Car pour les Spectacles où sont imprimées quelques images de la guerre, ils accoûtument peu à peu les Hommes à manier les armes ; ils leur rendent familiers les instrumens de la mort, & leur inspirent insensiblement la fermeté de cœur contre toutes sortes de dangers & de périls : d’ailleurs, la vanité gagne souvent sur l’esprit humain ce que la raison ne pourrait peut-être pas obtenir ; & cette jalouse humeur dont il ne se peut dépouiller, y fomente continuellement je ne sais quel desir de vaincre qui l’anime, l’échauffe, & qui l’emporte au-delà de ses faiblesses naturelles. […] Par exemple, les Pièces de théâtre n’ont rien de mauvais qu’autant qu’on y trouve une peinture des caractères & des actions des hommes, où l’on pourrait même donner des leçons agréables & utiles pour toutes les conditions ; mais si l’on y débite une morale relâchée, si les personnes qui exercent cette profession mènent une vie licentieuse, & servent à corrompre les autres ; si de tels Spectacles entretiennent la vanité, la fainéantise, le luxe, l’impudicité, il est visible alors que la chose se tourne en abus, & qu’à moins qu’on ne trouve le moyen de corriger ces abus ou de s’en garantir, il vaut mieux renoncer à cette sorte d’amusement. » Je suis sans contredit de cet avis : des Spectacles licentieux ne sont pas faits pour d’honnêtes gens ; mais il en est donc qu’ils peuvent voir, puisque les pièces de théâtre n’ont rien de mauvais, & qu’elles peuvent donner des leçons utiles & agréables : la devise de Santeuil le prouve (castigat ridendo mores) si elles corrigent les mœurs, elles sont nécessaires. […] L’imposture n’est point l’idole que j’encense ; mon ame est trop noble, & ne se laissera jamais entraîner au torrent vulgaire, tant qu’un souffle de l’immortel l’animera : j’en fais vanité. […] non, les apprêts même des supplices sont incapables de me faire changer lorsque je n’ai point tort, au milieu des tortures, aux portes du trépas, Je ne crains point la Mort & j’en fais vanité, Un sentiment si bas flétrirait ma fierté : Le lâche la redoute, à l’approche il succombe… Le grand cœur ne la sent que dans l’instant qu’il tombe.
Elle ne perd pas l’honneur, pour renoncer à la vanité ; ny n’est degradée de noblesse, pour se familiariser auecque le Peuple, & se mesler des affaires populaires.