toute personne que l’on ne connaît point parfaitement ; et ces aveugles là n’ont pas même pu profiter de l’avis donné sous la nouvelle forme, ou ils en ont abusé.
Quand il porte une vue générale sur la comédie ancienne & moderne, il trouve la différence à notre désavantage.
Toute la morale tend à excuser la foiblesse, à familiariser avec la passion, par cette vue affoiblir l’horreur de l’adultere, & donner une liberté entiere aux femmes, & à faire retomber, non sur le coupable, mais sur le mari innocent, qui en est la dupe, la honte & le ridicule, à faire craindre les devoirs, les embarras, les dégoûts de cette sainte union.
Mes yeux, dit-il, jettent des torrents de larmes ; parce que, mon Dieu, je n’ai pas observé votre sainte Loi : « Exitus aquarum deduxerunt oculi mei ; quia non custodierunt legem tuam. » Au lieu donc de rire, ou de prendre plaisir à voir rire les autres, un véritable Pénitent n’est continuellement occupé que de la pensée de son malheur, et de la vue des peines qui lui sont préparées.
La Tragédié n’étoit pas dans sa perfection, mais elle répondoit aux vues politiques qu’on avoit eues en l’établissant. […] Ainsi les femmes étoient séparées des hommes & placées au-dessus d’eux, & ne pouvoient être ni vues ni approchées commodément, & ne se rencontroient pas même en entrant ou en sortant : arrangement de modestie que nous ne connoissons pas ; les deux sexes sont mêlés à nos spectacles, Ce magnifique édifice est entierement revetu de beau marbre, enrichi de statues & de colonnes qui la plûpart sont encore sur pied.
Les traits tombent sur tous ceux qui la voient, & à qui ne se fait-elle pas voir, de qui ne veut-elle pas être vue ! & n’est-ce pas pour être vue, admirée, aimée, qu’elle se pare, & se montre ?
Elle se fit donc un honneur de son abdication forcée, & se donna pour une Héroïne ; cette idée romanesque, son unique ressource, analogue à son caractère & aux chimères de grandeur dont elle se repaissoit ; elle s’imagina que toute l’Europe l’admireroit comme un prodige, le changement de Religion en relevoit le prix, il lui donnoit un air de martyre, cependant elle voulut conserver l’éclat, les honneurs, les richesses de la royauté ; après l’avoir quittée, & même en exercer l’autorité souveraine de vie & de mort, elle trouva d’abord assez de condescendance pour entrer dans ses vues, & des flatteurs pour la combler d’éloges ; mais le prestige cesse, les vices, les défauts parurent, & après quelques éclairs de grandeur, elle tomba dans le mépris, fut oubliée, & mourut dans l’obscurité. […] Son goût pour les arts , dit Voltaire, la fixa à Rome au milieu d’eux, dans cette vue elle avoit quitté la Religion Luthérienne pour la Catholique, indifférente pour l’une ou pour l’autre ; elle ne se fit point scrupule de se conformer en apparence aux sentimens du peuple chez lequel elle voulut passer sa vie.
Il est si vrai que le Drame lyrique est composé selon les principales règles qu’éxigent les autres Théâtres, que si quelque Auteur s’avisait d’en écrire un qui n’eut point d’èxposion, de nœud, ni de dénouement, on ne pourrait soutenir la vue d’un Ouvrage aussi informe. […] L’un nous transporte dans un Pays enchanté ; tous les objets qu’il présente à notre vue sont autant de prodiges : l’autre nous fait voir la misère de ceux qui habitent nos campagnes, ou l’indigence du menu Peuple ; si quelquefois il enrichit ses décorations, s’il lui arrive d’annoblir son genre, il est toujours de beaucoup au-dessous du magnifique Théâtre qu’il veut imiter.
