Ecoutez, si l’ivresse de l’erreur vous laisse encore quelque lueur de bon sens : les Dieux ordonnent le théâtre pour vous préserver des maux du corps, et leur Pontife l’abolit pour préserver vos âmes de la corruption du vice. […] Qu’importe d’en bannir la grossièreté des paroles, si le vice en action y présente partout de mauvais exemples ? […] Vous honorez donc le vice, non la nature ; vous donnez, non à l’homme, mais à un métier infâme : « Non homini donas, sed arti nequissimæ ; honoras vitium, non naturam. » (Psalm. […] Vous vous plaignez que les temps sont mauvais, parce que les théâtres tombent, ces honteux abîmes, cette profession publique du vice, ces séjours des démons ; mais c’est par la disette occasionnée par le mauvais et sacrilège usage qu’on avait fait de ses biens, en les construisant. […] Tandis que ceux-ci vous donnent des spectacles de vice au théâtre, il vous offre dans l’Eglise le spectacle de sa passion et de sa mort, et de celle des Martyrs.
Certes, il faut avouer que Molière est lui-même un Tartuffe achevé, et un véritable Hypocrite, et qu’il ressemble à ces Comédiens, dont parle Sénèque, qui corrompaient de son temps les mœurs, sous prétexte de les réformer, et qui sous couleur de reprendre le vice, l’insinuaient adroitement dans les esprits : et ce Philosophe appelle ces sortes de gens des Pestes d’Etat, et les condamne au bannissement et aux supplices. […] Je sais que l’on ne tombe pas tout d’un coup dans l’Athéisme : on ne descend que par degrés dans cet abîme, on n’y va que par une longue suite de vices, et que par un enchaînement de mauvaises actions qui mènent de l’une à l’autre. […] Le dévot jeûne, pendant que l’hypocrite fait bonne chère, il se donne discipline et mortifie ses sens, pendant que l’autre s’abandonne aux plaisirs, et se plonge dans le vice et la débauche à la faveur des ténèbres : l’homme de bien soutient la Chasteté chancelante, et la relève lorsqu’elle est tombée, au lieu que l’autre dans l’occasion, tâche à la séduire, ou à profiter de sa chute. […] Il est vrai que la foule est grande à ses Pièces, et que la curiosité y attire du monde de toutes parts : mais les gens de bien les regardent comme des Prodiges, ils s’y arrêtent de même qu’aux Eclipses et aux Comètes : parce que c’est une chose inouïe en France de jouer la Religion sur un Théâtre, et Molière a très mauvaise raison de dire, qu’il n’a fait que traduire cette Pièce de l’Italien, et la mettre en Français : car je lui pourrais répartir que ce n’est point là notre coutume, ni celle de l’Église : l’Italien a des vices et des libertés que la France ignore, et ce Royaume très Chrétien a cet avantage sur tous les autres, qu’il s’est maintenu toujours dans la pureté de la Foi, et dans un respect inviolable de ses Mystères. […] Nous avons l’obligation aux soins de notre glorieux et invincible Monarque, d’avoir nettoyé ce Royaume de la plupart des vices qui ont corrompu les mœurs des siècles passés, et qui ont livré de si rudes assauts à la vertu de nos Pères.