., il peut les priver de leur royaume, donner leurs états à un autre prince, et dégager leurs sujets de l’obéissance qu’ils lui doivent, et du serment qu’ils lui ont fait11. » Et après la mort de ce monarque, Busenbaum, célèbre jésuite, ne craignit pas de publier dans un de ses ouvrages : « Que l’action de Jacques Clément, dominicain, est une action mémorable, par laquelle il avait procuré à sa patrie et à sa nation le recouvrement de sa liberté ; que le massacre du roi lui fit grande réputation, et qu’étant d’une complexion faible, une vertu plus grande soutenait son courage. » De tels préceptes et de tels récits excitent l’indignation de tous les hommes de bien, en même temps qu’ils méritent toute la répression de l’autorité séculière.
Il y a plus de vivacité, de sensibilité, de passion, d’invention, de finesse, il semble que les organes & les imaginations sont plus montées sur le ton du théatre ; cet avantage est médiocre, la Réligion & la vertu ne le lui envieront jamais. […] Plusieurs dont le fonds n’est qu’un crime, une injuste opression de la vertu. […] Peut-être que la loi imposée aux auteurs d’observer les loix de la décence dans les paroles, les actions, les intrigues, a fait exclure des ouvrages qui par leur natures ont remplis d’une morale lubrique, & que la musique & la danse échauffent à l’excès : motifs qui n’auroient rien que de louable ; d’ailleurs quelque chatié que fût un opéra, l’exécution en seroit périlleuse ; les actrices, les danseuses, les chanteuses, les figurantes, en feront nécessairement l’écueil de la vertu. […] Le bon Andreini composa & fit graver sur la tombe d’Isabelle, une grande épitaphe où il fait une honorable mention de ses vertus : il faut l’en croire ; magnâ virtute præditâ & honestatis ornamentum ; espece de galimathias.
Il convient mieux à des Chrétiens, dit un Concile1 de Paris, en 829, de gémir sur leurs égaremens passés, que de courir après les bouffonneries, les discours insensés, les plaisanteries obscènes des Histrions ; le moindre effet que leur représentation produise, est d’amolir le courage pour la vertu, & d’écarter les Spectateurs de l’exactitude qu’ils devroient avoir, de remplir leur esprit de vanités frivoles, & de les livrer à des ris immoderés, si contraires aux loix de la modestie ; il n’est pas permis de se souiller par des Spectacles de cette nature, neque enim fas est hujusmodi Spectaculis fœdari. […] Prélat, de représenter devant le peuple la vénérable Passion de Jesus-Christ, les glorieux combats des Martyrs, les actions édifiantes des saints Personnages ; mais la malice des hommes ayant infecté ces Exercices, de maniere qu’ils sont devenus un sujet de risée & de mépris pour les uns, une pierre de scandale pour les autres ; c’est pourquoi nous avons statué que désormais aucuns des Mystéres de la religion, ni rien de tout ce qui concerne la gloire des Saints, ne soient représentés, soit que le Spectacle se produise en un Temple ou dans une maison profane : on se contentera de narrer les pieux événemens, & de porter les fidéles à imiter, à vénérer, à invoquer ceux dont ils apprendront les vertus & les miracles.
Le vice ne doit pourtant pas triompher de la vertu ; mais il faut que sa punition le touche faiblement, & qu’il se voye chatié d’un air enjoué comme dans le Joueur. […] Lorsque la Vertu est couronnée, il faut que ce soit après de grandes agitations ; nous éprouvons alors le même sentiment que l’on goûte quand un calme enchanteur succède à un orage affreux : de pareils dénouemens sont donc recevables, puisqu’ils nous causent la surprise & la terreur, en nous présentant le vice justement puni.
S’il est du bien public que chacun remplisse ses devoirs avec fruit, peut-il être indifférent que le Clergé, fait pour en imposer au vice et enseigner la vertu, soit respecté des peuples et se rende respectable ? […] Quelle est la vertu assez forte, assez éclairée pour se défendre de tant de pièges de toutes parts semés, et pour les démêler ?