Ces verres sont nécessaires pour ceux dont la vue est foible. […] Les transports dont elle est agitée à la vue des crimes de son amant, les efforts qu’elle fait pour lui suggérer des sentimens de répentir, et; pour qu’il se mette à même d’obtenir le pardon de sa révolte ; sa douleur enfin lorsqu’il se poignarde à ses yeux, tous les mouvemens de Tullie intéressent et; émeuvent en sa faveur ; mais on n’est point du tout fâché de voir périr un traître, un séditieux, un meurtrier, un homme enfin abominable et; qui est dépeint comme tel. […] Vous excusez les Grecs qui agissoient à cet égard sans aucun ménagement, parce qu’« ils avoient leurs raisons, et; que l’odieux même entroit dans leurs vues. » Voilà qui est bientôt dit ; mais ne voit-on pas qu’il y a dans ce raisonnement une volonté déterminée de décrier absolument le Théatre François, lors même qu’il évite les défauts qu’on reproche aux Grecs ? […] « Si les Grecs, dites-vous, supportoient de pareils Spectacles, c’étoit comme leur représentant des antiquités nationales, qui couroient de tout tems parmi le peuple, qu’ils avoient leurs raisons pour se rappeller sans cesse, et; dont l’odieux même entroit dans leurs vues. » Voilà encore une fois les Grecs disculpés, et; nous qui apportons les tempéramens les plus scrupuleux pour ôter toutes les horreurs dont leur Théatre étoit rempli, nous qui souffrons à peine le recit de ce qu’ils y mettoient en action, nous sommes condamnés. […] Si lorsqu’une femme, à la honte de son sexe, vient au milieu d’un Amphithéatre, ou dans les coulisses étaler l’impudence et; l’effronterie, parler à l’oreille de celui-ci, minauder avec celui-là, lancer des coups d’œil à l’un, éclater de rire avec l’autre, offrir enfin, lâchons le mot, à tout venant beau jeu, et; attirer par-là les regards de tout un public qui, au lieu de s’occuper des Acteurs, en détourne la vue pour la fixer sur un objet qu’on ne considére qu’avec indignation ; si, dis-je, lorsqu’elle brave ainsi les respectables droits de la bienséance, elle n’étoit payée de toutes ses gentillesses que par le dédain qu’elle mérite, elle se lasseroit bientôt de jouer un rôle dont elle ne soutient la fatigue que par les avantages pécunieux qu’elle espére en retirer.
On trouve dans les Eglises des femmes parées, comme sur un Théâtre, & dans les Loges des personnes qui s’y produisent dans la vue de plaire, & qui ne réussissent que trop.
Je conseille aux jeunes Poètes qui voudront éviter de tomber dans de pareilles fautes, de détacher du sujet de leur Drame tout ce qui pourrait lui nuire, & faire perdre un instant de vue l’action principale ; qu’ils ayent soin que les événemens se rapportent au Héros de la Pièce.
Enfin qu’elle étoit la premiere Piéce réguliere qu’on eût vue en Angleterre.
L'on laisse sur les Autels un Dieu qui se donne à nous pour nourriture, et l'on va se repaître de la viande du Diable : L'on va commettre des adultères par la vue, l'on va applaudir à sa perte ; et lors que l'on se réjouit ainsi dans ses prospérités, l'on ne songe pas à ces paroles que Dieu prononce par la bouche du Prophète, vous serez perdus pour vos péchés, et les autels du ris et de la réjouissance seront abattus.
Saint Epiphane, Evêque de Constance, dans son Panarium se plaint de l’Empereur Jovinien, de ce qu’il autorisait le vice des Comédiens, qui gâtaient par leurs lascivetés les bonnes mœurs d’un chacun ; Saint Ambroise, Evêque de Milan, écrivant à sa sœur sur la préparation de la Messe, l’exhorte de s’abstenir de la vue des jeux publics, de peur d’être polluée par leurs actions.
Il composoit dans la même vue des livres de dévotion, qu’il dédioit à des personnes pieuses, pour attraper quelque récompense ; & dans le même temps il en composoit d’infâmes, qu’il dédioit à des courtisannes. […] On voulut faire passer le libertinage du Tasse pour un amour spirituel & platonique, qui n’avoit en vue que la beauté en général, comme tous les jours le théatre prétend excuser sa licence par les idées risibles de son innocence, disant que ses galanteries ne sont aucune impression, qu’en en revient aussi chaste qu’on y est entré.
Pour prouver ce que tant d’Opéras Français avaient si bien prouvé avant vous, que nous n’avons point de musique, vous avez déclaré « que nous ne pouvions en avoir, et que si nous en avions une, ce serait tant pis pour nous. » Enfin dans la vue d’inspirer plus efficacement à vos compatriotes l’horreur de la Comédie, vous la représentez comme une des plus pernicieuses inventions des hommes, et pour me servir de vos propres termes, comme un divertissement « plus barbare que les combats des gladiateurs ». […] Ne les avons-nous pas vues s’intéresser à La Mort de César, et verser des larmes à Mérope n ?
N’omettons aucune des leçons de cette Pièce fameuse, et exposons exactement tous les vices qu’elle a en vue. […] Poréej, dont M.F. veut en vain se faire un titre, puisqu’il est précisément contraire à son système ; si l’on veut, dis-je, entrer dans l’esprit de ses réflexions, je crois que dans le chaos qu’il n’a pas voulu nous débrouiller, on pourrait entrevoir quelque lueur du plan dont on donne ici une idée ; il faut croire qu’il l’avait en vue, quand il a dit qu’il était possible, quoique très difficile, de faire du Théâtre une école capable de former les mœurs. […] Il remonte à la source du mal ; elle est, selon lui, dans les Auteurs et les Acteurs comme dans les Spectateurs ; mais il la trouve singulièrement dans les Auteurs, qui perdent à tout moment de vue et la fin et le but du sujet qu’ils se mêlent de traiter.