Il exposa son tableau, & prit la fuite. Ses sujets, pleins de zele, vouloient bruler le tableau, & courir après le Peintre pour le punir.
On avoit répandu que cette princesse ayant désiré de voir un jugement criminel suivant les formes usitèes dans nos tribunaux, on avoit imaginé d’en faire sur le théatre un tableau d’après nature, qu’on pût voir avec moins de répugnance. […] Il devoit ajouter qu’elles partent du cœur & lui parlent trop, par l’indécence de ses images, malgré un vernis de politesse qu’exige le goût du siecle, & qui le rend plus dangereux que la grossiere obscénité : ce sont des tableaux du vice vivant & agissant, paré de toutes les graces séduisantes, dont l’atelier est la toilette.
On voit un homme qui n’ose combattre les préjugés du monde, qui ménage le goût de sa Compagnie pour le Théatre, & sur-tout veut bien toiser & symmétriser les deux pendans de ses tableaux, & loue démesurément le bien pour le mettre de niveau, au même degré que le mal, sententiarum plenus, jocis abundans, pejor, melior, optimus, pessimus. […] Le théatre n’est qu’un tableau de tous ceux qui ont jamais écrit.
Mais, l’union faite et consommée, tout n’est pas fini : c’est le commencement de nouvelles douleurs, initium dolorum, dont nous ne voulons pas ici dérouler le sombre et sinistre tableau.
Quel nombre infini d'idoles, de tableaux, de chariots, de couronnes, de sacrifices, de Prêtres, d'Augures, dans cette grande ville où les Démons ont établi leur demeure !
S’il a esté permis d’exposer au public en deux differens tableaux le caractere des passions & leur droit vsage, il me le sera sans doute aussi de les reduire en vn seul, & de faire voir que la Comedie qui est vne peinture viuante de toutes les passions, est aussi vne école seuere pour les tenir en bride, & leur prescrire de justes bornes qu’elles n’ozeroient passer. […] A oüir parler les gens qui se sont trouuez en de pareilles occasions, on ne se peut rien figurer de plus horrible que ces sortes de spectacles, & les seuls tableaux que les Peintres nous en donnent, nous font fremir. […] Nos tableaux & nos tapisseries ne nous offrent que de semblables objets, dont l’ame de celuy qui les contemple auec attention peut estre plus emeüe qu’elle ne le seroit par vn recit qui échape aisement à la memoire ; & pour tout dire enfin, il y a autant à craindre du Peintre, que du Poëte & du Comedien. […] Pour bien instruire le Lecteur de son établissement, il faut de necessité donner icy le tableau des deux Corps qui y ont contribué, & sçauoir quelle a esté la face de la Troupe du Marais, & celle de la Troupe du Palais Royal durant les années de leur Regne.
C’est une pensée communs chez les peres, d’après Tertulien & Saint Cyprien, que le fard fait injure à Dieu, que c’est vouloir réformer son ouvrage, y ajouter, & l’embellir, comme un apprentif qui oseroit toucher aux tableaux d’Apelle, que ce qui est naturel est l’ouvrage de Dieu, & ce qui est artificiel l’ouvrage du démon : Quod nascitur, opus Dei est ; quod fingitur, diaboli.
Bien des Dames en ont fait usage aux cheveux, coiffure, habit, manchon, comme les petits-maîtres à leur chapeau, & certainement les pompons, aigrettes, rubans valent bien les plumes ; enfin la queue acheve le tableau : Desinat in piscem mulier formosa supernè.
Dans une autre scène le Seigneur & le Notaire du village, ou plûtôt les Auteurs pour se satisfaire, & pour plaire aux spectateurs & aux lecteurs, remettent ce beau tableau sous les yeux, & en sont faire aux deux Bergers ingénument tout le détail, & à chacune de ces libertés ils répettent, & le chœur après eux, cet honnête refrein : Ouida, guia pas du mal à ça.
Il est vrai qu’il ne la place qu’après le péché, & comme une suite du péché, ce qui y répand une sorte de contrepoison, & de sombres nuages sur le tableau ; au lieu que notre Auteur écarte avec soin toute idée de péché, pour tendre un piège plus dangereux sous un air d’innocence qui rassure & invite.
Je déteste le tableau qui pendant la piece met sans cesse devant les yeux l’héroïsme manqué & la foiblesse des deux frères rivaux.
