est-ce dans ces cercles brillants que l’ambition ou la vanité peuplent d’esclaves ou d’hommes désœuvrés, est-ce au milieu du jeu même des passions les plus ardentes que la scène ne développe souvent avec tant d’art et d’agrément, que pour mieux assurer le triomphe des plus dangereuses ; est-ce donc là que nous apprendrons jamais à respecter la sainteté du mariage, l’autorité paternelle, la simplicité de l’honnête homme ? […] Les acteurs tragiques n’étaient donc alors, à vrai dire, que des historiens dont le talent devait jouir d’une considération d’autant plus grande à Athènes, qu’il en relevait toute la gloire, et qu’il en flattait l’orgueil et la vanité. […] Je suis loin de favoriser l’orgueil ou la vanité ; mais, pourtant, si l’on ne veut pas perpétuer le désordre, il faut que, comme les choses elles-mêmes, tous les hommes soient à leur véritable place. […] Fuit-on les variétés, quand, sur la scène, on immole a la risée publique la vanité d’un sot présomptueux qui se laisse duper par un prétendu sourd, qui, dans l’Auberge pleine ap, lui ravit son asile et rompt ses projets de mariage ? […] Vouloir perpétuer d’âge en âge un nom fameux par ses actions ou ses talents, sans avoir pour but de les rendre utiles à ses semblables, c’est le désir de l’orgueil et de la vanité ; c’est le sentiment injuste qui mit à la plupart des conquérants les armes en main pour ravager et désoler l’univers ; ça été le principe des plus grands crimes, dont le monde ait eu à frémir ; ça étéas enfin le puissant mobile de cette main sacrilège et forcenée qui mit en cendres le fameux temple d’Ephèse.
Voyez la Lettre qu’il écrit à Donat, dans laquelle après l’avoir prié de jeter les yeux sur tout ce qui se passait sur la terre pour en connaître la vanité ; après lui avoir parlé des jeux de Luttes, des Combats de Gladiateurs, dans lesquels l’homme était sacrifié au plaisir de l’homme : « Homo occiditur in hominis voluptatem 2 », il passe aux Tragédies et aux Comédies, dans lesquelles, à la vérité, il nous dit que l’on faisait de sales représentations ; mais, personne ne doit conjecturer de ces paroles que les incestes et les adultères honteux dont il parle se commissent sur le Théâtre. […] Pour vous en désabuser, vous n’avez qu’à lire le Chapitre 15 suivant, où vous verrez qu’il condamne généralement tous ceux où les passions et la vanité règnent, en faisant voir l’opposition qu’il y a entre l’émotion que ces Spectacles nous causent, et la tranquillité du Saint Esprit que nous devons conserver. […] 9 » Que dirai-je de ces inutiles et vaines occupations de la Comédie, de ces folles clameurs de la Tragédie, je dis que quand même ces Spectacles ne seraient pas consacrés aux Dieux, les Chrétiens n’y doivent point assister, parce que quand ils ne renfermeraient rien de criminel, on y trouve toujours une très grande vanité, ou un vain amusement très dangereux et peu convenable à des fidèles. […] Mais pour ces jeunes gens qui y font foule, qui fatigués des plaisirs de toute sorte, ne cherchent dans la volupté que de nouveaux ragoûts ; pour ces Dames mondaines, dont la vie est une oisiveté continuelle, qui n’ont d’autre occupation que celle d’idolâtrer leur corps, de le satisfaire dans tous ses désirs, de s’ajuster et de faire parade de leur vanité depuis le matin jusqu’au soir ; pour ces coquettes, dont l’esprit n’est rempli que d’intrigues ou de commerces, qu’elles cherchent ou à commencer ou à entretenir à la Comédie ; pour ces fainéants de profession, ces batteurs de pavé, dont la présence à la Comédie est la fin d’une journée inutile et pour eux et pour le public, tant d’autres enfin de ce caractère dont la Comédie est remplie : quel besoin ont-ils, je vous prie, de chercher à la Comédie à délasser leur corps ou leur esprit ? […] Pour ce qui est des Pères en qui le précepte de l’Eglise est encore renfermé, je crois que ce que j’ai dit de Tertullien et de Saint Cyprien., est plus que suffisant pour vous faire voir que les autres Pères ont condamné la Comédie, et qu’ils n’ont pas seulement déclamé contre les Spectacles des anciens, à cause des excès qui s’y trouvaient ; mais aussi à cause de la vanité, du danger, et pour les autres raisons qui subsistent dans ceux de ce temps.