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67. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE II. Melanie. » pp. 29-71

Toutes les Communautés de filles ne sont donc que des assemblées détestables de personnes forcées par leur famille, qui n’y vivent qu’en désirant la mort, n’y meurent qu’en détestant la vie. […] Elles y sont heureuses, y vivent, y meurent saintement. […] Un Anachorete qui a vécu seul dans le désert peut n’avoit point fait de vœu. […] Mais depuis qu’il y a eu des Communautés réglées personne n’y a été admis qu’il n’ait promis à Dieu d’y vivre soumis & fidele à ses règles. […] Il n’est, dit-il, que trop d’esprits lâches & corrompus, qui vivent sans principes, & parlent sans courage.

68. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome II « La criticomanie. » pp. 1-104

En effet, les vieux, et une bonne partie même des hommes entre deux âges, que ces tableaux de honte et de déshonneur n’ont guères moins intimidés, se rappelant ou se formant des raisons de croire qu’on n’était pas encore parfaitement à l’abri d’inquiétude avec des femmes plus âgées, ont fui le mariage, n’ont plus voulu prendre que des engagements clandestins ou privés et conditionnels, faciles à rompre ; c’est-à-dire, qu’ils ont vécu en concubinage avec celles qui leur plaisaient, tant qu’elles se comportaient à leur gré. Ceux qui ont mieux rempli l’objet de la leçon ont encore fait plus de mal ; ils se sont mariés, par les raisons de convenance recommandées, avec des femmes plus vieilles qu’ils n’aimaient pas ; mais comme, en général, ils appartenaient à la seconde et à la troisième écoles, et qu’ils n’étaient pas en état de renoncer aussitôt à leur goût pour les jeunes ils en ont pris pour maîtresses, et ont vécu avec elles dans un commerce doublement illégitime, d’où il est résulté des enfants adultérins, des bâtards, qui n’avaient pas d’état, que la société ne savait à quel rang placer ; qui déshonoraient ou troublaient les familles. […] C’est ainsi qu’une multitude de jeunes personnes infortunées qui, sans autre dot que les charmes de la jeunesse et de l’honnêteté, pourraient encore fréquemment trouver des partis avantageux, vivre heureuses et honorées, servir d’exemples encourageants à leurs compagnes, si on les eût exhortées à la reconnaissance, à la sagesse, et soutenues par de bons conseils, ou des leçons opposées à celles qu’on leur a données, ont perdu pour long-temps cet espoir. […] Cette pièce devait parfaitement concourir avec celle du Tartufe à la décadence des mœurs, par la raison encore que dans celle-ci on soulève de fait les vices, on leur donne des armes contre la vertu qu’ils ne ménagent point, et que dans le Misantrope on prescrit à la vertu de ménager les vices, de les supporter en silence, vu qu’ils sont unis à l’humaine nature ; de vivre d’accord, par conséquent, avec les fourbes, les fripons, les scélérats même. […] Mais vous, qui seriez fâché d’être renommé par le mal que vous auriez fait, à la manière des conquérants insensés et féroces, de ces grands ravageurs de campagnes et abatteurs de murailles, qui préférez un éternel oubli à une immortalité funeste ; reconnaissant la sagesse de cette maxime : Nisi utile est quod facimus, stulta est gloria , vous devez prendre dans le cas présent, pour éviter les mauvais résultats prévus, une autre voie qui vous conduira plus naturellement à votre but ; celle qu’ont suivie dans tous les temps les plus profonds moralistes qui ont éclairé leurs contemporains, celle unique que notre sage Fénélon a suivie aussi et qu’il suivrait probablement encore aujourd’hui s’il vivait.

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