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87. (1824) Du danger des spectacles « DU DANGER DES SPECTACLES. » pp. 4-28

Il ne faudrait pas en permettre l’usage à un peuple civilisé, à plus forte raison à une nation chrétienne. […] C’est parce que les raffinements de leur vie sensuelle, l’espèce de leurs plaisirs et de leurs amusements, et l’usage qu’ils font du temps, contribuent autant à éteindre en eux les lumières de la religion et de la morale que peuvent le faire l’ignorance et la grossièreté sur les classes moins favorisées. […] S’il était donné à un mortel d’avoir la puissance d’un apôtre, l’éloquence d’un ange, quel meilleur usage pourrait-il faire de ces célestes dons, que de les employer à arracher les hommes à ces amusements dangereux que la fortune, la corruption et un excès de civilisation, ont malheureusement introduits parmi nous. […] « Si ce moyen était mis en usage avec bonne foi et candeur, si l’on s’appliquait à faire sur son propre cœur cette fidèle épreuve, si l’on s’accoutumait à se livrer à cet examen consciencieux, avouons-le, nos salles de spectacles, et ces salons brillants qui offrent à la beauté un théâtre plus choisi, mais non moins dangereux, ne verraient pas, chaque soir, une affluence jusqu’alors inouïe dans les annales du plaisir.

88. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver. » pp. 128-178

Je conviens que le Poète pouvait se dispenser de mettre dans la bouche de Pauline le mot d’amour, qui force Polyeucte à lui faire la réponse que nous venons de voir ; mais on ne doit pas oublier qu’elle est Payenne ; elle a recours, pour persuader son mari, aux plus fortes armes dont elle pouvait faire usage : si Pauline avait été Chrétienne, Corneille ne lui aurait pas fait tenir un pareil langage ; ou, s’il l’eût fait, on aurait pu, avec justice, le lui reprocher. […] En effet, les raisons qu’il donne, pour n’avoir pas fait jouer un grand rôle à l’amour dans sa Thébaïde, lui auraient suffi pour se dispenser d’en faire usage dans ses autres Pièces ; on en sera aisément convaincu, si l’on veut relire la dernière période de sa Préface. […] La Thébaïde est écrite dans le goût des Tragédies Grecques, où la mort et le carnage dominent ; si on voulait en faire usage pour le Théâtre de la Réforme, il y aurait peu de chose à changer dans la Scène d’amour entre Hémon et Antigone ; je crois même qu’on pourrait se dispenser d’y toucher ; et, telle qu’elle est, je donnerais mon suffrage en sa faveur. […] Je n’ai rien à dire non plus contre l’amour de Plisthène et de Théodamie ; c’est plutôt l’effet d’une sympathie naturelle, qu’une véritable passion ; puisqu’il se trouve à la fin qu’ils sont frère et sœur : cependant cet amour a servi infiniment à l’Auteur, que je trouve très louable de l’avoir imaginé, et encore plus d’en avoir sû faire un si bon usage : car, outre qu’il n’offre rien qui blesse la bienséance la plus austère, les deux Amants sont d’ailleurs occupés de motifs trop importants pour s’amuser à filer des Scènes de tendresse ; aussi l’Auteur les a-t-il évitées avec grand soin, et ne s’est servi de l’amour que pour donner plus de force à la compassion de Plisthène, qui sans cela ne devrait s’intéresser que médiocrement à la vie du père de Théodamie, ne sachant pas qu’il fût aussi le sien.

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