Que si les personnes qui vivent dans la retraite et dans l'éloignement du monde, ne laissent pas de trouver de grandes difficultés dans la vie chrétienne au fond même des monastères; s'ils reçoivent des atteintes du commerce du monde, lors même que c'est la charité et la nécessité qui les y engage, et qu'ils se tiennent sur leurs gardes autant qu'ils peuvent pour y résister ; quelles peuvent être les plaies et les chutes de ceux qui, menant une vie toute sensuelle s'exposent à des tentations, auxquelles les plus forts ne pourraient pas résister ?
Quand on pense que les comédiens passent leur vie toute entière à apprendre en particulier, ou à répéter entre eux, ou à représenter devant les spectateurs, l’image de quelque vice, et qu’ils sont obligés d’exciter en eux des passions vicieuses, on ne peut s’empêcher de reconnaître que la comédie est par sa nature même une école et un exercice du vice, et qu’il est impossible d’allier ce métier avec la pureté de la religion ; que c’est un métier profane et indigne d’un chrétien. « En commençant par observer les faits avant de raisonner sur les causes, dit Jean-Jacques Rousseau2, je vois en général que l’état de comédien est un état de licence et de mauvaises mœurs ; que les hommes y sont livrés au désordre ; que les femmes y mènent une vie scandaleuse ; que les uns et les autres, avares et prodigues à la fois, toujours accablés de dettes, et toujours versant l’argent à pleines mains, sont aussi peu retenus sur leurs dissipations que peu scrupuleux sur les moyens d’y pourvoir. […] Je plains beaucoup les auteurs de tant de tragédies pleines d’horreurs, lesquels passent leur vie à faire agir et parler des gens qu’on ne peut écouter ni voir sans souffrir. […] Voilà, me dis-je à moi-même, des hommes qui se damnent de propos délibéré pour me divertirn. » Quand même on ne prendrait aucun mal à la représentation des pièces théâtrales, ne se rend-on pas coupable en contribuant à entretenir les autres dans une profession frappée des anathèmes de l’Eglise, et digne de l’être par la vie scandaleuse et libertine de la plupart de ceux qui l’exercent, par tous les désordres secrets ou publics dont ils sont la cause ? Ne se croirait-on pas coupable de contribuer, par des dons volontaires, à entretenir dans le crime et le libertinage des courtisanes ou d’autres personnes de mauvaise vie ?