/ 301
54. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre IV.  » pp. 97-128

La seule Mandragore de Machiavel (qu’aucun théatre François ne le chargeroit de jouer,) vaut peut être mieux que toutes les comédies d’Aristophane, (dont assurément on ne joueroit aucune à Paris. […] Vingt de nos dramatiques valent mieux qu’Aristophane ; mais il étoit sans réligion, sans mœurs & sans décence. […] Quand à Homere, je laisse à Boileau à prononcer si l’or d’Homere & de Virgile vaut mieux que le clinquant du Tasse . […] Le Chinois sans doute se réjouit comme le François, aux dépens des ridicules ; mais jamais n’a fait une affaire d’Etat d’un divertissement frivole ; jamais la ville de Pekin n’a fait bâtir une salle d’opéra, jamais la Cour Impériale n’a pensionné de troupe d’acteurs, jamais n’a proposé aux Lettres des récompenses pour l’éloge d’un comédien ; jamais on n’a disserté pour ou contre la comédie, en vaut-elle la peine ? […] La Réligion de Léon n’étoit point austere, il s’attiroit le respect (non par des vertus, mais) par des cérémonies pompeuses, ses secretaires sembloient professer la philosophie, sceptique, (ce trait est faux) les comédies de l’Arioste & de Machiavel quoiquelles ne respectent pas la pudeur & la piété, furent souvent jouées dans sa Cour, en sa presence, & celle du sacré Collége, par des jeunes gens des plus qualifiés  ; (on pouvoit ajouter celles du Cardinal Bibiana qui ne valent pas mieux pour les mœurs) Ce qui offençoit la Réligion n’étoit pas apperçu dans une cour occupée d’intrigues & de plaisirs ; les affaires les plus graves ne deroboient rien à ses plaisirs.

55. (1790) Sur la liberté du théatre pp. 3-42

On sait combien les soldats recherchent la garde des spectacles, qui leur vaut un surcroît de paie. […] Ces considérations ridicules étoient celles que le garde-des-sceaux, le directeur, et le secrétaire de la librairie faisoient valoir, pour empêcher les journaux. […] Il vaut mieux prévenir les délits que de punir. — Ces mots sont l’abregé de tout code du despotisme, et le pretexte dont ses agens se sont toujours servis, pour exercer une autorité prohibitive, vexatoire et arbitraire ; c’est cet axiôme qui nous a donné la Bastille et les lettres de cachet, l’espionnage et les 17 inquisitions de la pensée. […] S’ils abandonnent une piece, sous prétexte qu’elle ne leur produit rien, cet abandon rendra à l’auteur la permission de la porter sur un autre théâtre, ou on la fera valoir. […] Il vaudrait encore mieux laisser subsister la tache, que de blesser l’œil.

/ 301