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322. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre IV. Maurice de Saxe. » pp. 118-145

Voltaire conclud que les comédiens ne sont point imfames : il devroit en conclure que le vice aveugle sur l’honneur comme sur la conscience, & qu’un suffrage dicté par le libertinage n’est d’aucun poids. […] Mais quand on fait peu de cas du vice, quand on en fait un mérite, il en coûte peu de louer les vicieux. […] Il ne tint qu’à lui d’épouser la Duchesse, & tout le monde s’y attendoit : ce qui l’auroit rendu paisible possesseur de la Courlande, & l’auroit dans la suite approché du trône de la Russie : le vice est trop aveugle pour connoître ses intérêts même temporels Au lieu de lui marquer son amour & sa reconnaissance, il viola les loix sacrées de l’hospitalité, & l’offensa mortellement en débauchant sous ses yeux quatre de ses filles d’honneur, des premieres maisons du pays. […] La sainteté du lieu & la grandeur du ministere ne permettoient de louer que des vertus chrétiennes, dont on ne trouve aucun vestiges dans une vie païenne, qui commença par le crime, continua & finit par les excès de la débauche, accablée de maux honteux que la continuité du vice avoit causés.

323. (1789) Lettre à un père de famille. Sur les petits spectacles de Paris pp. 3-46

cet air de candeur que les impressions du vice, récentes et peu profondes, n’ont pas fait disparoître encore, est un appât de plus pour des hommes blasés et dépravés, avides de ces autres primeurs, et contens de produire, au lieu d’amour, des sensations sans objet. […] Quand ces Acteurs seroient aussi chastes par eux-mêmes que l’étoient ceux de madame de Maintenon à Saint-Cyr, la licence de leurs pièces ne tarderoit pas à les familiariser avec le vice. […] Dans le dessein de bien apprécier et d’humilier les classes inférieures qui doivent aux vices des autres ordres l’extrême ascendant qu’elles ont pris, on compareroit la multitude françoise avec ces soldats d’Athènes prisonniers chez les Siciliens, auxquels ils récitoient les tragédies d’Euripide ; avec la populace d’Angleterre qui sent les vraies beautés de Skaspeare, avec le paysan Italien qui improvise en musique et en poësie, avec l’ouvrier Suisse qui a une bibliothèque ; on attendroit que la satiété des mauvaises choses ramenât les petits et les grands aux bonnes, ou l’on feroit des efforts pour se consoler de n’avoir perdu que le goût, quoiqu’il ne soit rien moins qu’étranger au bonheur des hommes policés. […] De-là toutes sortes de travers, de vices et de maux ; la fatuité, le mépris des bienséances, et en particulier le mepris des femmes, les excès de la table, la crapule, la fortune manquée ou ruinée, la santé cruellement compromise.

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