Et pour terminer par un grand exemple un tableau des contradictions humaines, qu’on ne saurait épuiser, tel le sage Salomon bâtit un Temple au vrai Dieu et un autre à la Déesse Astarte, et au milieu de trois cents femmes et sept cents concubines, prêche la continence dans ses proverbes, la vanité du monde dans son ecclésiaste.
Chants, danses, masques, discours, tableaux, intrigues, romans, parures,licence, assemblage de sexe, compagnies, passions, etc. tout s'y trouve à la fois, relève et assaisonne l'un par l'autre ; choix, délicatesse, raffinement, variété, multitude, assortiment, gradation, continuité, magnificence, éclat, profusion, tout y est porté à la perfection par l'esprit, l'étude, les talents, l'exercice, l'adresse.
Voilà un tableau vrai des Pieces de Moliere. « Les vices, continue notre Auteur, n’y sont jamais peints avec des couleurs qui les rendent odieux & méprisables. […] Ces tableaux tragiques remplissent l’imagination d’idées fausses qui affoiblissent presque toujours dans l’ame des Spectateurs le respect pour la Religion Chrétienne ». […] « On ne voit pas une imagination sage en inventer les sujets, un jugement bien réglé en tracer les desseins ; on n’y voit pas les graces naturelles & piquantes, l’enjouement fin & délicat tenir le pinceau ; enfin notre Comédie n’est pas un tableau vrai & animé. […] On a lieu de penser que son cœur s’est épanché dans le tableau rempli d’impiétés qu’Ismen, Apostat hypocrite, y fait du Christianisme. […] Quels sons harmonieux, quels tableaux ravissans !
On la vit éprise de combats d’athletes, de courses de chevaux, enchantée d’ouvrages de marbre, d’ivoire, de bronze, de tableaux ; courant tantôt à un concert de Musique, tantôt à un Spectacle touchant6. […] qui ont essayé de rendre ces fictions utiles aux mœurs, en n’y employant que des tableaux simples, naturels & ingénieux des événemens de la vie.
Mais voici la friponnerie : la piece étoit un tableau des Mœurs Lacédémonienne ; il falloit donc que tout respirât la simplicité & même l’austérité. […] J’en appelle à vous-mêmes, dans un sujet aussi délicat que celui des Courtisannes, avez-vous trouvé rien d’aussi hardi que le tableau du quatrieme acte du Tartuffe, que la situation de Georges Dandin, & qu’une foule de détails qu’il est inutiles de vous rappeller, parce qu’ils vous sont très-familiers, mais qui se présentent à chaque page dans les pieces les plus épurées.
Ce grand Docteur y raconte que les Stoïciens voulant tourner en ridicules les Epicuriens, & les charger de la haine publique, pour avoir voulu établir le souverain bien de l’homme dans les plaisirs du corps, avoient depeint dans un grand tableau, la volupté assise sur un trône fort élevé, donnant la loy & les ordres à toutes les vertus qui étoient prosternées à ses pieds, comme de viles esclaves toûjours disposées à luy obeïr aveuglement, virtutes famula subjiciuntur, observantes ejus nutum, ut faciant quod illa imperaverit . […] Je ne sçay pas quel jugement vous en faites ; mais pour moy j’avoüe que je n’ay rien remarqué dans ce tableau que ce qui se passe tous les jours sur le theatre.
C’est sous le double point de vuë que nous présentent cette isle & ce serrail, qu’il ne manque rien au tableau ; je me trompe, il est au-dessous de l’original. […] Placés que je les vois les uns sur les degrés du Temple de la Justice, les autres au fond du Sanctuaire, tous pour entendre les cris des malheureux & essuyer leurs larmes, avec quel empressement n’irois-je pas de tribunaux en tribunaux l’Evangile d’une main, leur présenter de l’autre ce tableau de nos malheurs, s’ils pouvoient leur être inconnus, & si la manœuvre qui en est la source, étoit sourde & secrette !
Poussez-les un peu plus avant, ils vous en diront autant des nudités, non-seulement de celles des tableaux, mais encore de celles des personnes.
Les anciens Auteurs parlent de plusieurs manieres d’orner les cheveux, que nous ne faisons que renouveller, ce qui se voit par les Tableaux, les Statues, les Médailles ; 1°.