Le mensonge, la flatterie, l’artifice, sont bassement mis en œuvre pour tromper le Prince, lui faire garder le diadème qu’il a envie de quitter, et avoir le plaisir d’assassiner un Souverain et ce même homme qu’on peint avec les couleurs les plus odieuses : « Si l’on doit le nom d’homme à qui n’a rien d’humain, A ce tigre altéré de tout le sang Romain… Et jamais insolent ni cruel à demi, etc. » Le même Cinna qui vient de tracer ce portrait, lui dit quatre pages après : « N’imprimez pas, Seigneur, cette honteuse marque A ces rares vertus qui vous ont fait Monarque. […] Ces dieux qui l’ont flatté, ces dieux qui m’ont trompée, Ces dieux qui dans Pharsale ont mal servi Pompée, Qui la foudre à la main ont pu voir l’égorger. […] Pour tromper un Tyran, c’est générosité.
C’est (si je ne me trompe) celle dont les préceptes & les exemples sont convenables à ce but. […] Que seroit-ce si la jeunesse de l’un & de l’autre sexe y désapprenoit l’antique simplicité, pour s’instruire à tromper la vigilance la plus éclairée, & à suivre pour un engagement de toute la vie un aveugle passion, plûtôt que la prudence désinteressée de ceux à qui on doit le jour ? […] C’est à ce dessein que la perspective a produit des Peintres si habiles à tout imiter, Edifices, Jardins, Bocages, varieté d’aspects de l’univers entier ; si adroits, si prompts à rapprocher, ou à faire fuir les objets, à aggrandir la Scéne par d’immenses lointains, à tromper l’œil, en un mot, par une sorte de magie aussi ravissante que merveilleuse. […] Des oisifs de toute espece, des paresseux de profession, dont l’unique affaire est de ne rien faire ; l’unique soin, celui de n’en point prendre ; l’unique occupation, celle de tromper leur ennui : passant de la table aux cercles ou au jeu, & de là aux Spectacles, pour y assister sans goût, sans discernement, sans fruit ; fort satisfaits au reste d’avoir rempli le vuide d’un temps qui leur pesoit.