Or, par une suite de cette inutilité même, le théâtre qui ne peut rien pour corriger les mœurs, peut beaucoup pour les altérer. » Vous établissez, par plusieurs exemples, bien choisis à la vérité, que la plupart de nos Poèmes ne sont aucunement propres à rendre les hommes plus vertueux, ni à réprimer leurs passions : mais vous auriez dû ajouter, ce me semble, avec la vérité sévère et impartiale dont vous faites profession, que dans plusieurs drames anciens et modernes, il y a d’excellentes leçons de vertu ; leçons sublimes et touchantes, plus propres à attirer les hommes à la vertu, et à les arracher aux passions, que tous les traités de morale faits ou à faire. […] Ils savent donc, maintenant, que leurs plus criminelles actions ne manqueront jamais d’approbateurs ; que pour être vertueux, il ne faut consulter que soi, et non de vils esclaves : ils ont donc appris que les meurtres ne sont jamais impunis ; que le crime ne promet que des plaisirs incertains, et qu’il est constamment suivi de tourments inévitables, puisque le remords est toujours avec lui : ils ne pourront donc plus ignorer que l’homme, qui peut tout, ne doit pas tout oser…. […] Vous connaissez donc, Monsieur, la véritable cause de toutes les actions vertueuses faites par les hommes depuis qu’on a représenté devant eux des tragédies ? […] Quelle connaissance du cœur humain ne suppose pas l’admirable scène de ce vertueux Grec, entre Electre et Oreste son frère ? […] Si une femme aimable et vertueuse est un objet céleste qu’on ne trouve qu’au théâtre, où sont ces hommes si habiles et si vertueux ?
La religion, les lois, la politique, seraient peu utiles à l'homme, si elles ne le rendaient vertueux. […] quel homme vertueux voudrait les prendre pour règle, et avoir des enfants, des amis, des domestiques formés à cette école ?