Pour moi je supprimerais en entier le rôle de Junie : on parlerait beaucoup d’elle dans la Pièce, on rapporterait tout à elle ; mais elle ne paraîtrait jamais.
La comédie est une quatrieme puissance copartageante, la plus puissante de toutes, qui envahit tout ; elle a transformé la sale des séances en sale de spectacle, où de nouveaux acteurs traiteront les plus grandes affaires, & joueront mieux leurs rôles que les premiers.
Les rôles du Lion, dit-il, inspirent l’orgueil, l’injustice, la tyrannie ; ceux du Renard enseignait la perfidie ; ceux du Loup la rapine & la cruauté ?
Ces trois sources empoisonnées du vice, les trois concupiscences, y jouent continuellement leur rôle, y exercent leur empire sur l’âme.
On en fit un recueil de stratagêmes, pour faire réussir tous les crimes, favoriser toutes les passions, ménager toutes les intrigues, traverser tous les peres, maris, maîtres, exciter l’amour du libertinage, & le faciliter par le jeu infame des valets, des soubrettes & des confidens, qui furent toujours dans la Comédie les rôles les plus intéressans. […] Un goût de débauche domine toujours dans le rôle qu’ils leur font jouer….
Enfin elle fait son message, et il le reçoit avec une joie qui le décontenance, et le jette un peu hors de son rôle : et c’est ici où l’on voit représentée mieux que nulle part ailleurs, la force de l’amour, et les grands et les beaux jeux que cette passion peut faire par les effets involontaires qu’il produit dans l’âme de toutes la plus concertée. […] Son mari les regarde l’un et l’autre d’un œil de courroux ; et après leur avoir reproché, de toutes les manières les plus aigres qu’il se peut, « la fourbe mal conçue qu’ils lui veulent jouer », enfin, venant à l’Hypocrite, qui cependant a médité son rôle, il le trouve qui, bien loin d’entreprendre de se justifier, par un excellent artifice se condamne et s’accuse lui-même en général et sans rien spécifier, de toutes sortes de crimes ; qu’il est « le plus grand des pécheurs, un méchant, un scélérat ; qu’ils ont raison de le traiter de la sorte ; qu’il doit être chassé de la maison comme un ingrat et un infâme ; qu’il mérite plus que cela ; qu’il n’est qu’un ver, un néant : quelques gens jusqu’ici me croient homme de bien ; mais, mon frère, on se trompe, hélas je ne vaux rien » !
On ajoute qu’à défaut des Acteurs ou Actrices, les Actionnaires, leurs femmes & enfans se sort chargés dans le bail de remplir les rôles.
Pour les représenter, leurs Prêtres jouoient ce double rôle d’homme & de femme par leurs déguisemens.
La jeune personne puisait toutes ses réponses dans les rôles d’une douzaine d’héroïnes, qui figurent depuis vingt ans aux boulevards, et qui disent à peu près la même chose.
On ne voit pas dans l’histoire que les Officiers Grecs, Romains, ou d’aucune nation guerrière, aient jamais fait représenter des pièces dans leur camp, encore moins y aient joué des rôles.
Aussi voyons-nous que les Spectacles changent comme les mœurs, et qu’il n’y a point d’Auteur qui n’étudie le goût dominant de sa nation pour le bien rendre ; point d’Acteur qui ne fasse tous ses efforts pour entrer dans les sentiments du rôle qu’on lui donne, et pour les communiquer à tous ceux qui l’écoutent.
Mais falloit-il abaisser ce génie au rôle de complaisant de Cour ?
Aussi les raisons sont aussi solides que les rôles.
l’un des premiers rôles de la Femme de la campagne est averti « d’éviter les femmes et de les haïr autant qu’il est haï d’elles ».
Je ne suis apparemment pas fait pour être aimé des Dames, puisque je remplis dignement du côté de la figure les rôles de feu M.
On n’y voit point de personnages de femmes ; tous les rôles sont remplis par des hommes ; tout y est châtié ; rien n’est capable d’y flatter la sensualité, ni de fomenter le dérèglement des passions : c’est pour le coup un divertissement innocent. […] Chaque rôle fournit naturellement des traits plaisants ; et l’on peut dire qu’ils sont maniés avec adresse.
Il fallait vous adresser à Monsieur Bonnenfan qui est mort depuis peu de temps dans l’humiliation et dans la pénitence qu’il avait embrassée et pratiquée depuis plusieurs années qu’il avait abandonné la Comédie, après avoir été contemporain de Molière, et avoir excellé dans le sérieux et dans les grands rôles, autant que Molière dans le Comique. […] Pour moi je crois que cela est fort égal ; et si on a dit autrefois qu’une Dame devint amoureuse d’un Danseur en le voyant danser, n’a-t-on pas dit d’une autre qu’elle fut éprise d’un Comédien en lui voyant jouer un Rôle de tendresse ? […] et ne sait-on pas que ceux qui réussissent le mieux à jouer les Rôles les plus tendres, ce sont ceux qui ont le cœur le plus passionné ?
Vous autres Philosophes, qui vous prétendez si fort au-dessus des préjugés, ne mourriez-vous pas tous de honte, si, lâchement travestis en rois, il vous fallait aller faire aux yeux du public un rôle différent du vôtre, et exposer vos majestés aux huées de la populace ?
Le théatre est l’organe des passions, il jouoit son rôle : le grave Corneille, le devot Racine, ne s’en faisoient aucun scrupule.
Si nous voulions les imiter en tout, il nous faudroit avoir des décorations versatiles, un orchestre pour les danseurs separé du théâtre, un chœur tournant de droite à gauche, et de gauche à droite, en chantant des strophes et des anti-strophes, des hommes remplissant les rôles de femmes, et ayant des masques pleurant d’un coté, et riant de l’autre.