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54. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — SIXIEME PARTIE. — Comédies a corriger. » pp. 295-312

Valère de son côté peut s’excuser auprès d’Elise, en disant que son intention a été uniquement de gagner la bienveillance d’Harpagon, ce à quoi il est déjà presque parvenu, quoi qu’il ne soit que depuis deux jours auprès de lui, parce qu’il n’a perdu aucune occasion de flatter sa passion pour l’argent ; il peut ajouter que son dessein est de persuader à son père, avec le temps, de consentir à marier sa fille, chose à laquelle peut-être il ne penserait jamais pour s’épargner la dot qu’il faudrait lui donner en la mariant : qu’en attendant il aurait le temps d’avoir des nouvelles de ses parents, comme on lui en faisait espérer, et qu’en cas qu’il parvint à les trouver, il se flattait que le goût qu’Harpagon aurait pris pour lui le déterminerait aisément en sa faveur par préférence à ses Rivaux ; d’autant plus qu’il croirait être en droit de lui moins donner qu’à tout autre. […] Elise lui réitére l’ordre qu’elle lui avait déjà donné de n’entrer jamais dans une chambre où elle se trouverait seule ; elle lui défend d’oser jamais lui parler à l’écart, même devant des Témoins ; enfin elle veut que si dans le terme de huit jours, il n’a pas des nouvelles de ses parents, il trouve un prétexte pour sortir de la maison : et supposé qu’il n’en sortit point, elle jure (malgré les favorables dispositions où elle est en sa faveur) de le découvrir elle-même à son père pour le faire chasser, ou de s’enfermer dans un Couvent, afin de ne le plus voir de sa vie, etc.. […] Racine, est la Pièce la plus singulière que j’ai trouvée dans tous les Théâtres de l’Europe : il y corrige deux passions, qui à la vérité paraissent rarement dans le monde, mais qui ne sont jamais médiocres dans ceux qui s’y laissent entraîner. […] Du Fresny , Cette Comédie me paraît excellente ; le Poète entreprend de corriger un défaut qui, selon le titre de sa Pièce, paraît particulier à une Province, et par cette raison on pourrait s’imaginer que l’instruction ne serait pas générale pour des Spectateurs de tout pays ; cependant si l’on y prend bien garde on s’appercevra que ce défaut n’est que trop commun, et que malheureusement en tout pays on trouve des parents et des frères qui ne vivent pas en bonne intelligence et même qui se détestent mutuellement. […] LE COCU IMAGINAIRE, Cette petite Pièce est un des bons morceaux du Théâtre de Molière par l’art admirable avec lequel elle est tournée et dialoguée : il est vrai qu’elle a besoin d’être corrigée en bien des endroits, et particulièrement dans la deuxieme et la dix-septième Scène de la Pièce ; l’une contient le détail que la Servante fait sur le mariage, et on y trouve des pensées trop libres : dans l’autre ce sont des réfléxions que Scanarelle fait à propos du Cocuage.

55. (1675) Lettre CII « Lettre CII. Sur une critique de son écrit contre la Comédie » pp. 317-322

b Je prendrai, Madame, la liberté d’appeler de votre critique, quelque respect que j’aie d’ailleurs pour vos sentiments ; mais ce sera en la manière qu’on appelle quelquefois des sentences qu’on ne trouve pas assez rigoureuses. […] On sera plus exact une autre fois, si on en trouve le temps ; et si l’on ne le trouve pas, on se résoudra à la réputation de mal écrire, ce qui n’est pas un grand mal. […] Il semble que vous désirassiez sur le sujet de ces vers que je ne fusse pas de votre sentiment, et que je trouvasse moyen de les défendre : mais étant condamnés comme ils sont par plus d’un arrêt souverain en ces matières, comment pourrais-je ne pas m’y rendre ?

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