Je m’étonne que dans la multitude de recherches qu’a fait ce grand amateur de la danse, qui n’étoit pourtant pas grand danseur, il n’ait point parlé de la danse du sabbat ; il eût aisément trouvé dans les procès des Curés de Loudun & de Marseille, qu’on fit brûler, & dans tous les livres qui traitent des Sorciers & Magiciens, que dans le sabbat le diable donne le bal, que les sorciers & sorcieres dansent en rond, y font des pas de deux, de trois, des contredanses, des bourrées, des gigues ; que le diable est, comme de raison, le Roi du bal ; que malgré ses cornes & sa queue il se fait admirer par la légèreté de ses sauts, l’agilité de ses caprioles, la souplesse de ses membres, la finesse de ses pates, la justesse de son oreille, ainsi que les violons par la beauté de l’exécution ; que les plus malotrus sorciers & les plus vieilles sorciers, tout à coup changés par la vertu de sa baguette, s’y présentent de la meilleure grace, comme de vrais Adonis ; qu’on y sert des rafraîchissemens, & qu’on y prend toutes les libertés qu’on veut, sans que le diable s’en scandalise, comme l’on pense bien ; mais qu’aussi on en revient bien fatigué, lorsque le matin, à cheval sur un bâton, on retourne chez soi. […] Mais il n’est pas douteux que les pieges qu’on y tend à la vertu avec tant d’adresse, sur-tout au bal & au théatre, ne soient un ouvrage du péché, inspiré par le démon. […] qu’il feroit honneur à la vertu !
LA Tragédie, Mademoiselle, que l’on supposoit gratuitement l’école des vertus en est donc bien plutôt la ruine, ainsi que la mere des vices : l’amour criminel s’y trouve annobli, c’est l’ambition, la vengeance & l’orgueil qui font les grands hommes.
Mais il y a autant de différence entre les spectacles publics et les divertissements du cloître, que entre un repas honnête avec des personnes choisies, et les débauches du cabaret ; entre une partie de jeux d’adresse avec ses amis, et les jeux de hasard dans un brelan ; entre un menuet dansé en famille dans sa maison, et un bal nocturne, un bal d’opéra, un charivari ; la même différence que entre les personnes qui le composent ; entre des femmes publiques, et des vierges consacrées à Dieu ; des actrices fardées, à demi nues, et des vierges modestement voilées ; un amas de libertins et d’impies, et une compagnie de gens pieux et réglés ; une profession livrée au vice, et un état sacré dévoué à la religion et à la vertu. […] Louis, Roi de France, on avait mis au nombre de ses vertus d’avoir chassé les Comédiens de son royaume, dans celle de S.
L’amour de Sévère, qui arrive dans l’intention d’épouser Pauline, n’étant pas instruit de son mariage ; et la vertu dont tous les deux donnent de si grandes preuves, sont des leçons admirables pour mettre un frein à cette dangereuse passion. […] Zénobie n’est pas moins admirable, quand elle a reconnu son mari et son meurtrier en même temps ; elle donne alors des marques si vives d’amour et de soumission à la volonté de Rhadamiste, que, dans toute situation, on peut la prendre pour un vrai modèle de vertu.
Qui est-ce qui n’a pas entendu mille fois les ris moqueurs, éclatter aux discours d’ingénuité, d’innocence & de fidélité d’une Actrice, à qui le public refusoit ces vertus ?
Le moindre effet que leur représentation produise est d’amollir le courage pour la vertu, et d’écarter les spectateurs de l’exactitude qu’ils devraient avoir dans les exercices de la piété, de remplir leur esprit de vanités frivoles, et de les livrer à des ris immodérés qui sont si contraires aux lois de la modestie.
Enfin les jeunes gens qui sont maîtres de leur cœur, ne peuvent remporter de la représentation de cette Comédie que des exemples capables de les fortifier dans la vertu : et ceux qui sont tyrannisés par la malheureuse passion de l’amour, peuvent apprendre à éviter les risques qu’ils courent, et à détester les excès où elle porte ceux qui s’y livrent.
Tout excès, Chrétiens, est un vice ; et la vertu même, qui est la regle de tout bien, n’est ni bonne ni honnête dès qu’elle est extrême. […] Or si cela est vrai de la vertu, beaucoup plus l’est-il des divertissements et des récréations de la vie. […] Ils posoient pour principe, qu’une jeune personne ne devoit jamais se produire au jour qu’avec des réserves extrêmes et toute la retenue d’une modestie particuliere ; que la retraite devoit être son élement, et le soin du domestique son exercice ordinaire et son étude ; que si quelquefois elle sortoit de là, c’étoit ou la piété ou la nécessité qui seule l’en devoit tirer ; que s’il y avoit quelque divertissement à prendre, il falloit éviter non-seulement le soupçon, mais l’ombre même du plus léger soupçon ; que sous les yeux d’une mere discrette et vigilante elle devoit régler tous ses pas, et que de disparoître un moment, c’étoit une atteinte à l’intégrité de sa réputation ; qu’elle devoit donc toujours avoir un garant de sa conduite et un témoin de ses entretiens et de ses démarches ; enfin qu’une telle sujétion, bien-loin de lui devenir odieuse, devoit lui plaire ; qu’elle devoit l’aimer pour elle-même et pour sa consolation propre, et que dès qu’elle chercheroit à s’en délivrer, ce ne pouvoit être qu’un mauvais augure de sa vertu : c’est ainsi que ces saints Docteurs en parloient.
