Je viens aux Tragiques de la Grèce. […] Pour recueillir ensemble tous les anciens Tragiques ; Sénèque se conforme assez à Euripide, et met Tirésias à couvert d’outrages : Œdipe conjure seulement Tirésias, mais sans lui perdre le respect, de révéler la réponse de l’oracle et la personne coupable ; celui-ci s’en excuse d’abord, et enfin le fort de la plainte des Dieux retombe sur Créon.
Il est vray que les sages du paganisme avoient fait du theatre une école publique, pour inspirer avec plaisir l’horreur du vice, & l’amour de la vertu : & que les Poëtes qui étoient les Theologiens des Gentils avoient inventés les pieces comiques & tragiques pour une bonne fin ; en effet, ceux qui ont étés les juges plus favorables de leur intention, ont voulu nous persuader que ces autheurs n’avoient pretendus autre chose, sinon de purger la volonté de ses passions dereglées, par la representation de la tragedie, dans laquelle le theatre étoit toûjours ensanglaté par la mort des vicieux, & par le châtiment des coupables ; & de purger l’esprit des opinions erronnées, par la representation des comedies, dans lesquelles on tournoit en ridicule les autheurs de la fausse doctrine, & les maîtres des méchantes opinions : mais comme la poësie qui a été employée à ces sortes d’ouvrages s’est corrompuë parmi les Payens, elle a donné plus de force au vice pour le faire suivre, que de charme à la vertu pour la faire imiter. […] Qui est l’homme de bon sens qui ne s’aperçoit pas que ces representations comiques ou tragiques qui se font sur le theatre, sont une ingenieuse & subtile invention du diable pour deshonorer les ceremonies de l’Eglise, & se moquer de la canonization de nos Saints. […] Voulez-vous des spectacles tragiques, meditez la mort des Martyrs, & toute l’histoire de la Passion de Iesus-Christ, qui est la plus sanglante & la plus sainte tragedie du Christianisme.