Leurs Législateurs qui travaillaient sérieusement à instruire les hommes, et à leur enseigner la politesse et la vertu par toutes sortes de moyens, s’avisèrent de donner au peuple des spectacles publics, entre lesquels la Comédie était des premiers ; tant pour ôter à ceux qui vivaient dans l’oisiveté, la pensée et le temps de former des cabales contre l’Etat, que pour instruire le peuple et le porter par des exemples qu’on lui donnait, à la haine du vice et à l’amour de la vertu. […] Si l’on appréhende que ces passions dont nous parlons ne fassent impression sur les faibles, il faut leur défendre d’aller à la Comédie, et non point aux autres ; ou bien l’on peut insérer dans la Comédie quelques traits forts et vifs qui donnent le dessus à la vertu en condamnant le vice, à l’imitation de Virgile, qui ayant dépeint Neptune dans l’impétuosité de sa colère, lui fait prendre ensuite le parti de la douceur : cela se pratique dans beaucoup de Comédies d’à présent ; ou si l’Auteur de la Comédie ne le fait point, le spectateur le peut faire lui-même. […] De sorte qu’au lieu que le devoir d’un Chrétien, selon l’esprit de l’Evangile, est de mortifier en soi les passions et de les détruire ; au contraire, l’exercice ordinaire d’un Comédien est de les exciter en soi et dans les autres ; et pour faire aimer ces mouvements déréglés du cœur, et les rendre agréables, on les colore du nom de vertu, comme l’ambition et la vengeance de grandeur d’âme, le désespoir et l’opiniâtreté de constance invincible, ainsi du reste. […] » , pourrez-vous supporter la peine qu’il y a à conserver la chasteté, vous qui vous laissez aller éperdument à la joie, et qui prenez tant de goût à des chansons lascives ; car si celui qui en est éloigné a beaucoup de peine à embrasser cette vertu, comment se pourra-t-il faire qu’en jouissant de ces plaisirs, on puisse vivre chastement ? […] » Si l’on n’avait rien retranché dans les Comédies, et qu’elles fussent aussi mauvaises qu’elles l’ont été, il n’y aurait que les libertins qui iraient ; les personnes de qualité et de vertu en auraient de l’horreur : au lieu que l’état présent de la Comédie ne faisant, ce semble, aucune peine à la pudeur, on ne se défend pas d’un poison qui est d’autant plus dangereux qu’il est caché, qu’on l’avale sans le connaître, et qu’on l’aime lors même qu’il tue.
Nous remarquons dans tout ce qui nous environne, une vertu attractive & repulsive, qui ne paroît dans toute son énergie que quand elle agit directement sur notre ame.
La vertu ne cours pas moins de risque que la santé, & ne mérite pas moins d’être ménagée avec la plus grande précaution.
Dès qu’ils ont paru fourbes, méchans, amoureux, bons ou cruels, il faut bien se garder de leur prêter ensuite des vertus ou des vices différens.
Ce n’est pas moi, qui vous en suis témoin, Madame : car vous sçavez, que je suis d’un état qui par lui-même m’interdit de pareils spectacles : mais ce sont des personnes de vôtre rang qui ont eu le malheur de s’y trouver : ce sont des personnes de vertu & de probité, à qui une curiosité indigne de leur âge & de leur emploi avoit persuadé d’assister aux Comedies qu’on represente chez vous, qui avouent tous d’un consentement unanime, que le nouveau Theatre est un ecueil contre lequel échoue la chasteté chrétienne, que ces Comedies sont, principalement pour les jeunes gens, une école de libertinage, & que la contagion d’impureté est d’autant plus à craindre, qu’elle y est plus deguisée & plus rafinée.
Decet Prætorem non solum manus, sed etiam oculos habere innocentes. » Ce qu’on doit appliquer nécessairement à tous les hommes, puisque tous les hommes sont dans l’obligation de pratiquer la vertu de la chasteté.
Bornés aux seuls plaisirs d’amusements, leurs plus chères délices, ils s’élèvent avec fureur contre la chimère des vertus chrétiennes dont ils font gloire de fronder l’élévation et la dignité, et leur incompatibilité avec toute fausse modestie.